Bien qu'il n'ait pas présenté sa démission lundi au chef de l'Etat, les déclarations des uns et des autres convergent vers un remplacement de Habib Essid dont l'étiquette de commis de l'Etat aura finalement fait la force et la faiblesse Au départ, ce n'était qu'une déclaration, certes calculée, du président de la République faite lors d'une interview télévisée. Cette proposition s'est très vite transformée en une initiative présidentielle imposée de fait à l'ensemble de la classe politique et même aux organisations nationales, à savoir l'Ugtt et l'Utica. Il semble bien que l'idée d'un gouvernement d'union nationale soit devenue inévitable. D'ailleurs, les discussions ne tournent plus autour de la proposition en elle-même, mais bien autour des mécanismes susceptibles de la mettre en œuvre. Bien qu'il n'ait pas présenté sa démission lundi au chef de l'Etat, les déclarations des uns et des autres convergent vers un remplacement de Habib Essid dont l'étiquette de commis de l'Etat aura finalement fait la force et la faiblesse. Les spéculations quant à celui qui le remplacera à la tête du gouvernement ont déjà commencé et les noms, comme à chaque changement gouvernemental, « fuitent » dans les médias. En seulement quelques jours, les noms de Said Aidi, Néji Jalloul ou Mustapha Kamel Nabli sont cités. Et même Ahmed Nejib Chebbi, absent ces derniers temps du débat public, affirme qu'il ne refuserait pas le poste si on le lui proposait. Mais depuis le dialogue national qui a débouché sur le gouvernement Mehdi Jomâa, l'expérience a démontré que les noms qui sont cités au début ne sont jamais ceux qui sont retenus à la fin du processus. L'instance politique du parti Nida Tounès a avalisé lundi soir lors de sa réunion la proposition du président de la République de créer un gouvernement d'union nationale. Dans un communiqué publié à l'issue de la réunion, le parti a entre autres estimé qu'une telle démarche devait obligatoirement passer par «la nomination d'un nouveau chef de gouvernement», capable de rassembler le maximum de couleurs politiques. Dans le même communiqué, l'instance affirme même avoir «ouvert la porte des pourparlers avec l'ensemble des parties prenantes». Des mots qui contrastent avec certaines déclarations de leaders politiques, qui affirment à l'instar de Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, n'avoir reçu aucune invitation officielle pour participer à des concertations relatives à la formation d'un gouvernement d'union nationale. « J'espère seulement qu'il ne s'agit pas d'un gouvernement comme celui du lendemain de l'indépendance parce qu'à l'époque, ce n'était pas véritablement un gouvernement d'union nationale, il y avait des syndicalistes et membres de l'Utica mais c'était d'abord des destouriens. Les opposants francs, eux, ont été écartés », commente ironiquement Hichem Skik, membre du bureau politique du parti Al-Massar, non représenté au parlement. Le parti devait d'ailleurs tenir une réunion hier soir pour décider de la position à adopter face à la proposition du chef de l'Etat. Il y a quelques mois, le parti avait remis au président de la République une proposition pour la tenue d'un « congrès national de sauvetage » Du côté du groupe Al-Horra et de Machrou Tounès, c'est à peu près la même chose. Ils sont pris de court et n'arrivent pas pour le moment à rendre publique une position officielle. Le groupe devait lui aussi se réunir hier soir pour étudier la question. « Nous retrouvons là une grande partie de notre proposition, mais il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, nous devons nous entendre sur un programme commun, explique Hichem Skik. Je pense que BCE a mal choisi le moment. Qu'il le veuille ou pas, il a déstabilisé le travail gouvernemental sans avoir un plan clair ». C'est ce que soutient également Imed Daïmi, l'une des figures de proue du parti Tounès Al Irada de l'ancien président de la République Moncef Marzouki. Selon lui, la déclaration du président de la République va accentuer la crise économique et sociale, entamer la confiance de nos partenaires à l'étranger et déstabiliser l'action du gouvernement. « Le président de la République a outrepassé ses compétences affirme-t-il. Un président de la République n'a pas à décider de l'échec ou de la réussite d'un gouvernement. De par la Constitution, c'est par le parlement que ces choses devraient passer selon des procédures bien définies. Le président veut imposer un régime présidentialiste ». Il a estimé par ailleurs que la président de la République a fui ses responsabilités. « Le chef de l'Etat est aussi responsable de la crise », a-t-il dit.