L'économie tunisienne est passée graduellement d'une économie de dépendance quasi totale à une économie de substitution et s'oriente résolument vers à une économie de marché. Nous assistons depuis quelques années à des mutations économiques majeures dues à la mondialisation et au libre échange, accentuées par les incessantes innovations en matière de technologies d'information et de communication. Dans ce nouvel environnement hautement concurrentiel, les entreprises les plus dynamiques cherchent à mieux se positionner et capitaliser leurs acquis. Plus qu'exporter, il s'agit d'aller conquérir de nouveaux territoires', là où il y aurait des potentiels de croissance et retours d'investissements plus rapides. Ne disposant pas d'excédent de capitaux, la Tunisie n'a pas cherché à développer de stratégie d'investissement à l'étranger, devenue aujourd'hui un pilier de la logique économique globale. Force est donc de constater qu'à ce jour, très peu d'entreprises tunisiennes ont su mettre en uvre une stratégie de conquête par l'internationalisation. Et pourtant des « success stories » existent Pourquoi s'internationaliser ? Aujourd'hui, nous encourageons l'accès à notre marché et l'investissement des entreprises étrangères en Tunisie, ne devrions-nous pas concomitamment encourager l'implantation à l'étranger de nos entreprises, les plus performantes en tous cas? Précisons d'abord que l'internationalisation est un processus qu'une entreprise, disposant de la motivation, de la compétence et des ressources requises, engagerait pour aboutir à une implantation physique en dehors de ses frontières nationales, et cela pour une combinaison de raisons, dont les principales sont : 1) Se rapprocher de ses clients 2) Se rapprocher des sources d'approvisionnement stratégiques 3) Améliorer sa compétitivité (profiter des coûts de facteurs de production plus avantageux) 4) Franchir ou contourner une barrière douanière 5) Maintenir un rythme de croissance etc. Combien même l'internationalisation vise à améliorer la rentabilité et pérenniser les acquis de l'entreprise, ses retombées sur l'économie tunisienne sont significatives à plus d'un titre. Une internationalisation réussie se traduira, directement ou indirectement, par davantage d'emplois, davantage de rentrées en devises et davantage de création de richesses. Les témoignages des chefs d'entreprise qui se sont lancés à l'international confirment d'une part la capacité des entreprises tunisiennes à s'internationaliser, et fait valoir d'autre part l'impact positif d'une telle stratégie sur notre économie. Pour certains, la « non-internationalisation » aurait même un coût très lourd en terme d'emploi, de marché et d'investissement- à moyen et long terme. D'où l'intérêt d'inclure l'internationalisation à l'ordre du jour des travaux des instances en charge des stratégies de développement micro et macro-économique. Les investissements tunisiens à l'étranger ! Selon la BCT, il y aurait eu en tout 360 projets d'internationalisation ! Dont 237 sont passés par des autorisations de cette institution. La plus connue est certainement celle de COFICAB du groupe Elloumi qui se trouve maintenant implantée, en plus de la Tunisie, au Maroc et au Portugal. Dans ce premier pays, ses exportations constituent 54% du total des exportations tunisiennes vers ce pays et dans le second, c'est tout simplement 100% du courant des échanges Tuniso-Portugais! Les investissements réalisés par les Tunisiens, à l'étranger, sont passés au cours des trois dernières années, de 2.9 MDT en 2001 à 2.1 MDT en 2002 et ont atteint les 7 MDT au terme de l'année 2003. Sur les dix dernières années, l'internationalisation a représenté un montant de devises sorti du pays de 50 MDT. Ces investissements ont surtout profité, selon les chiffres de la BCT, à la France (3.5 MDT), la Libye (1.3 MDT) et le Maroc (1 MDT). La répartition par secteur, laisse voir une domination des investissements tunisiens dans les secteurs financier (2.7 MDT) et industriel (2.1 MDT). Cette internationalisation, rendue nécessaire par la nouvelle donne économique, s'est faite dans un vide juridique total. La réglementation tunisienne a maintenant besoin d'élaborer un cadre juridique adapté, sachant que les entreprises « sans frontières » qui inscrivent leur action sur « le marché monde » pour répondre aux nouveaux défis de la concurrence, imposés par la globalisation, posent aux spécialistes des problèmes juridiques sans précédent. Vers une culture de l'internationalisation Une bonne préparation préalable est nécessaire avant de se lancer dans un projet d'internationalisation, qui demeure une opération à haut risque pour l'entreprise. Les défis que pose l'internationalisation sont multiples et complexes. Toute la structure de l'entreprise doit être prête. Une vision claire, une stratégie bien formulée, des ressources humaines bien formées et un management efficace sont des pré-requis incontournables ! La culture de l'international présuppose aussi le recours au financement et levée de fonds sur les marchés des capitaux internationaux. L'internationalisation ne concerne donc pas seulement les entreprises. Il faut une logique d'accompagnement actif de la part des administrations et institutions de tutelle. De nouveaux services et de nouveaux métiers sont à inventer pour répondre aux besoins actuels et futurs des entreprises tunisiennes candidates à l'internationalisation. De plus, une entreprise a intérêt, pour réduire les risques encourus, à s'internationaliser avec une partie de ses partenaires traditionnels (fournisseurs, banque, etc.). Or nous ne voyons pas nos banques s'implanter à l'étranger par exemple, alors que les banques marocaines le font avec succès depuis quelques années. L'accès à l'information reste par ailleurs un obstacle majeur. Les sources d'informations sur les marchés, les réglementations, les opportunités etc. ne sont pas structurées pour servir d'éléments stratégiques pour les entreprises qui souhaitent s'internationaliser. L'intégration de la Tunisie dans l'économie mondiale, exige une nouvelle vision du monde. Ceux qui ont réussi leur projet d'internationalisation sont convaincus que ceci représente une chance extraordinaire pour l'économie tunisienne.