Il l'aura été jusqu'au bout, Habib Essid. Il aura tenu à demeurer le bon « commis de l'Etat » qu'il a toujours été. Egal à lui-même dans le succès et imperturbable et stoïque face à l'adversité. Il faut dire que l'école à laquelle il a été, ne tolère pas qu'un commis de l'Etat, et à plus forte raison, un homme d'Etat, se rabaisse au niveau du caniveau dans lequel pataugent ses adversaires. Habib Essid a fait preuve jusqu'à son entretien télévisé d'hier, d'un calme et d'une indifférence extrêmes, au point de s'attirer les foudres de ses proches collaborateurs qui ne comprenaient pas qu'il puisse baisser les bras et se laisser abattre, alors qu'il détient entre ses mains de quoi trainer dans la boue tous ses détracteurs. Mais c'était méconnaitre ou sous-estimer le bonhomme. Et la réponse d'Essid est venue hier soir, cinglante, claquant comme une gifle sur les faces qui commençaient à sourire en jouissant d'avoir eu le dessus et de l'avoir poussé à la sortie, se frottant les mains, et dégustant d'avance leur victoire en rêvassant aux jours meilleurs, et aux postes futurs qu'ils allaient récolter pour leur traitrise. En effet, et dans un style dont il a, seul, le secret, Habib Essid est sorti sur antenne, en ayant bien choisi son interlocuteur, histoire de jouer sur les sous entendus, les non-dits et la retenue apparente, pour confirmer sans le dire, toutes les « suppositions » de Borhene Bsaiess. Pour ceux qui n'ont pas saisi la finesse de la démarche de Habib Essid, il s'agit de savoir qu'en refusant une séance d'audience à l'ARP, et en optant pour une séance, pour solliciter un plus qu'hypothétique renouvellement de confiance, Habib Essid solde ses comptes avec les ingrats parmi ses ministres qui ont tout fait pour le faire sauter, alors qu'ils sont la première cause des quelques échecs de son gouvernement. Car une fois les députés auront refusé leur confiance à ce gouvernement, pour cause de son échec à gérer les affaires de l'Etat, comment vont-ils pouvoir envisager d'accepter des éléments de cette équipe perdante dans le futur gouvernement, et à plus forte raison, de charger un des ministres de cette équipe de constituer le nouveau gouvernement ? Une façon élégante et calme de la part de Habib Essid de couper l'herbe sous les pieds de ses détracteurs et de les entrainer dans sa chute. Par ailleurs, en faisant allusion à certaines menaces de bas étage qu'il a reçu de la part de certaines personnalités, en insistant pour ne pas les nommer, Habib Essid aura scellé de façon définitive et irrécupérable leur avenir politique et même social dans le pays. Car Essid sait bien qu'il peut compter sur la curiosité sans limites des tunisiens pour qu'ils terminent « le travail » et identifient les apprentis politiciens qui s'amusent à jouer au gorille face au lion. D'autant plus qu'Essid, comme la majorité des tunisiens, est certain que ces individus étaient à la source même de l'initiative supposée présidentielle. Donc, finalement, Habib Essid aura réussi avant de partir, un coup de maitre, et dans la finesse, une leçon en matière de vraie politique de la part d'un homme d'Etat, pour les apprentis de la dernière période. Habib Essid aura forcé le respect et l'admiration des tunisiens qui ont gardé, hier, suite à son intervention télévisée, un arrière goût d'amertume, avec une désagréable sensation de s'être fait mener en barque par une bande d'hyènes affamées. Bien qu'il ne faille se faire aucune illusion sur l'issue du vote de confiance qui sera effectué par les représentants, non pas du peuple, mais, plutôt, de cette bande d'hyènes.