Entre des leaders arabes qui roupillent en pleine réunion de haut niveau, ronflant leur démission et leur apathie, ceux qui trébuchent dans les couloirs, beaucoup plus par les méninges que par les pieds, et ceux dont l'esprit est distrait ou évaporé, focalisé sur autre chose que l'ordre du jour, notamment leurs châteaux à Mirabelle et leur yacht au large de l'Ile Maurice, et ceux qui, quoique bien présents et bien alertes, s'ennuient ferme et distillent un air de lassitude ou de suffisance, le Sommet Arabe d'Amman reste fidèle à son image de coquille vide, qui se réunit beaucoup plus pour sacrifier aux traditions et aux convenances que pour débattre et convenir d'alternatives opérationnelles devant juguler les diverses crises dont leur région est infestée. Un défilé d'egos à la fois risible et regrettable ! Un ramassis de vieilles savates sans foi ni loi, qui ne prennent leur courage à deux main que quand la cible est arabe. Le dernier carré de chefs, encore convaincus de l'utilité de la Ligue des Etats Arabes (LEA) et qui se démènent pour faire bouger les lignes, n'ont aucun poids, juste un noyau de naïfs, l'espoir en bandoulière et la conviction plein le front, qui dérangent le sommeil ou l'inertie des autres. Pour ceux sortant de la cuisse de Jupiter, c'est la chute beaucoup plus dans les bras de Morphée, Dieu du sommeil, que sur les épaules de Mars, Dieu de la vengeance guerrière. Les sommets arabes se suivent sans changement de cap ou modification de la sempiternelle et poursuivent leur aphonie, dans l'indifférence générale. L'opinion publique arabe a cessé d'en être dupe depuis des lustres, toisant les Sommets arabes comme une pièce de théâtre de mauvais goût où il y a, sur les planches de l'histoire, plus de comparses que d'acteurs. Sommet Arabe ou Assommé arabe ?! Les Sommets Arabes ne sont que des enceintes idéologiques, sur fond de diarrhée verbal, où les chefs, accrochés à leurs costumes de parade, rivalisent de discours pompeux et harassants et de vœux à deux balles tirés par les cheveux. Rien que le syndrome de la parlote qui sévit dans l'hémicycle ! Une procession sémantique sacrée, une succession de professions de foi, un catalogue de bonnes intentions. L'ordre arabe ? Foutaise ! La sécurité arabe ? Baliverne ! L'unité arabe ? Sornette ! L'ennemi arabe ? Fadaise ! Les facteurs qui unissent les arabes, à savoir l'histoire, la géographie, la langue, la culture, l'identité, la religion et le destin commun sont ceux-là même qui les divisent. Comme dit, à juste titre, la sagesse populaire arabe : "Les arabes se sont mis d'accord pour n'être jamais d'accord". Un seul point en commun quand même : Cette faculté à discourir à volonté et de rater toutes les occasions de se taire ! C'est bien la LEA qui, en Novembre 2011, a suspendu, certes provisoirement, la Syrie, au profit de ce qui était le Conseil National Syrien (CNS), coalition hétéroclite basée à Istanbul et instrumentalisée surtout par la Turquie, bombardée par la LEA au siège de la Syrie et reconnue comme "représentant légitime du peuple syrien ". Le CNS n'était pas seulement en rupture avec la base populaire mais en conflit avec d'autres parties, et non des moindres, de l'opposition syrienne. Pire encore, les stratèges arabes ont décidé d'évincer la Syrie alors que Damas ne constituait nullement une menace sur le monde arabe ni sur son ordre ou sa sécurité et subissait et subit encore les affres d'une guerre civile sans nom ni précédent. La guerre civile dans le pays du Levant est la conséquence première et directe de la décision arabe de faire sortir la Syrie à la LEA et des rangs arabes. C'est là où a commencé sa descente aux enfers et c'est là où l'œil du cyclone fixe la Syrie de toute sa force de nuisance. La Syrie a juste "le défaut" d'être une épine dans le pied occidental. Après le régime de Saddam Houssein, est venu le tour et l'heure de celui de Bacchar Assad. A renvoyer aussi à l'âge de pierre. Il n'y a que les crétins pour croire que le peuple arabe, l'intérêt arabe ou l'hypothétique démocratie arabe soient au centre des préoccupations du bloc occidental, Etats-Unis et Israël en tête. Les arabes ne sont plus que la chair à canon de la guerre des axes et des