Kais Saied dénonce les échecs de l'économie rentière    La Tunisair annonce des mesures pour faciliter le retour des TRE    Météo : Temps passagèrement nuageux et températures entre 18 et 26 degrés    Météo de ce jeudi    Khouloud Mabrouk libérée    Bourse de Tunis : Le Tunindex en hausse    Tunisie – Grève des contrôleurs aériens en France : La Tunisair annule 16 vols demain    Tunisie – Sultanat d'Oman : Le ministre des AE reçoit une lettre adressée au président de la République    Tunisie – Les instituteurs suppléants manifestent    Tunisie – Prolongation de la détention préventive de Wadie Al Jary    Météo Tunisie : de la pluie et des températures nocturnes pouvant descendre à 6°C    Monastir : bientôt la création d'un circuit touristique à Lamta    Siliana : Le meilleur en matière de soins et opérations grâce aux médecins tunisiens en France    Tunisie – Le suivi des entretiens de la délégation tunisiennes aux réunions du FMI et de la BM    Nessim Ben Slama écope d'une amende de 500 dinars    Espérance Sportive de Tunis -Mamelodi Sundowns : Chaîne et heure du match    Des voyageurs utilisant une porte de métro endommagée : La TRANSTU explique    FTF : Validation et rejet des listes de candidats    Stade d'El Menzah : Une étude de faisabilité sous l'œil des experts Chinois    La Tunisie s'apprête à lancer sa première bibliothèque numérique    Où sont les élites de ce pays ?    Barrage de Mellègue : La fin des travaux est prévue pour 2025    Géologie de la Séparation : un film tuniso-italien captivant et poétique à voir au CinéMadart    Sénégal : Des frappes spectaculaires pour récupérer l'argent volé, même les entreprises françaises devront payer leurs impôts sur place…    Hospitalisation du roi d'Arabie saoudite    Ligue 1 – Play off – Le CA affronte l'ESS ce dimanche : Enrayer la spirale    Dette publique | Des résultats en demi-teinte    L'homme qui aimait la guerre    Green Power Technologie signe un accord de partenariat avec Soteme, pour la distribution des solutions Huawei Fusionsolar en Tunisie    Conseil ministériel restreint à La Kasbah : Une série de mesures au profit des Tunisiens résidant à l'étranger    Parquet : L'interdiction de la médiatisation de l'affaire du complot contre la sécurité de l'Etat toujours en vigueur    EXPATRIES : Hassan Ayari passe à Toronto    Météo en Tunisie : pluies et températures en baisse    Aujourd'hui, coupure d'eau potable dans ces zones    Au fait du jour | Il n'y a pas que l'argent    Urgent : La détention de Wadie Jary prolongée de quatre mois    Foire internationale du livre de Tunis : vers la prolongation de la FILT 2024 ?    Malentendues de Azza Filali    L'Italie, invitée d'honneur du 18 au 29 avril à la Foire Internationale du livre de Tunis : «Anima Mediterranea»    Echos de la Filt | Pavillon de l'Italie, invitée d'honneur : Evelina Santangelo et Azza Filali échangent autour de leurs récents ouvrages    Brésil: Elle vient à la banque avec le corps de son oncle pour avoir un prêt en son nom    Ultimatum législatif aux Etats-Unis : TikTok doit être vendu sous un an ou disparaître !    Campagnes controversées en Turquie : retrait des enseignes arabes des commerces    Soutien à Gaza - Le ministère des Affaires religieuse change le nom de 24 mosquées    Anne Gueguen sur la guerre à Gaza : la France œuvre pour une solution à deux Etats !    Festival International de Théâtre au Sahara : 4ème édition du 01 au 05 mai 2024 à kébili    Un pôle d'équilibre nécessaire    Chute de mur à Kairouan : Le tribunal rend son jugement    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Chronique, LE MOT POUR LE DIRE : LETTRE D'OUTRE TOMBE
Publié dans Tunivisions le 15 - 02 - 2013


TRILOGIE A LA MEMOIRE DE CHOKRI BELAÏD
TROISIEME EPISODE
« Il ne faut pas se laisser tyranniser par la plus belle qualité que l'on puisse avoir – celle d'élever les choses à leur idéal : car alors il se pourrait bien qu'un jour la vérité se séparât de nous avec cette dure parole : « Menteur fieffé, qu'ai-je de commun avec toi ? ».
