Sous les contours dissimulés de la loi de l'immunisation de la révolution, reléguée aux fins fonds de l'histoire, c'est l'article 15 du décret-loi électorale qui cristallise, désormais, tous les enjeux des futurs échéances électorales. Posant au centre du débat la question de la légitimité de l'exclusion ou de la réhabilitation des ex Rcdistes, cet article a fait couler beaucoup d'encre. Entre les pourfendeurs et les défenseurs de cette loi, les arguments fusent et les discussions s'électrisent. Le camp des défenseurs de cette loi tablent, parfois, par excès de zèle, sur la nécessité d'évincer ceux qu'ils considèrent comme les fossoyeurs de l'Etat de droit. Quant aux pourfendeurs ils agitent le spectre d'une loi incompatible à une constitution qui a jeté les bases d'un Etat démocratique. Et dans une démocratie, c'est la loi de la justice transitionnelle qui est apte à exclure ou à repêcher. Tout au long de la semaine, les deux camps se sont activés pour défendre leurs positions. Se pressant sur les plateaux télés, défilant dans les couloirs de l'Assemblée Nationale Constituante, ils ont rivalisé d'efforts pour accentuer la pression en faveur ou en défaveur de l'exclusion. Et patatras, la sentence du mouvement Ennahdha est tombé, vendredi, par la voix de son chef, Rached Ghannouchi. « Ennahdha est opposé à ce projet qui risque de desservir les intérêts du pays dans un moment charnière et de polarisation de la société », dixit le président du mouvement Ennahdha. De ce fait, la loi de l'exclusion va-t-elle faire pschitt? Seuls les fragments du CPR, du mouvement Wafa s'accrochent, bon gré mal gré à cette loi et jouent, de facto, leurs dernières cartes avant le lancement effectif de la bataille électorale. Afin d'y voir plus clair, nous sommes allés solliciter les réactions de part et d'autre sur cet article 15. Mehdi Ben Gharbia: l'Alliance démocratique. « Je demeure farouchement opposé à la réhabilitation des Rcdistes mais passer cette loi dans un contexte aussi délicat ne servira pas l'intérêt du pays » a martelé Mehdi Ben Gharbia ajoutant qu'il prône un engagement moral pour faire barrage aux Rcdistes sur les listes électorales. Evoquant l'impact d'une loi inique, Mehdi Ben Gharbia a estimé que l'exclusion est du ressort de la justice transitionnelle. Zied Lâadhari: Ennahdha. Le porte parole du mouvement Ennahdha a enfoncé le clou en affirmant que c'est le peuple tunisien qui doit trancher sur l'exclusion ou la réhabilitation des caciques de l'ancien régime. Les urnes en décideront lors du prochain scrutin électoral, a indiqué Zied Lâadhari dédouanant Ennahdha de toute responsabilité dans cette loi. Ennahdha votera contre cette loi à l'Assemblée si elle ne donne pas lieu à un large consensus, a-t-il ajouté. Ahmed Seddik: Le Front populaire: Le leader du Front Populaire a fait savoir qu'ils rejettent purement et simplement et de part le principe la loi de l'exclusion. « Toute personne éligible à une candidature aux élections est en droit de se présenter » a déclaré Ahmed Sedik. Et de préciser que le Front populaire est favorable à une loi empêchant toute personne impliquée dans un crime de se présenter aux élections. L'exclusion collective sous couvert politique est inacceptable, a conclu Ahmed Seddik. Si tous sont unanimes sur l'inopportunité de la loi de l'exclusion politique, l'élue du Courant démocratique Samia Abbou fait entendre un autre son cloche. Dans son plaidoyer en faveur de l'exclusion, Samia Abbou déplore « qu'une faille dans la constitution ait empêché des exceptions et des interdictions dans le chapitre des élections présidentielles contrairement au chapitre se référant aux élections législatives qui a imposé des conditions pour chaque candidature et ce sous l'article 53 de la loi électorale » . L'élue a précisé avoir proposée de faire passer l'article 15 qui interdirait aux symboles de l'ancien régime la réinsertion dans la scène politique. Une disposition qui reviendrait, selon elle, à immuniser la démocratie du danger que constitue le retour des ex-Rcdistes. Interrogée sur l'iniquité de cette loi, Abbou se défend et souligne que la convention internationale signée par la Tunisie en 1966 permet de restreindre les droits civils et politiques pour certaines personnes dans le cas d'une révolution.