CONAKRY, 19 nov 2010 (TAP) - Alpha Condé, vainqueur de l'élection présidentielle de Guinée où l'état d'urgence a été décrété, a affirmé jeudi que les divisions ethniques dans le pays étaient exagérées et a lancé un appel à ses opposants pour qu'ils renoncent à la violence. L'appel à l'unité nationale lancé par le président-élu intervient alors qu'une organisation de défense des droits de l'homme met en garde contre la gravité d'un conflit ethnique et que des habitants ont fait état de coups de feu pendant la nuit. Malgré les appels au calme successifs lancés par Alpha Condé et le candidat malheureux au scrutin présidentiel Cellou Dalein Diallo, le pays a été depuis l'annonce des résultats le théâtre de trois jours de violences post-électorales qui se sont propagées hors de la capitale Conakry. Les partisans de Diallo, des Peuls qui sont majoritaires dans le pays , ont affronté les forces de sécurité et les partisans de Condé, essentiellement Malinkés. "La situation devient préoccupante parce que le conflit politique s'est transformé en conflit ethnique", estime Thierno Maadjou Sow, président de l'Organisation guinéenne des droits de l'homme. Peuls et Malinkés représentent respectivement entre 40 et 35 pc de la population. Des correspondants ont fait état de bandes de jeunes des deux ethnies armés de machettes et se disant prêts à défendre leur communauté. Alpha Condé a tenté de minimiser la dimension ethnique des affrontements. "Je pense que les gens exagèrent beaucoup les problèmes ethniques en Guinée, j'ai toujours dit que les Guinéens voulaient le changement. C'est ce que le vote a montré", a-t-il déclaré dans un entretien à la chaîne de télévision France 24. Le gouvernement guinéen a décrété l'état d'urgence mercredi pour tenter de mettre fin aux affrontements qui ont fait au moins dix morts et 200 blessés, selon l'ONG RADDHO (Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme). A New York, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté un texte dans lequel il déplore les violences et invite les dirigeants politiques à calmer leurs partisans. Le cercle de réflexion International Crisis Group (ICG) craint qu'une répression trop sévère menée par les forces de sécurité n'entraîne le pays dans une spirale de violence qui pourrait échapper à tout contrôle. "Les dirigeants guinéens (...) doivent prendre des mesures urgentes pour mettre fin aux nombreuses attaques contre des civils sans défense et éviter que les tensions politiques ne dégénèrent en violences interethniques généralisées contribuant à l'instabilité régionale", dit l'ICG, selon lequel l'armée "frappe, moleste et tire sur des civils sans défense et saccage leurs biens". "S'il n'y a pas plus de discipline dans les rangs des forces de défense et de sécurité, le pays pourrait sombrer rapidement dans le chaos (...), ce qui ruinerait le processus de transition." En raison du couvre-feu, le calme a régné à Conakry pendant la nuit, sauf dans la commune de Ratoma, essentiellement peuplée de Peuls. Ces derniers jours, les forces de sécurité ont tiré en l'air mais une source proche des services hospitaliers a fait état de victimes blessées par balles. Avant le scrutin, Condé et Diallo étaient convenus d'intégrer le perdant à leur gouvernement. Aucune mesure concrète n'a jusque-là été annoncée en ce sens mais Condé a réitéré son appel à la coopération alors que Diallo continue de contester les résultats. "J'entends lui tendre la main pour qu'ensemble nous unissions nos forces pour développer ce pays. J'ai toujours dit que je ferai un gouvernement d'union nationale", a-t-il ajouté. "La Guinée a de tels défis (à relever) que nous n'avons pas à perdre notre temps dans les oppositions stériles et nous avons chacun un programme commun qui est de sortir la Guinée de cette situation de misère et ça je pense que nous pouvons réussir", a-t-il ajouté, plaidant pour un gouvernement d'union nationale pendant deux législations. Arrivé largement en tête au premier tour, Cellou Dalein Diallo a déposé un recours devant la Cour suprême et a accusé les forces de l'ordre de mener la répression contre ses partisans. La Cour doit se prononcer d'ici à jeudi prochain. l'élection présidentielle doit permettre un retour à un régime civil deux ans après un putsch militaire consécutif au décès de l'ex-président Lansana Conté.