Nietzsche, Humain, trop humain
- I –
Quand tout fut prêt enfin, il me fut difficile d'entamer ce chant en l'honneur des mondes évanouis, il y a déjà quelques épreuves, depuis que règne la rupture comme discorde indéfectible ; il me fut difficile d'engager mon hymne sur les pistes dévastées par la grêle et d'autres fléaux dont j'ignore les noms, pourtant bien droits dans les ardoises des idolâtres et des sorciers aux ordres des mantes religieuses sur troncs d'arbres amnésiques et vétustes.
Mais qu'ai-je besoin de raconter par temps si abrupt, dans ce monde qui n'est plus mien, mais où je marche toujours la tête dans le vent ? Qu'ai- donc de si tendre, de si grave, de si insolite dans les carnavals de hideur à travers cités, asiles, bagnes et casernes couleur de cruauté et d'acier ? De si pathétique, alors que les cymbales sonnent déjà la grande déroute à ouïe d'homme, partout où gît esprit à même la honte dans son suaire de naufragé ? Mais qui se soucie de chute dans le vacarme strident des meetings et des hourras ?
Et ce n'est point sage, pour le récitant, dans sa réclusion chaque jour nouvelle, de plaider en faveur d'amour aux vivants d'un monde énervé par la rumeur et d'ineffables chroniques où à l'échafaud s'allie la liesse volage des débandades dispendieuses, et d'autres annales abandonnées sur les routes que l'ordonnateur, surpris par la tourmente, a omis de baptiser. Oui, ce n'est point sage d'entretenir de passion dévoreuse ces mortels errants. Car il n'y a plus de place, dans le cœur de l'homme, pour un fléau de plus. Il n'y a plus d'endroit, pour la romance, dans ce monde où jamais des lèvres ne se desserrent pour chanter.
Oui, le temps est révolu de sillonner le monde un bouquet à la main, frappant à toutes les portes, souriant aux ombres, enlaçant les reflets, butinant allègrement, et récitant nombreuses ballades en l'honneur de la fin. Car c'est d'amour qu'il importe à l'heure d'officier, et c'est la femme que le récitant convoite dans ses songes, partout où il plante son bâton de pèlerin, le temps d'une aubade ou d'une incursion dans l'enceinte d'épines bariolée.
Le temps de narrer, en immenses périodes, est hélas ! révolu. Narrer les ébats des amants à l'ombre d'un palmier, lui-même l'oasis. Et voilà que des voix m'arrivent dans la cohue des blasphèmes, des voix sans visage, sans profil, des voix sans sexe, jaillies de la multitude comme un bras d'entre les morts à hauteur d'effroi :
— Allez votre chemin homme des ombres et des échos. L'instant est terrible, et le vivant n'est pas assez fortifié. Le temps est de frapper, et la main du vivant ne peut que caresser. Donnez donc au vivant des griffes et des crocs.
Il me fut difficile d'annoncer mon hymne sur toutes routes poudreuses de ce monde où plus une fleur ne pousse dans la voix du récitant, plus une main ne cherche dans le suaire la chaleur du vivant, plus un mot ne surplombe, fier étendard, le basilic des bâtisses hideuses à même l'horizon. Il me fut dur de célébrer ce silence dans toute demeure de vivant, silence en procession dans les artères du monde. Car je n'ai de mots que pour l'abondance bruyante traînant son rire sur front de mer, et partout dans les terres où la semence n'arrive à prendre que bercée par les retours impossibles de ces cantiques vigoureuses, regorgeant de mots sidérants. Mots de haute latitude dans le désarroi de l'idiome assiégé par la horde. Mots de vivant qui disent la fin et la tombe et proclament sur toutes tribunes du monde la déconfiture du récitant, trahi par le parchemin.
