Ramadan, nous sommes plein dedans. Les familles s'y préparent. Visites guidées à Tunis, à Sousse et à Kairouan. Mardi 26 juillet 2011. Une queue de quelques mètres se forme devant un magasin spécialisé dans la vente d'épices du côté d'El Manzeh VI. On y voit des femmes de la bourgeoisie commander du couscous, du boulgour, du sorgho, du cumin, du curry, des pistaches, Le même spectacle est perceptible, le même jour, à la rue d'Allemagne, du côté du Centre-ville, où les échoppes sont prises d'assaut. «Chaque année, c'est la même histoire. J'ai beau dire à mon épouse que le souk ne va pas fermer ses portes, elle insiste pour avoir tout à portée de main», se lamente Abdallah, qui est venu de Hammam-Lif pour acheter le nécessaire du mois de Ramadan et notamment les boîtes de thon. «Deux grandes boîtes, c'est largement suffisant», poursuit-il, en choisissant la marque exigée par son épouse. Tous ses voisins en font autant Autre rite qui a la peau dure: le badigeonnage à la chaux des maisons. Quasiment disparu dans la capitale, il est largement présent notamment dans les villes de l'intérieur du pays. Quatre-vingt ans, Hajja Fatma respecte ce rite depuis quasiment sa naissance: «J'ai toujours vu mes défunts père et mari le faire, j'ai continué», lance-t-elle le plus normalement du monde. Dans la médina de Kairouan où elle habite, tous ses voisins en font autant. N'ayant plus la force de déplacer les meubles et de nettoyer le sol, après le passage du peintre, elle s'est payée, pour l'occasion, les services de la bonne de sa fille qui vit à El Mansoura, un quartier résidentiel de la ville, qu'elle paye 7 dinars par jour. «Heureusement que cela ne dure pas plus qu'une semaine, sinon », s'empresse-t-elle de faire remarquer. Comme nombre de ses voisins, Hajja Fatma a passé au peigne fin toute la cuisine. Tous les recoins ont été visités par les détergents dont l'eau de javel. Afin que la cuisine soit la plus propre possible. Les ustensiles ont été invités à subir le même sort et savamment rangés dans leurs tiroirs. Hajja Fatma n'a pas manqué, par ailleurs, de procéder à l'étamage des ustensiles en cuivre dont elle s'en sert pour boire et manger. Ne lui parlez surtout pas de préparer un couscous ou encore du riz à l'agneau dans un autre récipient que celui fait en cuivre. Quant il s'agit de boire, elle a, par ailleurs, un faible pour le bol, toujours en cuivre, qu'elle ne retire, chaque jour, du réfrigérateur que quelques minutes avant la rupture du jeûne. «Cela commence à bouger» Au marché de la Corniche, à Sousse, dans le célèbre quartier de «Gabagi», l'«odeur du Ramadan», comme on dit, se fait bien sentir ce jeudi 28 juillet 2011. Qu'il soit pour dimanche ou pour lundi, Ramadan est déjà là et il est, sans doute, temps de s'affairer. «Il y aura, certes, plus de monde demain et samedi, mais cela commence à bouger», assure Ridha, qui tient un étal de fruits et légumes. «On commence à faire quelques achats. On s'approvisionne déjà en pommes de terre, piment, mais aussi en pommes et en pastèques, parce qu'ils tiennent le coup; la tomate et les autres fruits et légumes, c'est au jour le jour», souligne-t-il. Mais ce qui occupe les esprits ici comme ailleurs, c'est la pénurie de certains produits alimentaires et leur cherté. Rencontré la veille, le mercredi 27 juillet 2011, du côté du marché Sidi El Bahri, à Tunis, Mahjoub ne pense qu'à ça. Pantalon jean et chemise blanche, employé dans un établissement touristique de la banlieue nord de Tunis, Mahjoub est au chômage technique. Depuis deux mois, il reçoit seulement une partie de son salaire. Il prend pourtant son mal en patience. L'été, le Ramadan, l'Aïd, la rentrée scolaire, et ensuite l'Aïd El Kébir, qui leur emboîtent le pas, voilà son seul son de cloche. Et cette remarque pertinente: «on me dit toujours que ces événements n'arrivent qu'une fois l'an, mais lorsque vous faites votre calcul, on se retrouve avec un événement une fois tous les deux mois. C'en est trop pour moi». Lait, sucre, yaourts, ufs, thé et café, ces produits et bien d'autres trottent dans sa tête. Sans oublier les veillées au café du coin et la chicha, son seul luxe. Et puis, et pour conclure, un soupir. Et cette affirmation: «Rabyi Yebkinâ Lamathalou!» (Que Dieu nous autorise à vivre d'autres Ramadans».