Il est quand même étrange de se tirer une balle dans le pied puis chercher un tireur pour l'en accuser. Le Gouvernement a d'abord autorisé Hezb Ettahrir (Parti de la Libération), un parti, légalisé en Juillet 2012 et présidé par Ridha Belhaj, qui ne croit ni à la république ni à la démocratie, à exercer en plein jour pour se rendre compte ensuite de sa capacité de nuisance et de son idéologie sectaire et lui intenter trois procès et demander sa dissolution. D'ailleurs, comment se fait-il que ce parti, islamiste radical et ennemi de la modernité, prônant la ré-instauration du Califat et une politique fondée sur la « Chariâa », ait obtenu son visa, en totale violation de la Constitution, notamment les dispositions pertinentes interdisant la formation de parti politique sur une base religieuse, ethnique ou raciale. Il est vrai que ce n'est pas le Gouvernement Habib Essid qui a livré le visa mais il n'en demeure pas moins que, selon le principe de la pérennité et de la continuité de l'Etat, il est quelque part responsable de l'héritage légué et, à ce titre, il a agi dans le bon sens pour rectifier le tir et corriger une situation insidieuse qui a longtemps duré. Il n'est pas question là de droit d'expression ou de droit de conscience mais de conformité avec la Constitution. Aucun droit n'est acquis en dehors de ce cadre. Transgresser le dispositif constitutionnel n'est guère un droit, c'est un déni de droit. La légalisation de Hezb Ettahrir et d'autres partis islamistes ou à forte à obédience religieuse, jusqu'ici en infraction avec le cadre constitutionnel, a été le fruit d'un vide constitutionnel dont on a vite tiré profit à cette fin. En effet, La Constitution tunisienne de 1959 a été suspendue pendant trois ans, ce qui a ouvert la porte à toute forme d'égarements déconstruisant l'Etat moderne. Entre autre, l'action de légaliser un parti politique, fondé sur une base religieuse, ce qui est en soi une remise en question de la nature civile et républicaine de l'Etat. Outre HezbEttahrir, dont le programme féodal n'a d'égal que son rejet de l'Etat, et Ennahdha, toujours coincé dans ses problèmes d'identité, de culture et de ligne politique, d'autres formations, se réclamant de l'Islam politique, ont été légalisées durant la même période de vacuité constitutionnelle: * Parti « Rahma », légalisé le 30 Juillet 2012, présidé par un ancien militant historique d'Ennahdha, Said Jaziri, lequel articule tout son programme sur l'application de la « Chariâa ». * Parti « Assala », légalisé le Mars 2012, présidé par Mouldi Ali, condamné à 44 ans de prison, sous le règne de Ben Ali, pour terrorisme. * Front de la réforme (Jabhet Islah), héritier du Front Islamique Tunisie (FIT) , légalisé en Mai 2012, présidé par Mohamed Khouja. Il est temps que le Gouvernement et l'Assemblée des Représentants du Peuple se décident à revoir leur copie et à faire appliquer la Constitution dans son intégralité. Mener une guerre frontale contre un petit parti comme Hezb Ettahrir et , en même temps, occulter les autres, les grosses légumes notamment, ce n'est ni brave ni honorable. C'est opérer à la tête du client et selon les rapports de force. Tout le monde doit être loti à la même enseigne et au même ordre constitutionnel. Sinon c'est la chaos !