Désormais, il n'est plus besoin de parler pour serrer, dans l'amant, sa hauteur de vivant. Mais je parlerai en tout lieu de ce monde dont je hante les palaces et les ruines. Ce monde qui n'est pas le mien est le mien pourtant, et il me souvient qu'il est la seule demeure où le re-vivant, sous le fouet, lève bien haute sa tête d'amoureux. Je parlerai donc jusqu'à l'extinction du souffle, jusqu'à la déliquescence de l'idiome.
Car même insignifiant, le mot est agréable au vivant.
- II -
Chose atroce et envoûtante que ce désir d'aller,
Dans le brasier, au-delà de l'horreur.
Chose atroce et gaie, et sans cesse nouvelle, que
Celle de mourir pour renaître l'instant d'après.
Je ne dirais pas de ma mort qu'elle est juste et,
De ma résurrection, je ne dirais jamais qu'elle est
Impossible.
Chose sidérante et capitale, et à jamais incertaine,
Que celle d'unir dans un seul bouquet la goutte et
La flamme, et d'en arriver, par là, à
Restaurer la chair.
A vous…
Oui, j'ai bien dit vous, car plus jamais je ne vous tutoierai, âme tortueuse, égarée dans les citadelles improbables de la gloire, votre horizon strié de fulgurances et d'éclairs ciselés par les doigts de l'artisan pour assister l'astre du jour et que, ô misérable, vous avez réduit à servir la nuit !
Me comprendriez-vous donc si je vous disais que tutoyer, c'est livrer, dans le même élan, son cœur et sa main ? Ah, si seulement vous saviez l'impulsion qui génère le miracle : l'étreinte de deux mains !
Mais il est chose sacrilège pour le séide endurci de lever la main vers d'autre horizon que celui où se tient le saint siège de l'idole. C'est là, pour son âme, ferment et profonde délectation.
Ah, qu'il est doux, pour elle qui ne saurait se réjouir qu'affalée dans les rigoles, de se prosterner aux pieds de son messie vautré dans le cachemire de sa couche royale !
Il y a encore lieu d'accumuler bien d'attributs et quantités d'intensifs afin que soit évident, pour les vivants que nous sommes, l'horreur de la foi où il importe seulement de capituler, où il importe seulement de cautionner et de bénir !
Mais à quoi bon s'entêter ? Jamais votre oreille partisane ne cèderait à l'appel envahissant des sirènes ! Regardez-vous dans le miroir, il vous dirait que tutoyer un homme, un seul, c'est désapprendre le charme du forum où seul plaide le slogan.
Tutoyer, vous dira-t-il encore, c'est réhabiliter l'homme dans le monstre et le démon, ces entités réfractaires à tous les glossaires et à toutes les patries.
Cela vous suffit-il ou faudrait-il que j'aille cueillir, pour vous, d'autres bouquets d'étincelles dans ces contrées lointaines où Cyrano de Bergerac, notre semblable – le mien beaucoup plus que le vôtre – est allé raviver, dans son cœur épris d'absolu, l'étonnement sans lequel le vivant n'est plus rien qu'un roseau, pas même celui dont Pascal vantait l'esprit malhabile et le verbe incertain ?
Il n'est pas donné à celui dont la fange est l'unique ambition de convoiter le ciel !
A vous qui, de l'autre rive, me tendez votre main volage pour une accolade qui n'a que trop tardé, j'ose proclamer partout où porte ma voix, inaudible pour l'ouïe que sollicite seulement la fièvre des tribunes montées de toutes pièces, que je n'irais plus jamais cueillir, dans votre paume, et toute autre paume qui claque au lieu de saluer, ces tristes florilèges qui déchantent à peine entamés.
En dehors de la boue, je n'y trouverais rien qui soutienne ma trépidante voix, ma voix toujours impatiente de chanter.
