La région de Sfax est en ébullition, depuis quelques jours. Le courant semble ne plus passer entre la région et son élite, d'un côté, et le gouvernement, de l'autre. Pas plus tard qu'hier, un collectif de représentants de la société civile dans la capitale du sud a rédigé une pétition, avec des allures de mise en demeure, à l'attention du chef du gouvernement, Youssef Chahed. Motif de la pétition, revendication du respect par le gouvernement de ses engagements en vue de relancer les projets stagnants dans la région, et, surtout, le démantèlement de la compagnie source de pollution d'une grande partie de la ville qu'est la SIAPE. Mais la vraie raison, non avouée, de ce mécontentement, c'est l'annulation, ou du moins, le report de la visite prévue du chef du gouvernement à Sfax en cette période. L'histoire aurait pu s'arrêter sur ce simple « malentendu » de calendrier si ce n'était ce qui est survenu ces dernières 24 heures dans la région, et qui laisse supposer que la source du problème est ailleurs, et qu'elle est, autrement, plus grave. La source du problème, et de la réticence du chef du gouvernement à se rendre à Sfax semble être la situation pourrissante qui sévit aux îles Kerkennah et qui a conduit, en ce mercredi, à la fermeture définitive du champ pétrolier Chergui exploité par la société Petrofac, et la mise au chômage de tous ses salariés. Et il semblerait que Chahed ait senti le traquenard et ait refusé de se rendre à la, désormais, poudrière que constitue Sfax. Et il semblerait, par ailleurs, que la situation à Kerkennah ait dégénéré à cause d'un laisser aller, que certains ont qualifié de « douteux », de la part des autorités régionales, qui auraient, laissé les choses s'envenimer en attendant une deuxième mission du gouvernement sur place, sur l'île pour renégocier ce qui avait été réglé il y a quelques semaines avec les protestataires de Kerkennah. Et certains observateurs ne se sont pas privés de faire le lien entre ce comportement des autorités régionales et la proximité du gouverneur de Sfax d'un certain parti politique, qui ne semble plus être un secret pour personne. Et s'il serait légitime de se demander ce qui aurait pu motiver une telle conduite de la part des autorités locales, il serait d'autant plus facile d'y répondre, en faisant le constat des retombées de ce comportement sur la région et sur l'île de Kerkennah, en particulier. Car la situation sociale va devenir intenable sur l'île et la tension va regagner en puissance ce qui fera d'elle, une véritable zone de non-droit, où les policiers et autres forces de l'ordre seront interdits d'accès, et dont, les instigateurs de toute cette histoire pourraient disposer comme d'une province extraterritoriale non soumise à l'autorité de l'Etat. Et tout çà, pourquoi ? Et pourquoi maintenant ? En d'autres termes, comme diraient les enquêteurs des affaires criminelles, « à qui profite le crime » ? Eh bien la première réponse qui s'impose à nous fait froid au dos ! Car en ce moment précis les terroristes de Daech chassés de la ville côtière de Syrte, en Libye, sont désespérément, à la recherche d'un pied à terre qui leur soit accessible par la voie des mers. Et ils semblent s'y être préparés de longue date, en se dotant de vedettes et de jet skis rapides leur permettant de faire la traversée en un clin d'œil. Et il n'y a pas mieux qu'une île isolée entourée par la mer, et de surcroit, inaccessible aux forces de l'ordre pour leur offrir l'asile rêvé. C'est drôle, quand même, que cette histoire surviennent pile au moment où la polémique commence à battre son plein en rapport avec l'attendu retour des fils prodiges de la Tunisie des zones de conflits, et le sort qui semble leur être réservé, à type de pardon et autre repentir... Drôle, tout de même. Pourvu qu'on se trompe sur toute la ligne et que Kerkennah n'est pas en train de se muer en Eldorado pour les terroristes de Daech, ou en sas sécurisé pour permettre leur infiltration sur le territoire tunisien. Et rassurons ces pêcheurs en eaux troubles en leur rappelant que les citoyens de Kerkennah, d'une, ne sont pas dupes, et de deux, jamais quelqu'un n'a eu la fibre patriotique plus que ces fiers descendants de Farhat Hached.