« Le curé de Saint-Sulpice lui (à Voltaire) la sépulture chrétienne. Une réunion secrète d'évêques eut lieu, dans laquelle ils résolurent de faire jeter son cadavre à la voirie. L'archevêque de Paris, Beaumont, défendit aux Cordeliers de faire un service comme c'était l'usage pour chaque membre de l'Académie ». Maurice Barthélémy, La libre-pensée et ses martyrs, p. 67 Le terrorisme frappe la Tunisie de plein fouet. Pire encore, il s'y incruste dans l'intention évidente de s'y installer pour quelque temps ou pour toujours. Et cela s'est fait sous les yeux des autorités compétentes qui ont tâche de défendre le pays et ses habitants contre ce genre d'incursions. Le jour même où des brigades de policiers et de militaires s'échinent dans la montagne Châambi, sur les traces des terroristes, des responsables politiques, très bien placés dans la hiérarchie du parti au pouvoir, de surcroît députés à l'ANC, écoutent ébahis, dans le stade archicomble d'El-Menzah ( !), radoter un charlatan (un de plus !) égyptien (à la solde des wahhabites, comme tous ceux qui l'ont précédés et dont le rôle évident est d'embrigader le maximum de jeunes en déroute en vue de les convertir, sous couvert de science ( et quelle science!), en moudjahidines sur des fronts étrangers et, le moment venu, au sein même du pays. Pour ceux, d'entre les Tunisiens (et ils sont très nombreux), qui s'interrogent, non sans angoisse, sur les raisons de la recrudescence du terrorisme dans un pays qui a toujours été à l'abri de ces excès, il importe de leur préciser, et d'insister là-dessus, que le terrorisme est un pur produit national, concocté par des pseudo-politiciens, doublés de faux dévots, dont l'objectif avoué est de convertir les Tunisiens, et rien de plus. Ces députés de l'ANC, qui ne se gênent pas de se produire en compagnie des Gnim et des Hassan, n'ont rien à proposer au peuple tunisien, qui les paye rubis sur l'ongle, en dehors des délices du niqab, de la flagellation, de l'amputation et de l'excision (convertie en opération de chirurgie esthétique) et cherchent, chez leurs invités de marque, des recettes, encore plus ingénieuses, pour répondre aux besoins des jeunes, en matière d'emploi ! Ces extrémistes, pour lesquels la Tunisie est désormais un territoire conquis, dont la réputation "scientifique" est loin d'être établie, sont invités, en grande pompe pour instruire de leurs lumières des jeunes frustrés du savoir religieux par de longues décennies de dictature. C'est là, en tout cas, l'argument officiel, décrété par la plus haute autorité spirituelle du pays et répété, en chœur, par une multitude de perroquets. Les Tunisiens, et les jeunes en particulier, ont soif de spiritualité, et il est normal qu'ils aillent la chercher là où elle se trouve puisqu'elle n'existe nulle part chez eux. Le responsable de ce terrible déficit n'est rien d'autre que l'Etat national, et son fondateur Habib Bourguiba, coupable, entre autres griefs, d'avoir arraché la Tunisie à son environnement naturel. L'idéologue-démagogue, auteur de cette théorie fumeuse, oublie seulement que, sous des cieux théocratiques, censés être immunisés contre le virus pernicieux du déracinement, et en particulier en Arabie Saoudite, les terroristes, parmi les jeunes, sont légion ! Ce même idéologue-démagogue, et bien d'autres dans son cas, sont le produit de l'école laïque, installée par l'Etat national. Si le travers dont on accable le système éducationnel tunisien était réel, toutes générations d'après l'indépendance auraient été composées de déracinés. Les islamistes Gannouchi, Djebali, Ben Salem, Chourou, Ellouz, Bhiri et Dilou sont, à l'instar de leurs émules de l'autre bord, les enfants légitimes de l'école bourguibienne. Par quel miracle auraient-ils échappé à la malédiction du déracinement ? Cet argument, et bien d'autres encore, prouve que l'Etat national est incriminé injustement par ceux-là mêmes qui s'évertuent à en saper les fondements dans l'intention, aujourd'hui très évidente, de le remplacer par un montre théocratique d'un âge révolu. Quelques graves que soient les griefs dont on pourrait accabler l'Etat national, il demeure, en comparaison du projet obscurantiste des fondamentalistes religieux, le pur produit de la modernité et la résultante logique de la dynamique historique des temps modernes. Face à cette réalité, les islamistes, aux yeux desquels l'histoire compte si peu et, pour certaines de leurs factions, pas du tout, ont brandi l'arme redoutable du terrorisme. Sous Bourguiba, comme sous Ben Ali, ils n'ont pas hésité à recourir aux moyens forts, occasionnant des souffrances énormes à leurs concitoyens, dont beaucoup de leurs propres « militants ». Si le terrorisme s'est manifesté aujourd'hui avec tant d'arrogance, sous forme d'attentats (dont celui qui a frappé le martyr Chokri Belaïd) ou de guerre, en bonne et due forme, qui se propose de ruiner l'Etat, très affaibli, et de semer la panique dans la population dans l'espoir d'avoir raison de sa combativité, c'est parce que ceux qui ont hérité de l'Etat national, et auxquels incombe le devoir de le défendre, sont ses véritables fossoyeurs. Le laxisme coupable face à la montée inquiétante du fanatisme et de l'intolérance, la complicité évidente de certaines factions du parti au pouvoir, les déclarations, pour le moins ambiguës, du président de ce même parti, l'obstination de certains potentats, présidés par des prédicateurs connus pour leur rigorisme et leur extrémisme, sont parmi les causes évidentes de la montée du terrorisme. A cela, il faut ajouter l'opportunisme politique des présidents de la république et de l'ANC qui ne font rien pour préserver les valeurs républicaines et, fidèles à une alliance, dont ils sont devenus les esclaves, s'emploient, des fois bien mieux que leurs alliés, à les discréditer. Une question importante s'impose : l'équipe, qui gouverne aujourd'hui la Tunisie, est-elle capable de faire face au terrorisme qui menace de démanteler le pays ? Pour d'autres, la question est toute autre et devrait s'énoncer comme suit : le gouvernement veut-il vraiment combattre le terrorisme ? Les pessimistes, de plus en plus nombreux, estiment que la menace terroriste demeurera tant que ses véritables promoteurs, qui font partie intégrante de la classe politique régnante, jouissent d'une totale impunité. Est-il possible, dans l'état actuel des choses, de demander des comptes à celui qui, contre vents et marées, soutient que les extrémistes religieux sont porteurs d'un projet de civilisation, que leur enthousiasme et leur activisme lui rappellent sa jeunesse ? Ces déclarations, et bien d'autres dans leur style, dont celles de Moncef Marzouki accablant les laïcs, sont à l'origine de la flambée de violence qui risque d'embraser la Tunisie dans sa totalité.