enjeux géostratégiques et leurs causes synonymes de cache-misère. Il est paradoxal et non moins grotesque de constater que lors des deux Sommets tenus respectivement à Doha en 2013 et au Koweït en 2014, le siège de la Syrie à la LEA a été occupé par l'opposition. Laquelle, en toute logique, n'est pas en mesure, sur le plan tant de la légitimité que de la légalité, de se targuer de parler au nom de tous les syriens, compte tenu également de sa dislocation et de son éparpillement, au niveau aussi bien politique que militaire, et ce sans compter son hétérogénéité idéologique et la mosaïque de ses allégeances. Ledit bloc, mené au doigt et à l'œil par Washington et Tel Aviv, avec la complaisance sinon la complicité de quelques monarchies arabes, a éructé des injonctions et la LEA, en bon larbin de service, n'a fait que joindre l'acte à la parole. L'équation était d'une insolente simplicité : Soit déloger la Syrie de la LEA, soit risquer d'être délogé de son trône, la réponse a coulé de source. Par conséquent, l'éviction de la Syrie, qui plus est encore membre à part entière des Nations Unies, encore un saisissant et lamentable paradoxe, n'est ni légitime ni légale, en vertu de la charte arabe, ce qui montre, si besoin est, que les présidents, rois et princes arabes, du moins dans leur écrasante majorité, ne sont que les valets attitrés au service des ennemis des causes arabes, palestinienne en premier lieu, et des plans géopolitiques anti-arabes. Tout compte fait, il y a lieu de s'interroger pourquoi n'avoir pas exclu la Libye de la LEA dont la situation de chaos est pire que la Syrie ?! Tout simplement parce que le Libye est l'affaire et la chasse gardée des gros bras et des forts en gueule de l'OTAN, aucune autre partie n'est en droit ou en position de s'en mêler. Le jour où l'OTAN jugera de bon œil la suspension de la Libye, les laquais arabes s'empresseront de convoquer un Sommet pour foutre dehors de la LEA ce pays soi-disant frère. Les erreurs historiques ne se figent pas à ce stade, ne se limite pas à ce funeste épisode syrien, se multipliant à loisir. En effet, les maitres en carton de la région arabe ne s'étaient pas arrêtés en si bon chemin, après avoir chassé la Syrie de la LEA, et dans la foulée, ils ont mis en place une alliance militaire, une force de frappe armée, derrière l'Arabie Saoudite, sur fond de guerre de confession et de leadership dans la région avec l'Iran, pour mettre à feu et à sang le Yémen, un autre pays arabe qui, comme la Syrie, ne présente aucune menace pour quiconque, loin s'en faut. Le Yémen est également aujourd'hui à l'âge de pierre par la volonté des fantoches arabes et au nom légitimité, aussi louche que bancale. A l'actuel Sommet d'Amman, le 28ème de rang, quelques pays membres ont eu l'audace de demander la réintégration de la Syrie à la LEA, notamment l'Irak et l'Egypte, la Tunisie et le Liban étant parait-il favorables une telle démarche. L'initiative n'a pas fait long feu. Que nenni ! Le retour de Damas n'est pas encore d'actualité et il ne le sera qu'au moment où le bloc occidental, mettant au pas ses relais arabes dans la région, trouve quelque intérêt à une telle réadmission, laquelle réadmission ne serait envisageable que si le régime syrien consentait à revenir à de meilleurs sentiments et acceptait, de bon cœur, de réintégrer la LEA, ce qui n'est aucunement le cas en l'état actuel de la situation. En conclusion, depuis sa création, il y a plus de 60 ans, la LEA n'est jamais parvenue à jouer un rôle probant ou à peser de tout son poids dans l'échiquier international. Elle en est toujours exclue sinon admise à ouvrir la porte de l'enfer. Son corps étant très malade, autant gangrené par le choléra impérialiste et néocolonialiste occidental que pourri par la peste des monarchies du Golfe, ces dictatures protégées qui, sans le pétrole, auraient été dans la poubelle de l'histoire et de la mémoire depuis belle lurette. La LEA et ses Sommets, tout juste une machine à brasser de l'air, à ramer à contre-courant des intérêts vitaux de sa population, à brader à la criée la richesse arabe et à sacrifier son présent et son futur sur l'autel de la lâcheté, de la cécité, de la cupidité et de la désunion.