Il n'y aurait pas trace, dans votre désert, de vivant ni de mort, il y aurait seulement des masques armés de lances et de pics, guettant les âmes dolentes qui se lancent sur vos traces perfides en quête d'un sourire ! A peine arrivées sous les remparts, elles tombent d'elles-mêmes dans les filets invisibles de l'aveuglement.
— Leur crime, vous dira le miroir, est de s'être abstenues de psalmodier, à la gloire de l'idole, les refrains abrupts des hymnes qui sillonnent les artères de ces landes affreuses !
Peu importent le nom et les attributs, l'essentiel est qu'il y ait, sur le trône auguste, une ombre approximative aux pieds de laquelle viennent se prosterner le prosélyte pour psalmodier amplement sa ferveur !
— Qui ne chante pas aux pieds de l'autel sublime, stipule son intransigeante ardeur, ne chantera plus jamais parce qu'il serait affligé de cette tare redoutable qui dessèche l'âme et pervertit l'entendement.
Oui, c'est à mesure d'homme désormais, d'homme bien implanté dans son terreau de fiente et de boue, que je bénis ou maudis, dans la foule des vivants, ses vertus et ses tares. Il est une voix en moi qui soutient mon bras hostile aux excroissances qui désolent le parcours de l'humain. Elle n'arrête de clamer qu'il n'est jamais trop tard pour vivre à l'abri de la pompe et des fanfares, retranché dans la douce félicité des éléments premiers : une haine sans appel du néant et l'irrépressible élan vers la plénitude et l'accomplissement.
— C'est là une raison suffisante, claironne la voix raccordée désormais au rythme de ma faim, de répudier l'horreur des trônes et des trophées !
Voilà par quelle voie il m'est venu l'idée que l'homme, que n'affecte point la tentation torride de l'absolu, jamais ne franchirait les rives interdites vers les cités resplendissantes des confins. Heureux qui comme l'insatiable ne se lasse point de frapper aux portes hermétiques et d'attendre là-bas que cèdent les frontières et se révèlent les arcanes du mystère. C'est là, pour le vivant, l'épreuve inaugurale et le déclin sans appel, dans son cœur indécis, du règne des ténèbres : l'éclipse de l'idole.
A vous, dont l'œil a abdiqué en faveur de la nuit, je dis tout haut mon devoir de mordre jusqu'au sang dans la chair tuméfiée des barricades qui jonchent mon chemin. Vous me tendez la main, livrez-moi plutôt votre cœur et enfourchez votre élan, peut-être irions-nous, dans cet équipage, forcer la citadelle où se terre l'ultime sursaut.
- III -
A vous, à moi, que je nous vois, lorsque, le miroir m'amenant mon visage telle une preuve irréfutable, qui me rient au nez, et, comble de dérision, me sortent leurs langues, ces furies ou ces masques obscènes ! Pourquoi mon être se moque-t-il de mon être et, spectre tentateur, dévaste mon visage ? Je ne suis plus, c'est lui qui est en moi, c'est lui qui est moi. Suis-je donc mort, ou suis-je toujours en vie ?
Je ne saurais le dire. Une chose est sûre : désormais, je n'ai d'autre visage que celui de l'autre ! Mais qu'est-ce moi et qu'est-ce l'autre, en moi, qui nargue l'exorciste ? Il y a longtemps déjà que je ne suis plus maître de moi-même ! Il y a longtemps déjà que j'ai cessé de voir, dans le miroir du monde, les traits de l'homme que je souhaite être, l'homme qui n'est ni moi, ni l'autre, ni personne !
Ah, qu'il est exaltant d'être, dans la même enveloppe, soi-même et un autre !
