Plus qu'un coup de tonnerre, c'est un véritable tremblement de terre qui a secoué la France et sa classe politique le Dimanche 23 Avril 2017, une journée historique à plus d'un titre. En effet, le scrutin présidentiel français a constitué une onde de choc dans le paysage politique de l'hexagone, défrayant la chronique et rompant le sempiternel équilibre jusqu'ici en vigueur. Le vote de l'électorat français a sanctionné le traditionnel clivage gauche-droite et envoyé dos à dos les socialistes et les républicains revoir leur copie et refaire leur gamme. C'est un vote, révolté et unanime, contre le système et surtout contre ses deux piliers, à savoir la gauche et la droite, les socialistes et les républicains. L'électorat français, vraisemblablement écœuré de la bipolarisation classique gauche / droite, qui plus est a voté massivement, le taux d'abstention étant moindre que les précédents exercices, a voulu déloger les dinosaures pour insuffler un sang neuf. La nature de son vote suggère un appel populaire pressant pour couper court aux pesanteurs habituels et pour recomposer la classe politique. Bombarder un néophyte, dépourvu d'expérience d'Etat, comme Emmanuel Macron, à la première marche du podium en dit long sur l'état de ras-le-bol des français. Placer Marine Le Pen en seconde position pourrait être également et non sans une certaine logique perçu comme beaucoup plus une réaction à l'ordre politique bicéphale et accablant ambiant qu'un choix mûrement réfléchi. Personne ne peut enlever à Emmanuel Macron le mérite et la lucidité d'avoir mieux compris la fibre profonde de l'électorat français et l'évolution de son choix contre l'alternance classique dans l'échiquier politique et son mouvement vers le centre. Il a compris mieux que d'autres et bien avant d'autres le glissement de l'électorat français. Dès la présentation de sa candidature, il ne s'est réclamé ni de gauche ni de droite, se situant hors des partis et des clivages. Il a bien marqué son territoire même s'il a brassé large, à gauche comme à droite, pour se constituer un capital politique et grossir ses rangs par des grandes figures que rien ne lie vraiment, comme Alain Madelin l'ultra libéral ou l'ex Secrétaire Général du parti communiste français Robert Hue, sans compter Daniel Cohn-Bendit, principal acteur de Mai 1968 et chantre de l'écologie. Après les présidentielles de 2002 au cours de laquelle Jean Marie Le Pen a écarté, de justesse, le candidat du PS, Lionel Jospin, de la course au deuxième tour (16,9% contre 16,2%), les présidentielles 2017 ont vu Marine Le Pen faire littéralement exploser Benoit Hamon, l'écart étant aussi traumatisant qu'interpellant. C'est la deuxième fois, en quelques années, qu'un membre de la famille Le Pen barre la route du deuxième tour au candidat socialiste. Comme l'a bien dit Benoit Hamon : "Ce n'est pas seulement une défaite électorale mais aussi une défaite morale". Il est permis de dire que c'est également une défaite idéologique dans ce sens que le PS a perdu son identité et son marquage social, son image et son message sont flous et brouillés, étant coincé entre un héritage idéologique de gauche et un ancrage politique de droite. La boutade "gauche caviar" dont le PS est depuis longtemps affublé est un raccourci fort pertinent et bien significatif. Après leur cuisant revers, à gauche comme à droite, au motif de front républicain contre Marine Le Pen, les leaders des deux camps rivalisent d'appui à Emmanuel Macron. Comme dit le vieux dicton "l'histoire est un éternel recommencement", Marine Le Pen ne manquera pas de connaitre le triste sort de son père en 2002, piétiné par Jacques Chirac (82,21 contre 17,8%), lequel a profité à fond du vote utile réclamé par les républicains français contre l'extrême droite dont le Front National (FN) est le chef de file et le porte-drapeau. Ce succès au premier tour serait-il pour Marine Le Pen le chant du cygne ou la victoire à la Pyrrhus ?! Elle n'a pas un réservoir de voix, elle a mobilisé tous ses sympathisants. Où pourrait-elle en grignoter d'autres ?! Elle finira comme son père, laminée et furibonde ! Le scrutin présidentiel français 2017 a donné lieu à moult premières dans les annales électorales de la Vème république * En France, l'élection présidentielle la plus disputée de la Vème République. Un vote fragmenté où les quatre premiers se tiennent dans un mouchoir. Entre le premier, Emmanuel Macron, et la quatrième, Jean Luc Mélenchon, l'écart ne dépasse pas les quatre points. Un tel vote serré survient pour la première fois entre quatre candidats. Généralement, deux ou tout au plus trois remportaient le gros lot.
* Jamais sous la Vème république, un candidat aux présidentielles n'est passé au deuxième tour sans être adossé à un parti, un véritable parti, et non un mouvement comme celui d'Emmanuel Macron , en l'occurrence "En marche", lequel n'a ni identité ni ligne idéologique, juste un composite plus électoral que politique. En tout cas, c'est un tour de force qu'il a réussi.
* Le score historique du Parti Socialiste (PS) dont le candidat Benoit Hamon n'a pu ramasser que 6%, et que se faire ramasser à l'occasion. Jamais le PS n'a connu une telle cinglante déroute sous la Vème République. C'est tout autant historique qu'abyssal.
* Jamais sous la Vème république, aucun des deux candidats présentés respectivement par les socialistes et les républicains ne gagne au moins une place à la course finale.
* Jamais le FN n'a atteint un tel score dans les élections présidentielles. A l'exception de l'année 2002 où Jean Marie Le Pen s'était glissé, in extremis, dans le deuxième tour, le FN a toujours mordu la poussière, finissant au mieux troisième.
* Sous la Vème république, jamais un premier ministre n'a poignardé le candidat de son propre parti pour offrir, en public et en direct, son soutien à un concurrent. La sortie de Manuel Valls en faveur d'Emmanuel Macron, dont les adversaires du PS et mêmes les observateurs ont fait des gorges chaudes, a non seulement plombé sinon coupé les ailes de Benoit Hamon mais aussi et surtout a montré que le PS est en totale effondrement. Un parti politique, quelle qu'en soit l'envergure, est voué au pire scénario, à la descente aux enfers, si sa discipline interne fait défaut et si ses leaders font cavalier seul au mépris de la ligne de leur parti. A priori Manuel Valls n'a pas pardonné à Benoit Hamon de l'avoir surclassé aux primaires. Il n'est pas encore exclu que le président François Hollande, mentor d'Emmanuel Macron, ait voté pour son poulain, au détriment du candidat que la base socialiste a choisi pour lui succéder. En résumé, le scrutin présidentiel français se jouait d'habitude entre gauche et droite, aujourd'hui ces deux traditionnelles forces ont éclaté pour laisser la porte grande ouverte à un bras de fer opposant le centre à l'extrême droite. L'alternance gauche et droite n'est plus de mise. Les français ont choisi le centre en premier lieu. Aujourd'hui, le PS (et, à un degré moindre le LR, François Fillon ayant quand même sauvé un tant soit peu les meubles avec ses 20%) risque tout simplement l'implosion. L'hypothèse n'est pas à écarter tant le PS est sorti broyé de ces élections présidentielles. Il ne lui serait pas facile de remonter la pente, du moins à court terme. Le PS serait-il fini ?! L'avenir le dira !