LE BARDO (TAP) - L'article 10 du projet de la loi constitutive portant organisation provisoire des pouvoirs publics et relatif à la fixation des attributions du Président de la République a suscité une vive polémique entre les membres de l'Assemblée nationale constituante et, tout particulièrement, entre les Constituants du PDP et du PDM, d'un côté, et le CPR et Ennahdha de l'autre. Après avoir présenté le texte des amendements proposés, la Constituante Maya Jribi a annoncé le refus de l'opposition d'adopter la version remaniée du texte de l'article 10, le considérant comme étant une parfaite illustration du déséquilibre entre les pouvoirs et comme servant les intérêts d'un seul parti. De son côté, Ahmed Néjib Chebbi a estimé que le projet avancé tend à priver le président de la République de ses prérogatives et à concentrer les pouvoirs entre les mains du chef du gouvernement, le qualifiant de "mascarade" dont la finalité consiste à privilégier un parti, faisant allusion au mouvement "Ennahdha" successeur, selon ses dires, du RCD dissous. Dans le même ordre d'idées, Samir Taïeb a contesté le contenu de l'article 10, se disant étonné par certains détails contenus dans cet article, détails qui ne répondent pas au seuil minimum exigé dans l'écriture des textes juridiques, citant l'expression "arrêté républicain" au lieu de "décret présidentiel". Pour sa part, Noureddine Bhiri (Ennahdha) a considéré ses accusations comme étant contraires à la pratique démocratique qui exige de respecter la logique de la majorité, indiquant que ce projet de loi est dépourvu de toute considération politique, et qu'il s'agit bien "d'un choix collectif, participatif et consensuel qui préserve l'harmonie et la stabilité de l'ensemble des institutions de l'Etat." Il a insisté sur la nécessité de respecter la majorité après dialogue et concertation, précisant que le rejet du vote traduit une volonté visant à entraver les travaux de la Constituante. "C'est un honneur pour nous ainsi que pour le mouvement "Ennahdha" de voir Moncef Marzouki occuper le poste de président de la République Tunisienne." Prenant la parole, Mohamed Abbou (CPR) a critiqué l'attitude suivie par l'opposition minoritaire dans la discussion du projet de loi dans sa totalité et de l'article 10, en particulier, et les positions prises par certains Constituants qui défendent dans leur apparence l'option du renforcement des attributions du président de la République pressenti (Moncef Marzouki), mais qui visent en substance à diviser la coalition tripartite, en accusant la direction du CPR de présenter des concessions au Mouvement "Ennahdha" à ce propos. Il a fait remarquer, à cet égard, que son parti place l'intérêt de la Tunisie au-dessus de toute autre considération, c'est pourquoi il a oeuvré à trouver un compromis et un équilibre en concédant des privilèges pour la bonne gestion de l'étape transitoire. Si le CPR a fait des concessions au profit du Mouvement "Ennahdha", a-t-il ajouté, d'autres partis de l'opposition actuelle avaient concédé des privilèges au régime de Ben Ali déchu. Le Constituant Abbou est allé même jusqu'à accuser sans les citer certaines parties de l'opposition d'être les instigateurs des sit-in et des grèves qui paralysent le pays durant cette période. Les tractations qui ont eu lieu entre les membres de la Constituante ont porté sur plusieurs points dont la suppression du dernier alinéa de l'article 10 relatif à l'arrêté républicain, et la majorité exigée en cas de veto contre la promulgation d'une loi ou d'un traité (2ème point de l'article 10), outre la suppression de l'expression "sur proposition du chef du gouvernement", énoncé dans l'alinéa 9, 11 et 12 du même article. Certains constituants ont appelé à ce que le président de la République nomme le Gouverneur de la Banque Centrale, préside la réunion du conseil des ministres et adopte le budget de l'Etat au titre de l'année 2012 par tranches trimestrielles, avant le 31 décembre, et à ce que le Mufti de la République soit élu par une instance scientifique. Face à recrudescence du débat politique et juridique sur la teneur de l'article 10, Khemaïes Ksila (FDTL) a proposé de lever la séance afin de permettre à la commission ad hoc de proposer une version remaniée et consensuelle dudit article. Le président de l'Assemblée constituante a donné une suite favorable à cette proposition et annoncé la levée de la séance à 21H00.