L'événement marquant, depuis la victoire incontestable (bien que contestée par certaines gens que plusieurs Tunisiens ont qualifiés de « mauvais perdants ») de Béji Caïed Essebsi dans l'élection présidentielle, reste incontestablement la bourde de Moncef Marzouki, sous forme d'initiative politique, consistant en ce qu'il a appelé un « mouvement de la société des citoyens » (sic !) avant que son maître à parler (puisque son rôle se réduit presque à corriger ou justifier les tours de langage les plus abracadabrants de son patron) ne rectifie la dénomination de « mouvement » par « harak » qu'on serait tenté de traduire par « mouvance », même si cette traduction ne rend pas compte de l'aspect dissident et presque anti-institutionnel que porte le mot arabe. A peine commence-t-on à voir un peu plus clair dans cette « mouvance » et ses conséquences que nous voilà retenus par une affaire des plus suspectes autour des archives, en rapport à l'Instance de Vérité et de Dignité, présidée par Madame Sihem Ben Sedrine qui est, pour certains, un alter ego de Marzouki et son complice invétéré, quelles que soient les positions de responsabilité qui peuvent survenir sur le chemin de l'une ou de l'autre. En effet, La présidente de l'IVD, dans une précipitation inexplicable et sans nulle précision sur l'action qu'elle allait entreprendre, munie de six (4 ? 8 ?) camions, a voulu prendre les archives de la présidence, dans des conditions floues, compliquées par des ordres contradictoires, une incohérence désolante dans le fonctionnement de la présidence, et même des impolitesses et des agressions verbales entre des personnalités censées représenter la dignité de l'Etat et l'image de marque de la sagesse tunisienne qui a permis au pays de réussir la gestion rationnelle d'un événement historique exceptionnel. Le plus haut point de tension autour de cette mésaventure est atteint dans une émission télévisée du soir de dimanche 28 -12 – 2014. Madame Ben Sedrine en était l'invitée principale et, malgré la sérénité renseignée, franche et d'intelligence diplomate du Professeur Sadok Belaïd, l'émission a dérapé quand la présidente de l'IVD est partie sans crier gare, emportant avec elle son acolyte (son attitude inconditionnellement impliquée en faveur de sa présidente se comprend par le devoir de discipline), par incompétence à supporter des propos de vérité à son encontre, qu'elle se sentait incapable d'affronter par une argumentation sereine et sincère. Le plus important à conclure de cet épisode des archives, depuis son déclenchement, ce sont les impressions et les déductions qu'il a laissées auprès de la plupart des citoyens, qui n'ont pas oublié que Mme Ben Sedrine a été contestée depuis sa candidature à l'instance et que sa présidence de l'instance est le résultat d'un deal auquel le président sortant n'était pas étranger. En parcourant les réactions des uns et des autres, partout où ils ont pu s'exprimer, nous retenons surtout les points suivants : 1 - Dans les différentes étapes de son déroulement, l'épisode des archives présidentielles a été perçu comme un acte de banditisme qui a altéré l'image de la présidence et de l'IVD et qui ne sied ni aux hauts responsables de la première ni à ceux de la seconde. 2 – L'actuelle présidente de l'IVD a confirmé les soupçons d'impartialité qui tournent autour d'elle de par un capital de rancœur et d'animosité à l'égard de certains adversaires politiques, ce qui la rend psychologiquement et éthiquement non habilitée à diriger une entreprise aussi délicate et aussi importante que celle de la justice transitionnelle. En effet, tous ses arguments de défense dans l'émission télévisée (Liman Yajro Fakat) se réduisent à un langage de diffamation pure et simple des journalistes et de certaines gens qu'elle qualifie de façon irrespectueuse et préjudiciable, ainsi qu'à une fixation maladive sur un régime politique révolu et à dépasser, qui lui aurait même servi par le passé dans la plupart de ses implications politiques et autres. L'instant de plus haute tension dans l'émission a été atteint à la confrontation de sa faible argumentation en disque rayé à une autre argumentation focalisée sur des faits la concernant et nécessitant de sa part des éclaircissements à même de dissiper le doute autour d'elle. Pour résumer l'état d'esprit de cette inquiétude citoyenne, nous citons une fausse question d'un universitaire loin de tout soupçon d'une quelconque connivence ni de la moindre sympathie avec l'ancien régime : « Comment quelqu'un qui déverse sa haine des personnes de l'ancien régime à même un plateau télé et tire sa révérence en pleine émission, est capable de gérer l'épineux dossier de la justice transitionnelle qui suppose un minimum d'objectivité, de tact et de travail sur soi ? 3 – Certaines implications passées de Mme Ben Sedrine comportent des zones d'ombre sur ses principales connivences de différents ordres et maintiennent la suspicion à son égard, dans la seule considération citoyenne et le seul souci de l'Intérêt de l'Etat et de la protection de la mémoire nationale. Il y aurait même le soupçon de la préparation préméditée d'une plate-forme d'opposition au nouveau gouvernement, associé à priori à l'ancien régime, à la fois pour le fragiliser (ou essayer de le faire) et se garantir, au besoin, pour l'avenir, un autre argent du beurre comme par le passé. Ainsi pensent certains commentateurs et ils semblent trouver assez d'arguments en leur faveur. En définitive, sans entrer plus avant dans les tenants et les aboutissants de cette polémique qui tourne au conflit politique fort suspect, tout semble donner raison à ceux qui préconisent de remettre la question en débat au sein de l'assemblée des représentants du peuple, non pour remettre en question l'instance ou la justice transitionnelle, mais pour réévaluer la démarche ayant conduit sa composition et la doter des meilleures conditions d'accomplir sa mission en toute crédibilité. Pour tout dire, la principale question à poser, dans un Etat postrévolutionnaire où l'imputabilité est exigée comme une règle générale, peut-on concevoir une instance dont les membres, et surtout une présidente massivement contestée, échappent à toute imputabilité sauf celle commendée par l'instance même ? Serait-elle une instance au-dessus de toutes les institutions républicaines, voire au-dessus de la constitution qui est sa seule raison d'être ? Serait-elle, cette instance, un Etat en dehors de l'Etat et supérieur en termes de prérogatives ? N'est-ce pas une dictature qui s'impose autrement contre toute velléité de démocratie. La société tunisienne a toutes les raisons de s'inquiéter à ce propos si elle tient vraiment à entrer de plain-pied et en toute assurance dans la vraie démocratie.