Décidément, Moncef Marzouki n'aura pas quitté le palais de Carthage sans y implanter le souvenir d'un locataire légendaire. Peut-être même n'y était-il vraiment entré que pour cet objectif qu'il sentait à sa portée, contrairement à tout autre objectif de portée vraiment présidentielle. On le sait, l'entreprise a démarré à l'ombre d'un ridicule, sonnant comme un coup de pied au cœur (terme retenu pour ne pas manquer de respect à l'instance !) de la rationalité, du fait de l'investiture à la présidence d'un élu au pourcentage inférieur à 1 pour mille (N'était-il pas élu à 7000 voix pour plus de 7 millions d'électeurs ?). Mais en ces temps-là de grands cafouillages, quand Ennahdha voulait, Ennahdha pouvait et Marzouki avait eu alors le cran (certains de nos concitoyens emploieraient un mot arabe qui signifierait l'arrogance) et l'obstination qui manquaient à Mustapha Ben Jaafar, relégué ainsi au troisième plan de la hiérarchie du pouvoir. Il est vrai aussi qu'en ces temps-là, à part la présidence du gouvernement, les deux autres étaient de simples instances de discours. Les deux figurines placées à leur tête devaient dire ce qu'on leur demandait de dire et en dehors de cela, elles pouvaient vaquer à toutes les divagations qui leur plaisaient. La distribution n'était pas pour déplaire à notre président provisoire, parce qu'en matière de divagation, il en avait à revendre ! Et pour que cela sonne plus fort, il faut que le creux y résonne l'absence de tout raisonnement logique. Cela a donc fini par donner ce qu'on pourrait désigner par la « Catastrophite marzoukaine », dont les soubassements sont, semble-t-il, plus familiers à notre docteur de Carthage qu'à notre médecin du Bardo. En effet, Moncef Marzouki a tellement développé un discours catastrophiste que certains ont fini par croire au pire, à chaque passage du président dans leur contrée. Il faut avouer que, sur ce plan, le cours des choses leur a souvent donné raison. Bref, d'aucuns se souviennent sans doute de ces propos étalant la pourriture sur toute la Tunisie, « de Bizerte à Ben Guerdane », et de tous les propos de même nature pour qualifier les différents aspects de la Tunisie et les différentes relations avec des amis classiques de notre pays, dans une indifférence caractérisée à toutes les conséquences d'un tel discours, supposé « présidentiel », sur la machine même du développement, de par l'effet divers qu'il pourrait avoir sur les gens : effet psychique, social, diplomatique, culturel, etc. Dernièrement encore, se complaisant dans un provisoire qui a trop duré, le président nous sort un catastrophisme d'une autre nature qui semble s'inscrire dans la continuité du désert qu'il nous avait déjà installé à l'entrée de Carthage. De fait, il y aurait un vide absolu, chez nous, et notre seule chance consisterait à nous jeter dans la mer pour y trouver subsistance ou sépulture. Un petit peu dans l'esprit des « Harragas » à la mémoire desquels il est allé jeter ses fleurs à la mer, comme une bouteille sans parfum pour son destinataire. A un moment où les Tunisiens ont plus que jamais besoin de se mobiliser dans leur ensemble, de faire converger leurs objectifs spécifiques et de conjuguer leurs efforts respectifs, le président vient leur crever des roues que l'actuel gouvernement s'applique, du mieux qu'il peut, à garder fonctionnelles au moins jusqu'à la prochaine station prévue. Si l'on ajoute à cela certaines attitudes de même obédience au sein de l'enceinte du Bardo, qui sonne de plus en plus comme une arène de triste souvenir (Certains disent « le trou des Aneries, Niaiseries et Conneries » ! Mauvaises langues, n'est-ce pas ?), on est en droit d'aller chercher le sens exact de certains mots dans le dictionnaire, pour essayer de comprendre et peut-être de qualifier certains comportements et certains discours. Curieusement, c'est sur le mot schizophrénie que s'ouvre le livre et l'on peut lire alors : « Une maladie se développant généralement au début de la vie adulte (sic !). Elle est caractérisée par des difficultés à partager une interprétation du réel avec les autres, ce qui entraîne des comportements et des discours bizarres, parfois délirants. Ces voix imaginaires (souvent les mêmes), parlent au malade pour commenter ses actes et ses choix… » Pas la peine d'aller plus loin, l'image est on ne peut plus claire. Sans doute est-ce aussi un autre symptôme que ces énormes infractions à la logique grammaticale de la langue arabe venant frapper cyniquement à nos oreilles, dans le discours préalablement rédigé par plusieurs conseillers (autrement démissionnaires ?) pour la prestation d'un président, francophone certes, mais se vantant (à raison) d'être un grand défenseur de notre langue, un discours lu minutieusement et chaleureusement à la lumière de plusieurs projecteurs et à l'intention de l'opinion nationale et internationale ! Un ami qui regardait la télé à mes côtés dégagea, dans un soupir profond et dans cet arabe qu'on aime tant, une phrase qui semblait dire : « Tout récipient ne peut bouger que de ce qu'il contient ! ». Allez voir si c'est plus sévère ou plus clément que le qualificatif schizophrène !