Samira Maraï, la toute nouvelle ministre de la santé, a eu un baptême du feu, bien particulier. Dès sa première journée à la tête du ministère, elle a eu droit à une double crise, à Kasserine. Une double crise qui a mis à rude épreuve les structures sanitaires de la ville et de la région, et une crise qu'elle a gérée dans l'urgence, comme elle l'a pu. Mais une crise qui lui a valu l'acharnement de quelques parties politiques qui n'ont pas hésité à la descendre en charpie. Il faudra, bien reconnaitre, qu'elle était dans son tort, la nouvelle ministre de la santé. Pas au point de mériter le traitement qu'elle a eu, certes, mais elle avait quelque part, tort. Elle a fauté en acceptant de faire le déplacement à Kasserine accompagnée du même staff qui entourait son prédécesseur, Saïd Aïdi. Un cortège qui a fini par se faire haïr par la majeure partie des populations qui ont reçu sa visite, à force d'avoir menti à ces gens, et d'avoir fait des promesses non tenues. Des collaborateurs dont la seule vue avec la nouvelle ministre transmet un mauvais message aux gens, qui en comprennent que les ministres changent, mais que la machine reste la même, et qu'on ne pourrait rien en espérer de nouveau. Samira Maraï a, même, poussé la « faute » jusqu'à se faire accompagner par la, plus que démesurée, machine de la communication de Saïd Aïdi avec son cortège de flashs et de caméras, qui multiplient les plans et les prises pour, à la fin, sortir un reportage qui côtoie d'assez loin la réalité de la visite et des doléances des habitants de la région. Elle a, aussi, fauté en se laissant embarquer dans une polémique gratuite, et de bas étage, avec une supposée représentante du peuple, qui ne représentait, en réalité que sa personne et celle de ses commanditaires qui l‘ont envoyée dare-dare, pour faire son cinéma histoire de déstabiliser la nouvelle ministre, et par delà elle, le gouvernement, conformément à un agenda qui a été ébruité par les annonces « hasardeuses » de certains leaders de sa formation politique qui semblent s'être jurés de perdre le gouvernement. Enfin, elle a fauté en réagissant, bien évidemment, sous la pression de la présidence du gouvernement, de façon hâtive et dans l'urgence, avec des demi-mesures qui n'auront pas servi à grand-chose. De par le fait qu'elle soit médecin, et qu'elle ait toujours appartenu à la famille de la santé publique, elle aurait du réagir de façon plus pondérée, en opérant de façon stratégique et dans un esprit de réparation d'un état des lieux catastrophique. Car son expérience aurait du l'aiguiller, une fois son diagnostic établi, vers la recherche de l'étiologie du mal, comme le disent ses confrères, c'est-à-dire, identifier la cause et les origines du mal, au lieu d'entamer un traitement « symptomatique » qui se contente d'atténuer les signes de la maladie sans la prendre en charge à ses origines. En s'y prenant de façon méthodique, elle aurait compris que la région de Kasserine, comme tant d'autres régions, d'ailleurs, souffre de la gestion calamiteuse de son prédécesseur, qui aura eu le tort de s'entourer de gens, apparemment, non qualifiés. Les mêmes gens qu'elle a eu le tort de prendre avec elle, lors de ce déplacement à haut risque. Elle aurait compris que la santé dans cette région a été gérée comme on gère une partie de « Chkobba », où on joue ses cartes, à la demande, et selon celles jouées par le vis-à-vis, alors qu'on devrait s'y prendre comme pour une partie d'échecs, avec stratégie et planification à court, moyen et long termes. Donc, oui, Maraï a fauté, et il va lui falloir rectifier le tir. Et bien que ce baptême du feu ait été assez rude pour elle, elle pourra, toujours, se consoler du fait qu'à quelque chose, malheur est, toujours, bon. Cette « mésaventure » lui aura dévoilé ses ennemis, qui se sont démasqués, et elle doit savoir, maintenant qu'elle aura sur le dos les extrémistes de gauche comme de droite. Et cette mésaventure, lui aura, aussi, permis d'évaluer l'énormité des chantiers qui l'attendent, et qu'il va lui falloir reprendre beaucoup de choses dès le début, à commencer par la formation de son cabinet. Elle devra, ensuite, revoir la gestion des ressources aussi bien matérielles qu'humaines de son département. Car cette crise lui aura permis de constater que pour un pays qui est en guerre, il est aberrant que le ministère de la santé envoie au Hajj, l'intégralité de son équipe qui gère les situations urgentes et les catastrophes, sachant que ces fins limiers des urgences y vont tous les ans, sans pour autant qu'on décèle le moindre bénéfice particulier sur la santé de nos pèlerins. De même que sur le plan de l'infrastructure et de l'équipement, elle va se rendre compte qu'il est aberrant que Kasserine, au même titre que Jendouba, le kef, Kébili et Ben Guerdène, qui constituent les premières lignes de front de la guerre contre les terroristes, soient dotés d'hôpitaux incapables de gérer un afflux de blessés n'atteignant, guère, une cinquantaine ou même 70 personnes. De ce fait, En bon médecin qu'elle est, Maraï sera dans l'obligation de corriger les lacunes de ses prédécesseurs en augmentant les capacités et les performances des hôpitaux de ces lignes de front, surtout en matière de gestion de catastrophes, voire, même, pensera-t-elle à doter ces structures d'unités mobiles à type d'hôpitaux de campagne qui pourraient s'installer en deux clics, sur les lieux mêmes des « crises », et permettre une meilleure prise en charge des victimes et leur meilleur dispatching. En attendant, l'espoir reste permis pour que le Dr Maraï prenne le dessus sur le ministre Maraï, pour le bien de tout le monde, et pour le sien, entre autres.