"El Massar", peut-être le parti politique tunisien le plus enraciné dans une culture politique sociale et le moins figé, dans la mouvance gauche, dans le bagne idéologique, compte tenu de son histoire et de son processus d'évolution et de mutation, semble aujourd'hui incapable de se frayer un chemin sur la scène politique et de glaner des points dans l'échiquier électoral. La présence de son Secrétaire Général, Samir Ettaieb, dans le Gouvernement d'Union Nationale, aurait plombé les ailes d'"El Massar" et installé un climat de discorde et de tension dans ses rangs. Aujourd'hui, il est question de se retirer dudit gouvernement pour faire part de son rejet de la nouvelle coalition entre Nidaa Tounes et Ennahdha. Le prétexte est trop léger, dans la mesure où l'alliance de ces deux formations existait avant même la composition du Gouvernement Youssef Chahed et que Samir Ettaieb a accepté, en accord avec son parti, d'en faire partie en connaissance de cause. Pourquoi alors maintenant brandir l'idée de retrait ?! Pire encore, le cas échéant, quel profit politique, voire même partisan, qu'"El Massar" est en mesure de tirer ? Et si le ministre de l'agriculture réagit comme les ministres "Afek Tounes", refusant d'obtempérer aux injonctions de son parti et choisissant de conserver son portefeuille ministériel, est ce que El Massar est-il en position de force et suffisamment armé pour pouvoir limoger son Secrétaire Général, Samir Ettaieb, figure historique et symbolique du parti? Qu'il reste ou non au gouvernement, "El Massar" ne cesse, de toute évidence, de payer le lourd tribut de son fiasco électoral et de trébucher sur nombre d'embûches et de lignes de conflit, dont ci-après les plus importants : * De toute évidence, "El Massar" ne cesse de se heurter à un problème d'identité. En quelques années, il a changé quatre fois de nom. Plusieurs patronymes, dans une courte période, sans vraiment en expliciter le mobile, sans consulter sa base, a jeté un trouble dans son cercle de sympathisants et en a démobilisé bon nombre."El Massar", héritier naturel du parti "Ettajdid", lui-même descendant du parti communiste tunisien, n'a pas su ou voulu, ou pu marquer son périmètre idéologique. Son discours est brouillé, est-il à gauche ou au centre ? La ligne de démarcation n'est pas claire. A un certain moment, "El Massar" donne l'impression de perdre de vue que son électorat est à gauche et que toute posture qui s'en écarte sera réprimée au scrutin. Pour preuve, la débâcle électorale de 2014. * Les pontes d'"El Massar" n'ont pas capitalisé sur l'engouement qu'connu "El Qotb" au cours des élections d'octobre 2011 d'autant plus qu'il a pu placer cinq députés à l'ANC. Une bonne partie de la gauche vouait à "El Massar" une véritable sympathie et pensait qu'il est promis à un rôle fédérateur et fondateur d'un grand pôle de gauche. Il raté le coche et manqué une occasion historique de rassembler, se renforcer et se développer en grand parti de gauche. Au lieu de quoi, la formation de départ, à savoir"El Qotb", a subi une scission, pour des raisons dont personne ne comprend jusqu'ici la pertinence ou la consistance, donnant naissance à "El Massar". Une partie, certes de moindre envergure, est restée sous l'enseigne "El Qotb" et rejoint, juste après, le Front Populaire. Les sympathisants en étaient marqués, surtout que l'omerta sur les causes profondes de cette scission, a longtemps prévalu. En conséquence de quoi, autant "El Massar" qu'"El Qotb" ont perdu une partie significative de leur électorat potentiel. Le scrutin de 2014 en est bien édifiant ! * Après le camouflet électoral de 2014, "El Massar" ne semble pas avoir analysé son cinglant échec ni fait sa propre autocritique d'une manière objective et sans concession, auquel sa base est associée. Après son naufrage, "El Massar" n'a pas cherché à se reconstruire et à remonter la pente, pour s'afficher individuellement en tant que parti, qui pourtant s'appuie sur un héritage politique et un patrimoine militant, mais a œuvré à intégrer (se diluer ?) une coalition, à faire systématiquement partie d'une alliance, dilapidant à l'occasion, en partie ou en totalité, tout son capital. * Le slogan de vote utile, brandi comme sabre électoral par Nida Tounes, a fait son chemin et a mobilisé les partisans traditionnels d'"El Massar". Un choix plutôt tactique que stratégique, que le contexte politique ambiant a rendu impératif et inévitable. "El Massar" en a lourdement pâti. Il est resté longtemps dans le sillage de "Nida Tounes", qui l'a instrumentalisé et vampirisé pour asseoir son audience et remporter le scrutin, avant de décider de faire cavalier seul, envoyant "El Massar" au coin. * Les leaders d'"El Massar" sont absents du paysage médiatique. Ils ne sont plus sur les plateaux télé ou radio. Est-ce un choix ? Une contrainte ? Peut-être que tout simplement ils ne sont plus invités parce qu'ils manquent de visibilité et de présence. Déjà privé de la tribune politique et médiatique que constitue l'hémicycle du Bardo, "El Massar" semble n'avoir pas fait d'efforts pour remonter la pente en termes de communication et de visibilité. Un parti presque "fantôme" dans cette occurrence! Il n'est peut-être pas exclu que le retrait puis le décès d'Ahmed Ibrahim, leader historique du mouvement, ait pesé lourd dans la balance et ait desservi sur ce plan "El Massar", qui n'a plus de figure emblématique de premier rang.