Telle est la question que l'on peut se poser après le changement récent à la tête de l'INT, Instance Nationale des Télécommunications, qui peut laisser espérer de nouvelles résolutions permettant d'ouvrir les perspectives pour la relance du secteur des télécoms. En effet, on assiste depuis quelques années à un paradoxe sur le marché des télécoms : d'un côté on voit une évolution formidable des comportements des consommateurs qui sont de plus en plus avides de mobilité et de connectivité : augmentation des taux de pénétration (fixe, mobile, data), augmentation des taux d'équipement en smartphones… Avec l'explosion des dispositifs digitaux, des réseaux sociaux et des médias numériques, les processus d'achat, les moyens d'information et de communication ainsi que les habitudes de consommation sont totalement bouleversées. Le monde des entreprises connaît également une véritable révolution avec la transformation digitale qui impactera toutes les fonctions traditionnelles et tous les secteurs d'activités, créant de nouveaux besoins en services de télécommunications. D'un autre côté, le marché tunisien des télécoms connaît une croissance timide (+0,1% en 2017) voire une décroissance en 2013 et 2014 (-3,4% et -0,2% respectivement) qui touche tous les segments (téléphonie mobile et fixe), à l'exception notamment de la data mobile. Cette évolution s'accompagne d'une tendance encore plus inquiétante de baisse des investissements pour les 3 opérateurs. Hormis l'année 2016, marquée par l'octroi des licences 4G (+5,3%), l'investissement n'a pas cessé de diminuer avant et après 2016 : -48,4% en 2017 vs 2016, et -16,3% vs 2015. Etant donné l'environnement économique actuel et les nouvelles contraintes fiscales, les choses ne devraient pas s'améliorer pour l'année 2018. Source : INT Il est vrai que cette situation n'est pas propre au marché tunisien : diminution inéluctable de la téléphonie fixe face au mobile, banalisation des offres et des promotions, concurrence des nouveaux acteurs numériques OTT (Over-The Top) qui se sont imposés grâce à leurs offres d'applications voix, messagerie et streaming (WhatsApp, Viber, Skype…), cannibalisant fortement les revenus des opérateurs. Mais, la rupture provoquée par ces changements a poussé les grands opérateurs internationaux à chercher de nouvelles sources de revenus, en redéfinissant leur stratégie, leur business model et leur proposition de valeur. Se différencier par des offres segmentées et personnalisées, investir dans la digitalisation pour accompagner les nouveaux besoins et enrichir l'expérience clients, développer de nouveaux services dédiées à certains secteurs (automobile, finances…), se diversifier vers des activités innovantes telles que le Big data, le Cloud computing, l'Intelligence artificielle ou l'Internet des objets. En Tunisie, le marché des télécoms a été marqué par une guerre de prix entre les opérateurs durant les années 2014-2016 (avec des promotions atteignant jusqu'à 1000% à vie !) suivie par une période d'immobilisme commercial non favorable à la création de valeur. La remontée des prix planchers en 2017 a permis de limiter les dégâts, mais sans véritablement relancer le marché. L'érosion des marges a poussé les opérateurs à se concentrer davantage sur la compression des coûts que sur l'innovation. D'autant plus que le régulateur n'a pas beaucoup aidé dans ce sens (lenteur du processus d'approbation des offres, retard de décision sur certains sujets tel que la convergence…). Aujourd'hui, une nouvelle dynamique du secteur est possible, et l'INT pourrait s'inspirer de ce qui se passe à l'étranger pour encourager les opérateurs à investir dans l'amélioration de leurs réseaux, les nouvelles offres commerciales, le Customer value management et les nouveaux services. Une étude menée par le cabinet Marpij est en cours qui fournira des recommandations sur la stratégie de régulation du secteur. Pour éviter la destruction de valeur, le régulateur devrait trouver le juste équilibre entre le contrôle strict des pratiques déloyales (respect des prix planchers, promotions déguisées, subvention des terminaux…) et la stimulation des nouvelles initiatives commerciales telles que les offres de convergence ou les campagnes CVM permettant aux opérateurs de diversifier et de personnaliser leurs actions marketing afin de générer un revenu additionnel. L'allègement fiscal annoncé dans le cadre de la loi de finances 2019 permettra par ailleurs d'augmenter la capacité d'investissement des opérateurs pour répondre aux besoins croissants des clients, avec des effets d'entrainement positifs sur l'ensemble des acteurs de l'économie numérique. Ahmed El Gazzah – Expert International TIC