Alors que les tensions entre la France et l'Algérie ne cessent de s'intensifier, les milieux d'affaires français en Algérie tirent la sonnette d'alarme. Michel Bisac, président de la Chambre de commerce et d'industrie algéro-française (CCIAF), a exprimé lundi 11 novembre ses inquiétudes quant aux répercussions de la crise politique sur les relations économiques entre les deux pays. Il a dénoncé les "déclarations intempestives" de certains responsables politiques français, affirmant que celles-ci mettent en péril un partenariat stratégique avec un marché de 45 millions de consommateurs. Une crise ravivée par le soutien de Paris au Maroc La crise diplomatique s'est accentuée avec le soutien de la France aux revendications marocaines sur le Sahara occidental. En octobre, Emmanuel Macron a réaffirmé, lors de sa visite au Maroc, le soutien de Paris à la « marocanité » du Sahara. Ce geste a fortement déplu à Alger, qui considère cette prise de position comme une trahison de la neutralité historique de la France dans ce dossier sensible. La décision de Macron a été perçue comme une prise de position définitive en faveur de Rabat, au risque de compromettre les relations avec l'Algérie. Des conséquences économiques pour les entreprises françaises Cette rupture diplomatique inquiète particulièrement les acteurs économiques, qui redoutent une répercussion sur les échanges commerciaux. En 2023, ces derniers ont atteint près de 12 milliards d'euros, dont cinq milliards d'exportations françaises vers l'Algérie. Quelque 6 000 entreprises françaises sont engagées dans des relations commerciales avec le marché algérien. Une dégradation des relations pourrait donc impacter lourdement les entreprises françaises, dans un contexte où la France vient de décrocher pour 10 milliards de dollars de contrats au Maroc. La rumeur d'une suspension des échanges commerciaux La rumeur d'une suspension des échanges entre la France et l'Algérie a récemment circulé, alimentée par la presse française. Le Figaro, le 4 novembre, évoquait une "instruction verbale" donnée aux banques commerciales pour suspendre les transactions avec la France. Bien que les services du Premier ministre algérien aient démenti cette information, Michel Bisac a confirmé que cette rumeur a créé un climat de panique chez les entreprises des deux côtés. "Respecter l'Algérie" : un appel des milieux d'affaires Pour Michel Bisac, les relations entre les deux pays nécessitent davantage de prudence et de respect de la part des politiques français. Il rappelle que l'Algérie, aux portes de l'Europe, est un partenaire de premier plan et un marché attractif malgré ses spécificités réglementaires. "Il faut que nos politiques à Paris prennent toutes les précautions quand ils parlent de l'Algérie," a-t-il déclaré, soulignant que les déclarations médiatiques sur les reconduites aux frontières ou les Ordres de Quitter le Territoire Français (OQTF) font souvent oublier que 99 % des Algériens en France sont bien intégrés et travaillent. Une relation de plus en plus tendue Outre le dossier du Sahara occidental, d'autres questions sensibles viennent renforcer les tensions, notamment les questions mémorielles et migratoires. Des responsables politiques français, notamment de droite, abordent régulièrement l'Algérie comme un enjeu de politique intérieure, avec des discours hostiles sur l'immigration ou les accords bilatéraux. Le nouveau ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a même annoncé une politique de "bras de fer" avec Alger concernant les laissez-passer consulaires, tout en privilégiant le dialogue avec le Maroc sur ce même sujet. Des milieux d'affaires inquiets pour l'avenir Avec près de 12 milliards d'euros d'échanges et 6 000 entreprises françaises engagées dans des relations commerciales avec l'Algérie, les milieux d'affaires craignent de voir les tensions politiques se traduire par des pertes économiques majeures. "Si on perd avec l'Algérie ce que l'on gagne avec le Maroc, on sera passé à côté du sujet," avertit Patrick Stefanini, ancien haut fonctionnaire français. Alors que la crise continue de s'aggraver, les voix du secteur privé appellent les politiques à la retenue pour préserver une relation économique essentielle, qui, malgré les divergences politiques, demeure vitale pour les deux pays. Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!