Après plusieurs années d'application des premières réformes du marché financier et d'analyse de leurs résultats, une deuxième vague de réformes s'est imposée et les autorités ont complété ou corrigé certaines législations ou réglementations qui n'étaient plus de mise. Cette adaptation de notre législation aux évolutions observées tant au niveau national qu'international s'imposera comme la règle pour les années suivantes. La reforme la plus importante de cette période a été celle relative au marché financier qui a permis de doter le pays d'infrastructures boursières qui font la fierté de la Tunisie et étaient conformes aux meilleurs standards internationaux dans ce domaine.
La loi 94-117, portant réorganisation du marché financier, a introduit de nouvelles notions et structures qui n'avaient pas pu être introduites en 1989, tant elles apparaissaient avant-gardistes et ont souvent été mal comprises à cette date:
- séparation entre l'autorité de contrôle du marché, organisme public et l'organe privé chargé de faire fonctionner la bourse, a été faite ;
- création du conseil du marché financier CMF qui a vu ses missions, sa composition et son rôle définis avec des pouvoirs étendus (pouvoir de réglementation, de surveillance, d'enquête et enfin de sanction). Ce pouvoir est étendu aux différents intervenants du marché financier y compris les dirigeants des entreprises cotées ;
- création de la Bourse de Tunis, entreprise privée dont le capital est détenu par l'ensemble des intermédiaires ;
- création du dépositaire central des titres STICODEVAM- qui règle un vide qui aurait pu conduire à de nombreuses faillites d'intermédiaires en Bourse si cette structure n'avait pas été mise en place à cette date. Cet organisme assure la concomitance du règlement des fonds et du transfert des titres entre intermédiaire acheteur et intermédiaire vendeur.
Signalons que le passage des titres physiques certificats d'actions en papier- aux inscriptions en compte et donc dématérialisation des valeurs mobilières s'est fait dans la pratique en 1989 lors de la mise en place de la cotation sur panneaux. Il faudra attendre 2001 pour que la loi traduise dans le fait la dématérialisation des titres. La profession avait créé une commission interprofessionnelle pour résoudre les suspens entre intermédiaires lors de l'admission à la STICODEVAM des titres des sociétés cotées. En fait, cette structure n'a jamais été appelée à se réunir et les quelques suspens ont été réglés facilement. Le marché n'a connu qu'une seule faillite d'un intermédiaire, qui n'a pas été traumatisante pour le marché. Rappelons que le développement de nombreuses bourses étrangères s'était accompagné dans les années 80 de scandales et de faillites.
La loi a aggravé les sanctions pour délits boursiers notamment le délit d'initié. Ce délit est commis lorsqu'on utilise des informations obtenues sur une entreprise cotée avant leurs publications sur le marché pour s'enrichir ou permettre l'enrichissement d'une autre personne.
Cette loi a aussi défini les Offres publiques d'achat, de vente, d'échange OPA, OPV et OPE, la notion de bloc de contrôle, la notion de franchissement de seuil et l'obligation de déclaration de franchissement des seuils de participation.
Ainsi, cette loi permet le classement d'une entreprise comme : - Entreprise fermée avec quelques actionnaires qui se connaissent et qui n'a vis-à-vis du CMF aucune obligation sauf à enregistrer les transactions sur ses titres auprès du CMF sous peine de nullité.
- Entreprise qui fait appel public à l'épargne, les sociétés qui ont plus de 100 actionnaires, les SICAV, les banques et les assurances quel que soit le nombre de leurs actionnaires. Les banques et les assurances sont dans cette catégorie car elles sont dépositaires de fonds et de titres de clients pour les banques ou garantissent des droits à long terme des assurés pour les assurances. A ce titre, elles ont des obligations particulières et sont soumises au contrôle du CMF en plus du contrôle technique de la Banque Centrale de Tunisie.
- Entreprise cotée à un des marchés de la bourse.
La loi définit les obligations de chaque catégorie d'entreprises. Le décret 97-2462 relatif à l'émission des Bons du trésor assimilables (BTA) qui crée un nouvel outil de financement de l'Etat. Ce produit est destiné à résoudre un problème qui est apparu avec les BTNB, celui du flottant ou du gisement. En effet, les émissions de bons du trésor avant cette date se faisaient pour de faibles montants et les émissions avaient chacune des caractéristiques différentes, ce qui ne permet pas d'espérer obtenir des transactions sur ces bons.
Le bon du trésor assimilable permet de lancer une émission au début d'un mois et de la rouvrir aux investisseurs au début de chacun des mois suivants et pendant plusieurs mois. Ainsi, les montants souscrits pendant plusieurs mois qui pouvaient totaliser plusieurs centaines de millions de dinars. Les milliers de titres acquis par plusieurs dizaines voire centaines de souscripteurs permettent d'espérer la réalisation de transactions et donc la création d'un marché obligataire des titres de l'Etat qui fait tant défaut à la Place tunisienne.
La loi 99-92 relative à la relance du marché financier offre aux entreprises de nouveaux avantages fiscaux pour les pousser à se faire coter en bourse et offrir leurs actions au public. C'est ainsi que l'impôt sur les bénéfices des entreprises a été réduit de 35 à 20% pour les sociétés qui se font coter en bourse en ouvrant au moins 30% de leur capital au public et ce pour 5 ans. Ces dispositions ont été reconduites en 2004 pour les sociétés qui se feraient coter après cette date.
Cette loi a créé un nouveau produit d'épargne qui se trouve être un des meilleurs pour l'ensemble des contribuables actifs ou retraités. Le Compte épargne en actions (CEA), qui a subi de nombreuses modifications pendant les années qui ont suivi sa création, permet à tout contribuable même étranger de constituer un portefeuille actions en déduisant de ses impôts le montant déposé dans ce compte. Le bénéfice de cet avantage est soumis à certaines conditions ; montant maximum : 20.000 dinars tunisiens par an, paiement de l'impôt minimum prévu par la législation sur l'impôt des personnes physiques et enfin blocage des fonds déposés et non des titres pendant 5 ans.
La loi a fait obligation aux employeurs et aux caisses de sécurité sociales de tenir compte pour le calcul de l'impôt retenu à la source de cet investissement en CEA. Cerise sur le gâteau, l'épargnant peut bénéficier des dividendes et plus-values réalisés sur son CEA. Cet avantage réservé au début aux salariés et aux retraités a été étendu aux autres contribuables.
Les conditions de blocage ont été assouplies et la réglementation prévoit que le blocage peut être levé moyennant le remboursement de l'avantage fiscal obtenu après 3 ans ou sans ce minimum de blocage dans certains cas (maladie, chômage, décès).
Le décret 99-2478 portant statut des intermédiaires en bourse vient, après plusieurs années d'application du premier statut, préciser les nouvelles conditions et procédure de l'agrément, les activités autorisées pour ces intermédiaires et les conditions d'exercice de ces métiers. Les obligations de ces intermédiaires au niveau du capital, de l'organisation, des métiers nécessitant une carte professionnelle, des règles déontologiques qui s'appliquent ont été revues et mises à jour.
Rappelons que le CMF ou encore la STICODEVAM ont dans leurs règlements ou instructions mis en place d'autres obligations plus techniques et qu'ils en contrôlent l'application. Métier réglementée par excellence, la législation et la règlementation le concernant reste diverse et importante et nécessite une entière disposition du personnel qui doit, d'après la loi, se consacrer à ce métier uniquement.