Tweet Share TUNIS (TAP) - Comment est perçue sinon vécue la soif d'espaces nouveaux pour les premières femmes voyageuses? Quel regard portent ces femmes aventurières sur le voyage au sens large du mot et quelles réponses apportent les multiples traces qu'elles ont chacune laissées dans les annales de l'Histoire? Voici le thème majeur d'une conférence qui sera organisée le 19 avril à l'Institut Cervantès à Tunis en partenariat avec l'Institut supérieur des langues. Cette conférence dressera trois portraits de grandes voyageuses du 16ème au 20ème siècle, qui firent du voyage leurs vies en se penchant sur le périple de ces grandes voyageuses d'origines diverses et d'époques différentes. Le choix s'est porté sur Dona Isabel Barreto (1525-1612), Lady Mary Wortley Montagu (1689-1762) et Annemarie Schwarzenbach (1908-1942). Voici une synthèse, d'après des ouvrages et des articles de presse, de portraits de ces trois femmes aux destinées diverses. Dona Isabel Barreto: la Marquise de la mer du sud qui s'est nommée "la Gobernadora" Portant le titre de la "Marquise de la mer du Sud", Dona Isabel Barreto est l'une des premières voyageuses espagnoles en Océanie. Guidée par l'appel du large comme la présente la chercheuse Annie Baert dans son récit historique sur cette femme à la volonté de fer, c'est une femme au destin extraordinaire qui a investi une partie de ses biens dans l'aventure de son premier mari, Alvaro de Mendana, le découvreur des Iles Salomon (de 1567 à 1569) puis des Marquises (1595) qu'elle accompagne à travers un océan inconnu. Devenue veuve et chef de l'expédition espagnole partie du Pérou pour traverser les étendues encore inconnues du Pacifique, cette femme qui s'est donnée le titre de "gobernadora" (gouverneur) avait fait tout ce qu'elle pouvait pour organiser un nouveau voyage que les autorités confièrent finalement à son ancien chef-pilote qui leur parlait de "paradis terrestre". Mais elle mourut sans pouvoir repartir dans la mer du sud. Lady Mary Pierront : fuyant les séquelles d'une maladie, elle trouve le remède L'itinéraire de Lady Mary Pierront (fille aînée du Duc De Kingston) devenue en 1712 l'épouse d'Edward Wortly Montagu, ambassadeur de Constantinople en 1716, est totalement différent. En quête de nouvel espace, pour sauver sa vie, elle était la première femme de son époque à accompagner son mari dans une mission diplomatique qui l'a conduit de Londres, vers Rotterdam, l'Allemagne, Vienne puis Adrinople pour enfin vivre à Istanbul. D'ailleurs ses lettres sont devenues pour les historiens une source inestimable sur les femmes dans l'empire ottoman au XVIIIème siècle. C'est pendant ce séjour qu'elle avait découvert la technique ottomane de l'inoculation contre la variole, dont les séquelles qu'elle gardait l'avaient poussée à voyager pour changer de climat. C'est ainsi qu'elle joua un rôle en rentrant à Londres, dans la lutte contre la variole et le développement de la vaccination. Annemarie Schwarzenbach: "vraiment je ne vis que lorsque j'écris" L'histoire plus contemporaine de l'écrivaine, journaliste et aventurière suisse Annemarie Schwarzenbach au 20ème siècle demeure quant à elle bien particulière. Connue pour sa célèbre phrase "Vraiment je ne vis que lorsque j'écris" et dont les écrits ne sont que le fruit de ses innombrables voyages, elle mourut à l'âge de 34 ans après une chute de bicyclette. Mais en moins de 15 ans, elle fit un ou plusieurs séjours aux Etats Unis d'Amérique, à Paris, en Autriche, à Berlin, Suède, Finlande, Espagne Turquie, Syrie, Liban Irak, Afghanistan, Congo, Maroc... Et "a chacun de ses voyages, elle adressait des reportages marqués par une sensibilité à fleur de peau, mais sans cliché ou pittoresque" écrivait le journaliste français Bruno Frappat. Loin d'être "une touriste huppée, elle est une voyageuse sensitive au point que l'on ressent l'impression d'une âme en quête de sens, beaucoup plus qu'un corps en recherche d'impressions agréables ou anecdotes". Ayant vécu la montée du nazisme, la guerre en Afghanistan, elle décrit les combats sociaux dans l'Amérique industrielle de l'après-crise avec la lutte des noirs du sud contre les restes de l'esclavagisme, et s'interroge sur la notion de frontière, apportant de poignants reportages qui dénoncent l'exploitation des ouvriers et des métayers américains. "En quête d'un monde plus humain, elle vécut pour voyager et raconter ses voyages. D'ailleurs, ses récits sont, selon plusieurs historiens et chercheurs, aussi étonnants qu'elle : sa façon douce et sensuelle d'aborder un pays, un paysage, un lieu, un être ou de raconter une journée ou une nuit à la belle étoile sur un toit d'Orient ou encore de dire son éloignement de l'Europe avec un goût de la contemplation qui n'a d'égal qu'un art de la description et qui font merveilleusement la paire". Tweet Share Suivant