! En l'espace de moins d'un mois, l'Arabie Saoudite a commis, à l'enceinte des Nations Unies, deux voltefaces, aussi préjudiciables qu'insondables, relevant beaucoup plus de la lubie princière que de la haute stratégie. Deux incidents ayant constitué deux authentiques premières tant dans les annales de l'organisation onusienne que dans les chroniques de la diplomatie saoudienne, d'autant plus que les deux principaux organes des Nations Unis ont été en ligne de mire de la réaction saoudienne, à savoir l'Assemblée Générale et le Conseil de Sécurité. D'abord, le chef de la délégation saoudienne a renoncé, à la dernière minute, à prononcer le discours de son pays, face à l'Assemblée Générale des Nations Unies, lors du débat général de sa 68e session. Pourtant, l'Arabie Saoudite s'était bien inscrite à la liste des orateurs et son chef de délégation était programmé pour la séance du 30 septembre 2013. C'est la première fois que la délégation saoudienne ne prend pas la parole depuis son adhésion aux Nations Unies. Nombreux observateurs se sont interrogés sur les véritables raisons ayant contraint l'Arabie Saoudite à brillé par son absence et son silence à cette tribune de choix, à laquelle accourent, chaque année, les Chefs d'Etat et de Gouvernement de tous les pays pour exposer leurs vues et délivrer leurs messages. Ensuite, après avoir été élue au Conseil de Sécurité, le 18 Octobre 2013, en qualité de membre non-permanent, pour un mandat de deux ans, l'Arabie Saoudite s'était rétractée, faisant part de son refus d'honorer son mandat, pour des raisons du moins injustifiées grotesques sinon insondables. Justifiant sa position, sans précédant, Riyad a bombardé le Conseil de Sécurité de tout son bois vert, lui reprochant son incapacité à résoudre la crise au Moyen-Orient, la prolifération des armes de destruction massive dans la région et sa politique de deux poids, deux mesures, notamment la question palestinienne. L'argument, aussi louable soit-il, ne tient pas la route car il n'est pas nouveau, le Conseil de Sécurité a toujours été épinglé à ce sujet et chargé de la même chape de critiques depuis des lustres. A se demander si l'Arabie Saoudite nourrit de telles réserves réquisitoires à l'encontre de cet organe pourquoi alors a-t-elle soumis sa candidature et attendu jusqu'à l'annonce des résultats du scrutin pour faire feu de tout bois et rejeter le siège qui lui revient de droit ?! D'aucuns diraient qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire et pour marquer le coup. Cette remarque aurait été à juste titre s'il n'y avait pas risque de dommage collatéral. Si le seul représentant arabe au Conseil de Sécurité décide de démissionner de son siège, de son mandat et de son rôle, ce sont toutes les questions arabes qui en pâtiront. En effet, il incombe au représentant arabe la responsabilité de coordonner, de présenter et de négocier les projets de résolution engageant un pays arabe ou une cause arabe. Son absence fait courir un grand risque. D'ailleurs, maintenant les parties prenantes au Conseil de Sécurité ainsi que les membres du groupe arabe aux Nations Unies sont actuellement en tractations pour convenir d'un remplaçant. En effet, pour pérenniser la pratique (présence d'un pays arabe, en alternance entre l'Afrique et l'Asie, au Conseil de Sécurité), le groupe arabe est appelé à désigner un nouveau candidat, qui serait ensuite entériné, par vote, l'Assemblée Générale, conformément aux procédures en vigueur. La décision saoudienne, qui a choqué par ailleurs la communauté onusienne, a longtemps divisé le groupe arabe. Un camp a appelé l'Arabie Saoudite à reconsidérer sa position, à reprendre son siège et à s'acquitter de son mandat, alors qu'un deuxième, dont fait partie la Tunisie, a exprimé son soutien à cette démarche, jugée courageuse et judicieuse. Pour remplacer l'Arabie Saoudite, les prétendants se font rares. Deux pays seulement sont cités la Jordanie et le Koweït. Jusqu'ici, la candidature de la Jordanie semble bénéficier d'un large appui. En tout état de cause, les raisons invoquées par l'Arabie Saoudite pour justifier son refus d'occuper le siège ne tiennent pas vraiment la route, outre qu'elles suggèrent que d'autres motifs, sans rapport avec le Conseil de Sécurité et les Nations Unies, sont derrière la position saoudienne. En effet, si les griefs saoudiens portent sur l'incapacité du Conseil de Sécurité à résoudre la crise au Moyen-Orient, et sa politique de deux poids, deux mesures, la présence de l'Arabie Saoudite dans cet important organe aura autrement plus d'influence et lui offrira plus d'opportunité de faire valoir sa position critique, de prendre part directement aux règlement des différends. Ce revirement, brusque et inattendu, laisse penser que derrière cette position qui se veut de principe se faufilent des considérations bilatérales entre Riyad et Washington, notamment des velléités contre la politique américaine dans la région et des lignes de craquement de l'alliance américano-saoudienne. Une sorte de message adressé à la Maison Blanche, un cri de protestation et de désaccord concernant les derniers développements de la politique étrangère moyen-orientale américaine. Une manière d'annoncer sa disposition de prendre ses marques et ses distances avec l'Administration Obama. Pour nombre d'observateurs, il ne s'agit que d'un « dépit amoureux », d'un caprice princier dont les Etats Unis, et non le Conseil de Sécurité, sont la première cible. Ne pouvant s'entendre avec celle-ci sur certains dossiers d'intérêt dans la région, l'Arabie Saoudite a sacrifié son siège au Conseil de Sécurité comme moyen de contestation et comme une réaction à l'adresse de l'Administration Obama, en particulier sur les principaux points de controverse suivants : En conclusion, tout laisse à penser que l'Arabie Saoudite s'est rendu compte de la précarité de construire sa politique régionale sur une seule alliance stratégique, avec les Etats-Unis, et, par conséquent, de la nécessité d'agrandir son cercle d'alliés pour pouvoir poursuivre son rôle de puissance régionale et de pilier d'équilibre avec l'Iran. Sur un autre plan plus interne, il n'est pas également exclu que la volte-face de l'Arabie Saoudite s'adresse, en premier lieu, à la consommation locale pour desserrer l'étau sur la famille régnante et d'élargir la base populaire et l'architecture institutionnelle de la monarchie.