SUR LE PLAN JURIDIQUE, NATIONAL ET INTERNATIONAL La question d'El Qods croule sous le poids des textes de lois, promulguées au niveau national, et des résolutions onusiennes adoptées par les enceintes centrales des Nations Unies, comme le Conseil de Sécurité, l'Assemblée Générale et le Conseil de tutelle ainsi que par leurs organes subsidiaires. Sur le plan juridique national Sur ce chapitre, deux principaux textes législatifs se distinguent, émanant respectivement de Washington et de Tel Aviv et constituent le nœud de la tragédie palestinienne concernant El Qods: Au niveau de Washington : La loi appelée "Jerusalem Embassy Act" : la journée du 23 Octobre 1995 a été un jour noir pour la cause palestinienne, dans la mesure où, à Washington, le Congrès américain a voté cette loi de triste mémoire, imposant à l'Administration américaine de transférer l'ambassade de Tel Aviv à El Qods, assortie d'une clause dérogatoire permettant au président américain en exercice d'en reporter l'échéance tous les six mois. La troisième section de "Jerusalem Embassy Act" énonce : " L'ambassade des Etats-Unis en Israël devra être établie à Jérusalem au plus tard le 31 mai 1999″. Est-ce fortuit que cette loi fût adoptée juste après le deuxième volet des accords de paix d'Oslo? La structure de suffrage de cette loi montre le large consensus dont elle a bénéficié aussi bien au Sénat (93 voix pour et 5 voix contre) qu'à la Chambre des Représentants (374 voix pour et 37 voix contre). Il est à signaler qu'en ce moment le Congrès était la chasse gardée des républicains, les démocrates étant au pouvoir exécutif. Malgré cette architecture du pouvoir et ce rapport de force entre législatif et exécutif, il est clair que le vote a fait l'objet d'un compromis entre les deux parties, sinon le score aurait été plus serré, voire très étriqué. Ce n'était pas le cas, d'où le consensus. Au niveau de Tel Aviv : A peine la Guerre des Six Jours achevée sur une victoire sioniste, soit le 11 Juin 1967, la partie orientale d'El Qods avait été immédiatement annexée, suite à une décision unilatérale du conseil des ministres. Quinze jours après, soit exactement le 27 Juin 1967, encore dans l'euphorie de son succès militaire, la Knesset (Parlement de l'entité sioniste) avait voté une loi "autorisant le gouvernement à étendre le droit, la juridiction et l'administration de l'entité sioniste sur Jérusalem-est". Une opération de confiscation en règle. Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? En effet, le 30 Juillet 1980, dans l'objectif de rendre irréversible l'annexion de la partie orientale d'El Qods, la Knesset adopta une loi, connue sous le nom de "Loi fondamentale sur Jérusalem" dont le premier article proclame : " Jérusalem, entière et unifiée, est la capitale d'Israël ". Les autres articles sont de la même veine, serrant la vis de la main mise sioniste sur la partie orientale d'El Qods. En quelque sorte, consolider un braquage d'Etat. Sur le plan juridique international et onusien Saisissant au vol la question, le Conseil de Sécurité s'était réuni d'urgence pour statuer sur cette nouvelle mesure législative pondue par la Knesset et adoptée le 20 Août 1967: la résolution 478/1980 aux termes de laquelle la "Loi fondamentale sur Jérusalem" constitue "une violation du droit international". Le Conseil de Sécurité a ajouté que "toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, puissance occupante, qui ont modifié ou visent à modifier le caractère et le statut de la Ville Sainte de Jérusalem, et en particulier la récente ‘ loi fondamentale ', sont nulles et non avenues". Pour les Nations Unies, c'est la position officielle jusqu'à nos jours. La définition du statut final d'El Qods ne peut être que le fruit d'une négociation et d'un accord engageant toutes les parties prenantes. Toute manœuvre à contre-sens est vouée à l'échec car illégale aux yeux de la législation internationale et de la Charte onusienne. Pour la petite histoire, c'était la première fois que les Etats Unis s'étaient abstenus lors du vote d'une résolution défavorable à l'entité sioniste. Les autres 14 membres du Conseil de Sécurité ont accordé leurs voix au texte. La ville sainte, ville symbole, est ainsi déchue de son bouclier onusien comme ville démilitarisée, sous administration internationale, faisant partie intégrante des territoires palestiniens occupés, dont le caractère historique, le statut juridique et la composition démographique sont intouchables. En effet, aux termes d'une kyrielle de résolutions, aussi bien à l'Assemblée Générale qu'au Conseil de Sécurité, ont été déclarées nulles et non avenues les mesures prises pour modifier le statut d'El Qods. Les mêmes textes, dans leur ensemble, ont demandé, voire exigé, la protection du caractère spirituel et religieux unique de cette ville et ont dissuadé les Etats d'y transférer leurs missions diplomatiques, acte qui, le cas échéant, est jugé en désaccord avec la résolution 478 (1980) du Conseil de Sécurité. Pire encore, dans sa résolution du 1er Décembre 2000, l'Assemblée Générale a constaté que "la décision prise par Israël d'imposer ses lois, sa juridiction et son administration à la ville sainte est illégale et, de ce fait, nulle et non avenue". D'ailleurs, tapie derrière l'impunité que lui offre le véto américain, l'entité sioniste a foulé aux pieds toutes les résolutions onusiennes, notamment celles du Conseil de Sécurité, d'habitude plus contraignantes et souvent péremptoire et exécutoire pour d'autres pays. Désormais le troisième lieu saint de l'islam est sous la coupe de la puissance occupante sioniste, ce qui constitue encore une fois, la énième fois, une grave entorse à la légalité internationale et au corpus juridique onusien. Compte tenu de ce qui précède, la législation, portant sur El Qods, adoptée tant au Congrès qu'à la Knesset est