Voici un homme qui, si on l'obligeait à garder bien calmes ses mains, ne trouverait plus grand-chose à dire. Il a dû hériter cela ou en être impressionné d'on ne sait quels orateurs pour qui la ponctuation du mot d'un mouvement de la main donnerait plus de sens ou de poids au verbe. C'est comme un chef d'orchestre pour qui chaque note appelle de sa part à un accompagnement systématique de la main (de la baguette, plutôt). Mais cette manie est quelque part révélatrice d'un carcan qui a souvent acculé l'homme à s'expliquer, à se justifier, à prouver la véracité ou la justesse de ce qu'il avance au moins une fois l'an en public. Par conséquent, tout seul, le mot lui semble un peu hasardeux et imprudent s'il n'est pas appuyé d'un mouvement de la main qui se veut autrement convaincant et persuasif. Depuis que l'homme, à travers Sigma Conseil qu'il a créée il y a une petite dizaine d'années de là, a choisi d'être le pouls et le baromètre du marché tunisien, il est régulièrement en butte aux sceptiques et aux boutefeux qui, parfois pris de court par leur propre situation qu'ils s'imaginent exagérément reluisante, lui reprochent d'être un manipulateur des chiffres. Et lui, face à ces attaques auxquelles il ne peut toujours répondre, ne trouve pas mieux que de sourire, voire de rire carrément. Autant il croit sans l'ombre d'un doute aux données économiques qu'il récolte jour après jour, heure après heure, autant il reste flegme, serein comme il le dit lui-même. Pour autant, son travail ne se prête guère au sourire, ni encore moins ne fait plaisir aux autres. Au contraire, il a un travail qui fait frémir certains. Dire, par exemple, que tel canal de télévision a enregistré le mois écoulé un taux d'audience de 56% contre tel autre qui n'en a accusé que 44%, est un acte éminemment délicat qui peut orienter, réorienter ou désorienter la décision d'un annonceur soudain invité à réviser le placement de sa publicité. Du simple constat fait par cet homme toujours souriant et charmant garçon dépend le sort économique d'une entreprise. Ce n'est pas un jeu, c'est un enjeu qui pèse des milliers de dinars. Et lui n'arrête pas de sourire
Fils d'un juge, Hassen Zargouni est né en 1966 dans la région du Bardo où, au Lycée Khaznadar, il fait le secondaire avant de fréquenter, pendant deux ans, la classe préparatoire pour les grandes écoles de Paris qu'il quitte, à terme, pour l'Ecole nationale des statistiques et de l'administration économique où il poursuit des études économiques de marché couronnées d'un 3ème cycle sur les systèmes d'information statistiques.
En 1993, il fait un passage par la GMF (assurance-vie) et termine en beauté dans la peau de consultant pour France Télécoms. A Tunis, en 1996, Comète Ingeneering l'y intègre pour deux ans. Et c'est en 1998, quand il fonde Sigma Conseil, que commence pour lui la grande aventure et le casse-tête des chiffres.
Témoin oculaire de chaque instant de chaque mouvement économique (fournisseur-prestataire-consommateur), il a la latitude et la faculté intéressantes pour les uns, haies par d'autres de pouvoir apprécier à chaque moment les fluctuations, les vibrations et les oscillations du marché. Là où ses chiffres peuvent quelque peu induire en erreur, c'est qu'ils sont le résultat d'enquêtes de terrain (menées par ses 340 intermittents) sur des échantillons se limitant à 200-300 personnes. Or, il estime que l'échantillon est une science quasi-exacte qui ne souffre que d'un point (deux, au maximum) d'erreur (donc un coefficient de confiance porté à près de 9 sur 10).
Mais l'audimat et la publicité ne sont qu'une parmi d'autres activités de Sigma. L'entreprise assure des études de marketing, des études publicitaires, et des études économiques sectorielles. Fort de ses 52 cadres (ingénieurs statisticiens et autres), ce patron de 42 ans a ouvert une filiale en Algérie (2002), des bureaux au Maroc et en Libye (2005) et transformé son bureau marocain en filiale (récemment).
Et ce n'est pas tout. En bon originaire de Nefta qui a dû le gaver, enfant, de deglet nour, Hassen Zargouni, quoique père de trois enfants, a un goût prononcé pour les associations. Il est président de l'Association des Tunisiens des grandes écoles d'ingénierie et du commerce ; il est président du Club Rotary pour les actions sociales et humanitaires ; il est membre exécutif de la Chambre tuniso-française du commerce et de l'industrie ; il est le président de la Commission des jeunes entrepreneurs ; et est vice-président de la Commission marketing du Stade tunisien. On comprend maintenant que, pour présider et haranguer, il ait toujours besoin de ses mains qu'il agite à la manière d'un chef d'orchestre