Dans le monde, les Sociétés de recouvrement semblent avoir vu le jour vers les années 1857. C'était en Suède et en Suisse, puis, un peu plus tard, en France. En Tunisie, c'est vraisemblablement en 1917 que cette activité avait été lancée par les Juifs à dessein de recouvrer le loyer de leurs immeubles et autres commerces. Probablement qu'il y eut ensuite quelques petites régies ou agences opérant dans le même sens, mais sans réelle réglementation sinon qu'elles agissaient à l'appui de procurations, soit des mandats d'agir aux noms des créanciers. Il faudra attendre l'année 1998 pour que soit édictée la loi relative aux Sociétés de recouvrement et les autorisant à acheter des créances et à procéder au recouvrement pour compte, moyennant une commission en fonction du montant recouvré.
Tunisie Recouvrement, qui n'a pas trop philosophé pour se donner un nom, est née en 2003 dans le cadre de cette loi. Lancée sur le marché avec un capital de 300 mille dinars (montant exigé par la loi même), mais sans l'ombre d'une expérience, elle dut s'attaquer aux impayés gardés dans les tiroirs des PME, soit de petits pécules qui, même réunis, ne portaient pas trop à l'inquiétude. Et de toute manière, Tunisie Recouvrement avait démarré avec, pour personnel, deux membres dont le fondateur, M. Souheil Nabli. Mais bientôt de grands groupes manifestèrent leur intention de confier l'ensemble de leurs créances à la jeune Société, l'esprit étant qu'au lieu d'investir inutilement dans des services de recouvrement, mieux valait opter pour l'externalisation desdits services et continuer à investir plutôt dans la production. S'ensuivirent quelques banques qui, en dépit de leurs propres services de recouvrement, manifestèrent le même intérêt auprès de Tunisie Recouvrement. Il faut dire que ces banques recouvrent par leurs propres moyens les grosses sommes ; sauf qu'il y a encore nombre de découverts bancaires (des crédits à la consommation en général) qui, sans être négligeables, ne pourraient pour autant être gérés par la banque, faute de temps ou de personnel. De petits crédits qui, réunis, pèsent bien lourd dans le tiroir.
Importants groupes d'un côté, des banques de l'autre, Tunisie Recouvrement mesure à sa juste dimension la responsabilité qu'elle a choisi de porter sur ses épaules encore peu expérimentées. Pour s'y prendre, elle s'arme vite d'économistes, de financiers et de gestionnaires (elle aligne aujourd'hui 70 personnes). Les uns ne sachant trop le travail des autres, l'esprit présidant à la destinée et l'activité de la Société a reposé sur la concertation, de sorte qu'au bout de quelques petites années les uns se sont faufilés dans la peau des autres. A telle enseigne que même l'avocat (en cas d'une créance portée devant la Justice) a fini par comprendre l'enjeu réel d'une créance : l'important n'est pas de déclarer que l'affaire est joliment ficelée devant le tribunal en attendant d'être réglée, mais de dire dans combien de temps exactement la créance pourra être recouvrée. Dans une telle activité, le délai est souvent plus important que le montant de la créance lui-même. D'ailleurs, vis-à-vis du créancier, le recouvreur tient compte du facteur temps : une créance âgée de moins d'un an est une chose, mais une créance âgée de dix ans en est tout à fait une autre. Même la commission est calculée sur le même principe : 10 % du montant de la créance si elle est jeune, mais jusqu'à 25 % si elle est vieille. Par ailleurs, une créance recouvrée en cinq mois est de loin meilleure qu'une autre qui ne peut l'être que dans deux ou trois ans. En somme, le recouvrement suppose deux conditions : une bonne procédure, et un bon délai.
Après les PME, c'est donc avec Poulina que Tunisie Recouvrement a appris le travail. Avec les banques, elle a appris ce qu'elle qualifie de recouvrement industriel, c'est-à-dire le traitement en grand nombre des dossiers. Dans la foulée, Tunisie Recouvrement a dû perdre bien de l'argent en rachetant certaines créances avérées irrécouvrables, et ce malgré le garde-fou brandi par la loi qui déconseille vivement de se risquer dans des affaires interlopes. Mais pour Souheil Nabli, c'est le prix de l'expérience.
Il n'empêche. La témérité de la Société lui a valu, en plus de l'expérience, de la notoriété. De sa naissance à aujourd'hui, Tunisie Recouvrement a géré la bagatelle de quelque 200 millions de dinars et compte à présent environ six cents clients dits actifs (ou fidèles) dont des groupes, des banques, des Sociétés Leasing, etc. Son capital a suivi la pente et est maintenant porté à 800 mille dinars, cependant que son chiffre d'affaires (montant des commissions seulement) tourne depuis quelques années autour du milliard de millimes l'an.
Tunisie Recouvrement, forte de son expérience et de son professionnalisme, est, quelques années après sa création, passée à la deuxième vitesse. Elle a créé une antenne en Algérie (la seule que connaisse ce pays voisin), une deuxième au Maroc, et est en pourparler avec la Mauritanie pour un projet similaire. Deux objectifs pour le moment : transformer en 2009 ces deux antennes en Sociétés, et conquérir le marché de l'Afrique francophone. Mais entre temps, sa position de pionnière et leader au Maghreb lui a valu de conclure un partenariat avec Intrum Justicia, une multinationale suédoise agissant dans le même secteur. Ce partenariat a été conçu en vue de recouvrer sur le sol européen (le groupe suédois) et sur le sol tunisien (Tunisie Recouvrement).
En Tunisie, la Société s'est attaquée à d'autres domaines où c'est le grand nombre qui domine : les grandes surfaces, les opérateurs télécoms, les assurances, etc.
Société anonyme avec pour PDG M. Souheil Nabli, Tunisie Recouvrement dispose, outre le siège, d'une agence à Tunis, une au Kef, une à Sousse et une autre à Sfax. Des agences rendues nécessaires pour être le plus proche possible des débiteurs, et pour tenter de couvrir peu à peu l'ensemble du territoire tunisien.
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