marquée par le sceau de l'illégalité, donc nulle et non avenue au regard du droit international. En ignorant les Nations Unies et en passant outre son arsenal juridique, le magnat de l'immobilier, bombardé président des Etats-Unis dans un concours de circonstances étonnant, n'a pas soupçonné, ne serait-ce une seconde, qu'il a discrédité avant tout son pays et lié les mains de son administration dans le processus de paix, ou ce qui en reste, tant celui-ci est en état comateux et dont le pronostic vital est déjà lourdement, voire irrémédiablement engagé. Une dernière question: pourquoi maintenant ? Le sujet du timing n'est guère fortuit. Divers éléments d'analyse pourraient être avancés à ce propos : * La pression exercée sur Donald Trump par le lobby évangélique et le cercle des chrétiens sionistes, dont les plus radicaux font de la Maison Blanche leur quartier général. * La modification de la donne géostratégique au Moyen-Orient où pour certains pays arabes, notamment les roitelets du Golfe, l'ennemi juré n'est plus l'entité sioniste mais l'Iran contre lequel ils mènent une guerre froide, voire même une guerre tout court. * La disposition de plus en plus établie de certains pays arabes à emboîter le pas à l'Egypte et à la Jordanie, ayant conclu des accords de paix avec l'entité sioniste, pour normaliser les relations avec cette dernière et pactiser avec le diable. La finalité étant d'établir des relations au grand jour, non plus dans les secrets et les coulisses des palais, mais pratiquement à visage découvert, pour procéder à des échanges commerciaux et diplomatiques. La complaisance, sinon la complicité, de certains leaders ou soi-disant leaders arabes avec l'entité sioniste est au sommet de son expression. Les dirigeants accusent une nette fracture avec la population arabe, dernier gardien du temple et de la cause palestinienne. Dans l'histoire humaine, jamais des gouvernants n'ont autant fait honte à leur peuple. * L'éclatement du front arabe et la désarticulation de son ordre, sous le regard pétri de collusion et d'assentiment de ses leaders ou soi-disant leaders. La Ligue des Etats Arabes, infirme et naufragée est une machine à concessions brassant l'air et multipliant les écrans de fumée. Elle agit contre sa Charte et contre l'intérêt arabe. Elle n'est plus qu'une vitrine opaque dans un marché de dupes, presque une succursale du Département d'Etat américain. * Avec la destruction de la Syrie, l'effritement du Liban, notamment du Hizb Allah, le front arabe de résistance et de confrontation a laissé des plumes et n'est plus le bloc capable de peser comme une menace sur l'entité sioniste. Ce front est aujourd'hui au plus bas. * Le double langage de la Russie. Vladimir Poutine fait bien volontiers une visite officielle à l'entité sioniste et déambule à El Qods mais maintenant que la balle est partie et que le mal est fait au sujet de la ville sainte, il se dit "fortement préoccupé" appelant les parties prenantes au conflit arabo-sioniste à la "retenue" (sic) et au dialogue (re-sic). * Coincé dans sa culpabilité à l'égard de l'entité sioniste, l'Union Européenne ne parvient pas à se défaire de son complexe historique. Malgré sa force économique, politique et militaire, malgré le poids de son histoire et de sa géographie, dans la région, elle a été plus spectatrice qu'agissante dans le conflit arabo-sioniste. A ce sujet, l'Union Européenne est aujourd'hui, plus que jamais, au fond du trou. D'où sa politique de l'autruche. Sur la question palestinienne, les européens sont plus coupables et incriminables que les américains. Ces derniers ont au moins l'excuse d'avoir choisi leur camp depuis belle lurette et ne s'en sont jamais cachés, ils n'en démordent pas, tout le monde le sait. Par contre, les européens, ne font que gesticuler et brailler des principes, incapables d'aller au bout de leurs idées et de joindre l'acte à la parole, ou d'ouvrir les yeux sur le crime historique et le piège permanent et exterminateur du peuple palestinien. Pour eux, la cause palestinienne n'est pas un sujet de droit international, ancré dans l'histoire, mais juste un fonds de commerce. Conclusion: En faisant d'El Qods la capitale de l'entité sioniste, en attendant de déplacer son ambassade dans la ville sainte, Donald Trump, met à profit la modification de la donne géostratégique mondiale, le déséquilibre des rapports de force, l'état de laquais des principaux leaders arabes, en totale fracture avec leur peuple, et de la déchéance de la Ligue des Etats arabes, de sa Charte, de sa mission et son agenda, pour user de l'arme unilatéraliste et extraterritoriale, bafouer le droit international et violer toutes les résolutions onusiennes, au nom d'une loi nationale dont le champ d'application n'est pas aux Etats Unis mais ailleurs. Il a rompu la tradition diplomatique et politique américaine concernant le statut d'El Qods, foulé aux pieds l'organisation onusienne, trahi ses alliés, arabes, européens et autres. Il a donné au conflit arabo-sioniste une dimension éminemment religieuse avec le possible embrasement que cela suppose. Il a réduit ou plutôt a cru réduire la cause palestinienne à une affaire historiquement anachronique. Il a cassé à jamais le processus de paix et fait de l'entité sioniste le maître de la région, sans conteste, sans adversaire et sans menace. Analphabète politique, bête tout court, Il n'a pas compris qu'il a mis les intérêts américains, partout à travers le monde, dans le viseur des terroristes djihadistes, dotés désormais de grands motifs pour se venger. Quand le diable ouvre les portes de l'enfer, cela coule de source. Le diable et le mal cela va de soi ! Evidemment, il s'agit d'une journée historique, à plus d'un titre à différentes appréciations et à travers divers angles d'analyse. En tous cas, une journée à marquer d'une pierre noire.