Là où je réside, dans ces reliefs lugubres et escarpés, les vivants – ce serait sacrilège de parler d'amis ! – sont si rares que je suis réduit, pour fuir mes démons, à m'entretenir avec moi-même et, me voyant dans mon visage, je me vois un alors que je suis double, triple ou multiple peut-être ! Si ce que je profère là est folie, que serait donc le bon sens ? Levez vos verres, ô compères, et buvons de suite en l'honneur de la fête se pavanant, là-bas, dans le noir, qui mêle la thériaque au poison et proclame, vipère au poing, l'avènement de l'ère du soupçon ! Chantons en chœur, ô compères, c'est là le moment, pour le vivant, de dire haut sa détresse et d'aller, courbé sous sa croix, jusqu'à la fin de son calvaire : l'impossible en lui qui le travaille comme une lame !
Ah, qu'il est exaltant d'être, dans la même enveloppe, le sacrilège et la piété !
Levez vos verres, ô compères, mes ombres tapies dans le noir, car il est triste, pour la multitude que je suis, de boire seule ! Vivant vous êtes toujours en dépit de votre mort. Vivant vous êtes parmi les vivants drapés dans leurs suaires qui exhalent une pestilence tel l'arome de musc se répandant partout ! Nous sommes toujours vivants en dépit de nos corps en lambeaux. Ne voyez-vous pas, ô compère/s (je ne sais plus qui ni combien vous êtes), que nous sommes toujours dans le monde, dans l'arène où s'active le vivant ?
Pourquoi donc, ô misérable/s, convoitant le salut, n'arrêtez-vous pas de pleurer ? Il est temps, dites-vous, maintenant que le crépuscule m'insuffle ses tourments, que vous m'entreteniez de nous-mêmes !
Ah, qu'il est exaltant d'être, dans la même enveloppe, le mort et le re-vivant !
- IV -
Ô lumières du firmament, donnez tous vos éclats que je puisse, dans l'injonction, retrouver la voie vers le monde ! Je ne sais si je devais parler – le pourrais-je seulement ? – ou c'est aux autres – mes compères et ombres – qui m'habitent de narrer notre désarroi d'une multitude où la solitude est la loi !
Le crépuscule m'apprend – nous apprend car, depuis des lustres, je suis plusieurs dans mon enveloppe mortelle – que la liesse n'est plus. L'agonie a été longue et drue ! A la fin, à l'heure où décline dans le monde son pouls, la liesse a rendu l'âme et glissé dans le précipice où se déchaînent, dans un grand fracas, brasier et malédiction !
— Désormais, me susurrent les masques qui m'habitent, il n'est plus de salut pour l'inquiétude dévoreuse et les pics de la question férue d'absolu !
Et point de salut pour l'angoisse, emportée par l'incendie ! Jamais, dans le verbe en transe, ne capitulent prières et soumission, ni ne se défait la piété qui irrigue l'illusion pour que le front cède à la torpeur de la quiétude, de la paix dans tant d'abris montés, en toute hâte, dans la tourmente des éléments !
Ah, qu'il est exaltant d'être, dans la même enveloppe, la loi et le chaos !
Ah ! N'est-ce pas le verbe, revigoré par le brasier, jaillissant de l'antre même de la terreur exacerbée, qui, de ses fruits indolents, charme âme et cœur et les entraîne dans le sillage du néant bienfaisant ?
Ô vous, ombre parmi les ombres, mon horizon fuyant, mon étoile filante, mon étendard en berne, que ne veniez-vous partager ma déchéance profuse ! Que ne veniez-vous boire de suite en l'honneur des ruines ! Venez donc que je vous insuffle le désir cuisant de la superbe lame défaisant, dans l'immobilité, sa fermeté et lapidant, dans la quiétude, l'espoir de renaissance ! Que ne veniez-vous donc !
Aujourd'hui même, j'ai renoué avec ma fin. Au gré des étendards flottants, survient le néant, chantant, de sa voix de prosélyte, les apprêts de l'indolence et semant, à tour de bras, la bénédiction prodigue de la honte ! Venez donc que nous parlions, ô mon horizon indocile ! Peut-être qu'alors l'hymne de la félicité se lève-t-il sur les cimes croulantes du souffle, allant de ciel en ciel, jusqu'au pied du trône auguste, et plus loin encore, dans l'arène de l'impossible le plus rude, et même au-delà, dans les confins des miracles imprenables !
