Les dernières élections régionales françaises, les premières depuis le nouveau découpage régional introduit la loi du 16 janvier 2015, ont , d'une part provoqué une onde de choc au premier tour, suite au triomphe historique Front National (FN) dont les listes ont arraché 28% des voix et caracolé en tête de six régions métropolitaines sur treize, et d'autre part, ont montré, au deuxième tour, que la force d'inertie républicaine reste suffisamment solide pour damer les pions à l'extrême droite, bien que le clivage gauche/droite soit encore moins prononcé et moins visible. En effet, la droite a glané sept régions métropolitaines alors que la gauche en a obtenu cinq. Les principales conclusions à tirer des dernières élections régionales françaises sont les suivantes : Premièrement, l'idéologie extrême droite est de plus en plus rampante et gagne du terrain, avec comme trame de fond le prosélytisme nationaliste et l'islamophobie. Deuxièmement, enseignement en rapport avec les attentats de Paris de Novembre 2013, attaques ayant fragilisé le bloc républicain, la gauche française en particulier, qui est au pouvoir, et renforcé les rangs du FN. L'axe de la terreur a traversé également la campagne et le scrutin et a trouvé écho dans les urnes. La réaction de peur de l'électorat français était un vrai handicap pour la classe politique traditionnelle et aussi un pain bénit pour le FN. Troisièmement, FN a continué de surfer sur la vague nationaliste et à renforcer ses positions sans pour autant avoir la capacité de renverser la situation et de prendre vraiment le pouvoir. Le score obtenu au premier tour a certes donné des idées et des perspectives au FN mais sans que l'essai soit transformé au second tour. En position de force, comptant sur sa bonne étoile, le FN se voyait mettre la main sur « quatre ou cinq régions« , dixit sa présidente Marine Le Pen, laquelle a essuyé un cinglant revers Nord-Pas-de-Calais-Picardie, suite à la décision du Parti Socialiste (PS)de retirer ses listes en faveur du candidat républicain et de tuer dans l'œuf les ambitions régionales de l'extrême droite. Quatrièmement, le FN dispose d'une base populaire de plus en plus vaste et d'une marge de manœuvre beaucoup plus large, donc une plus grande capacité de nuisance. S'il a perdu sur le plan régional, il est sorti le plus grand vainqueur au niveau politique. Il y a une ligne de rupture entre les deux tours que le FN n'arrive pas jusqu'ici à enjamber (ce que la presse français qualifie de « plafond de verre »). Sauf la complicité républicaine gauche/droite, il n'est guère exclu que le FN ait gagné quelques régions. Désormais, il faut compter avec lui. En force intrinsèque, en poids électoral, et sans alliance politique tantôt objective et tantôt conjoncturelle contre lui, il est permis de conclure que le sinistrement célèbre FN est la première force politique en France. Les chiffres l'attestent malheureusement. Cinquièmement, voués à une défaite, aussi annoncée que critique, à en juger notamment par les raclées qu'ils ont subies dans toutes les élections intermédiaires depuis la victoire aux élections présidentielles de Mai 2012, le PS en particulier, et la gauche française en général, semblent avoir limité la casse et tiré leur épingle du jeu, faisant globalement bonne figure. Sans atteindre leur objectif électoral, à savoir conserver le nombre de régions sinon l'augmenter, la gauche a quand même réalisé son objectif politique de barrer la route à l'extrême droite. Sixièmement, sortie grand vainqueur des dernières élections régionales françaises, la droite a encore du pain sur la planche, sauvant les meubles au prix d'un sursaut républicain, au niveau électoral avec un bien meilleur taux de participation au second tour comme sur le plan politique avec le retrait de la gauche de certaines régions. Ce ne sont guère sa force de mobilisation et sa densité électorale qui ont mis la droite sur orbite mais un concours de circonstances dont il lui faudrait analyser les causes et tirer les enseignement. En conclusion, le risque de basculement de l'électorat français vers l'extrême droite n'est plus une vue de l'esprit mais bel et bien une réalité tangible. La modification de la donne politique et la recomposition du paysage électoral, sur fond de sentiment d'insécurité de plus en plus diffus et non moins entretenu par le FN et de précarité sociale, menacent de faire sombrer la France, à terme, dans l'extrême droite. Hypothèse, certes sombre, mais pressenti si la classe politique française continue de privilégier l'enjeu partisan et politicien au mépris de l'intérêt national et de la pérennité de la culture républicaine.