Comment se présente le paysage politique tunisien actuellement et quelles sont ses variantes à venir ? Telle est la question qu'on entend se poser autour soi, avec souvent des commentaires très intéressants, franchissant les réserves classiques d'une information codifiée et canalisée, émanant plutôt des méandres de la rumeur comme pour souligner de nouveau qu'aujourd'hui encore, aujourd'hui surtout peut-être, la rumeur et ses avatars modernes, comme les réseaux sociaux, restent d'un éclairage nécessaire et d'une méfiance obligée à l'égard de tout ce qui se dit et de tout ce qui se fait. Il nous a semblé bon de faire la synthèse de ces différents propos ; un jour sans doute, nous nous dirons que la vérité vient souvent de la bouche des innocents, à supposer qu'ils le soient assez ou qu'il y ait vraiment des innocents en politique, en tout cas de la bouche de ceux qu'on a tendance à prendre pour des profanes et des non-initiés. De fait, le plus sûr, c'est que rares sont aujourd'hui les Tunisiens qui ne s'intéressent pas à la politique, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. On parle, on discourt, on discute, on se dispute, on remarque, on chatte, on s'écrit ; le gros du lot va pour la politique ; et voici ce qu'on pourrait globalement en retenir : Il y a d'abord un constat caractérisé : Ennahdha a la totale maîtrise du pouvoir et la commande de la quasi-totalité de ses instruments et de ses moyens. De ce fait, il s'agit bien d'un nouveau parti fort qui gouverne (souvent sans le besoin de l'Etat, précise-t-on) et qui est parti pour y rester entre vingt et trente ans, s'il ne réussit pas, entre temps, à transformer la société tunisienne au gré de sa conception, comme cela a été prédit un jour par le plus virulent de ses théoriciens, Abdelfettah Mourou qui joue machiavéliquement tous les jeux et qui se livre à toutes les acrobaties, à bon escient et pour une seule destination. Mais non, pensent d'autres gens, Ennahdha a des conseillers politiques qui lui permettent de gérer la manipulation et les combines politico-politiciennes ; mais le développement, la gouvernance, et tout le reste qui est essentiel, ce n'est pas dans ses prioriétés, et c'est cela qui lui portera un coup fatal ! C'est d'ailleurs pour cela que le mouvement revient en force à l'idée de consolider la troïka et même celle de l'élargir à Ayadhi et ceux qu'il aura regroupé autour de lui. D'ailleurs les autres composantes de la troïka ne trouveront pas mieux, vu leur fragilité manifeste, chacun à part. De plus, il faut comprendre qu'on ne trompera plus plusieurs Tunisiens en leur faisant croire qu'ils voteraient pour Dieu en votant pour Ennahdha (Un Musulman n'est jamais mordu deux fois du même terrier), et on est presque sûr, par ailleurs, que les puissances étrangères ne comptent plus sur ce même mouvement, voire même sur cette troïka, pour la suite des événements ! Illusion ! Vous croyez ? L'Amérique est toujours derrière Ennahdha et la France a conclu son accord avec Ben Jaafar pour l'Europe. D'ailleurs qui pourra faire le poids ? L'extrême gauche, même regroupée, n'aura jamais plus que ce qu'elle a eu. Sinon il resterait la coalition autour de Nidaa Tounes (L'Appel de la Tunisie), consolidée par Al-Jomhouri et Al Massar. C'est d'ailleurs pour cela que la troïka et ceux qui se font tous petits pour lui suggérer leurs soutiens et leurs services ont déjà déclaré la guerre à cet ensemble menaçant, et ils finiront par la fragiliser et elle aurait peu de chance d'assurer l'alternance. Tout au plus pourra-t-elle se présenter en nouvelle force d'équilibrage et de modération si elle réussit à conserver toute sa base. Alors surgit une remarque : Si ! Cette coalition réussira, d'autant plus qu'elle pourra avoir le soutien des partis destouriens, qui n'auront pas de meilleur choix ! Et la voix critique, rauque et imposante, lance avec dépit : Naïveté que cette idée ! Ces partis ne pourront jamais se réunir pour de bon même s'ils se rassemblent, parce qu'ils se ressemblent trop dans leur calcul étriqué, sauf pour quelques-uns, qui ne sont d'ailleurs pas les plus influents. Ne voyez-vous pas que les militants du plus en vue de ces partis sont acharnés à mort contre Béji Caïd Essebsi et contre Nidaa Tounes, comme si l'un et l'autre, l'homme et le parti, étaient leurs ennemis mortels ? Savez-vous pourquoi ? Parce qu'un marché a été conclu entre ce parti et le mouvement Ennahdha, par l'intermédiaire d'une personnalité importante et influente, afin que ce parti fasse le sale boulot de déstabilisation de Nidaa Tounes en dissuadant la famille destourienne de se rallier à lui et qu'un service lui soit rendu en échange, ultérieurement ! Les gens restent souvent abasourdis devant de tels commentaires ; mais ceux-ci se répètent tellement, avec des noms cités dont les propos sur facebook ou dans des rencontres publiques ou privées confirmeraient de telles hypothèses. A la fin de ces discussions disséminées un peu partout, avec des tonalités différentes, il y a toujours quelqu'un pour conclure sur une question brûlante : Pour qui voter alors quand on ne veut voter ni pour Ennahdha ni même pour la troïka ? Certains répliquent : Attendons voir, le paysage deviendra plus clair peut-être ! Pour d'autres, il n'y a que la solution de la coalition pour l'Appel de la Tunisie, malgré toutes les réserves qu'on pourrait avoir à son égard. Quant à l'avenir, il a sûrement de ses raisons que toute raison actuelle ne pourrait percevoir. Dieu seul sait ce que demain nous réserve !