Ah, qu'il est exaltant d'être, dans la même enveloppe, le mâle et la femelle !
Venez donc que je vous entretienne de la nuit terrorisant le jour. N'auriez-vous pas vu, ô vous l'immaculée, comment la nuit s'est muée en halo, plaidant le silence auprès du vivant à bout de souffle.
— Buvez, ô misérable vermine, le nectar amer du verbe sans bouquet !
Et d'ajouter, prêtresse indomptable :
— Qui ne boit pas sa fin jusqu'à la lie ne goûterait plus à l'horreur du délit !
Femme, dont l'aile redoutable pilonne mon calme, n'auriez-vous pas entendu l'appel du ressac, déferlant de l'au-delà, à hauteur de fléau, ou encore plus loin ?!
Ah, qu'il est exaltant d'être, dans la même enveloppe, la montagne et l'abîme !
N'auriez-vous pas entendu, ô reine sublime des cimes, ces incantations qui nous viennent du grand large, disant, dans le bonheur, sa déchéance et déclinant aussitôt ? A peine s'évanouissent-elles qu'elles se relèvent de leur néant, bannissant, dans la mort, la mort ? Les voilà qui célèbrent, dans la nuit épineuse, la haute rupture ! Ah ! Quelle est magnifique la déroute en soutane ! Ah ! Quelle est ravissante la renaissance évoluant dans le suaire ! La terre a déserté le foyer du pouls. Et aussitôt, l'âme, rebelle incurable, retrouve l'âpre ferment des questions.
— Sans lendemain stipule l'infini.
Ah, qu'il est exaltant d'être, dans la même enveloppe, le vagissement et le râle dernier !
C'est chose insensée en effet d'espérer un ultime nid d'où s'exhalent, toujours invincibles, les sagas des origines. Que répondre à l'insurgée qui, d'une rime à l'autre, déclame le thrène ?
— Pourquoi, se demande-t-elle, le boudoir a-t-il capitulé ? Et l'arbre ? Et la ferme ? Et la forêt ? Pourquoi l'horizon a-t-il capitulé ? Et la patrie, à portée de dignité, pourquoi a-t-elle capitulé ?
Ô vous, arome authentique de la pluie profuse et saveur du faire insoutenable quand s'exacerbe l'extase ! O vous, ma potence !
Ah, qu'il est exaltant d'être, dans la même enveloppe, néant et renaissance !
- V -
Oh ! Cette voix, me harcelant, est-elle voix
Humaine ?
Elle est là où il n'est pas possible au mort de la
Surprendre, qui profère, sur tous les tons,
Ses appels.
Que dit-elle ?
— Rien qui soit intelligible, se lamente mon âme, mais que c'est agréable d'entendre ces mystères !
Cette voix qui m'enchaîne me libère
Chaque fois qu'elle m'appelle pour escalader
Les degrés infinis de ses échelles jusqu'au soleil.
Quelle est douce sa brûlure, et qu'il est bon
Que l'être ténébreux renaisse à la lumière !
Oh ! Cette voix qui me baigne de ses lueurs
Augurales !
Qui c'est qui s'assoit là, sa tête dans le sol ?
Est-ce bien moi ou est-ce un reflet de moi,
A mon insu m'habitant ?
Le carrefour arrive enfin, qu'avancent donc mes
Pas avant qu'il ne reparte.
Partir est, pour le vivant, le terreau fertile,
Mais je suis toujours là, à l'ombre d'un jujubier,
Assis à même le sol, méditant tout bas.
J'entends penser, du ciel, profondément son pouls.
Pourquoi donc mes ailes battent-elles si bas ?
Dans les sentiers du monde, le vivant, que le
Désir de voler tenaille, n'a pas besoin
D'autres ailes que ses pieds.
Marchez, marchez toujours de l'avant.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.