C'est chaque année la même rengaine, le mois du Ramadan en Tunisie est synonyme d'une extraordinaire multiplication des infractions et /ou violations de la loi de la part de certains commerçants. Bien que les contrôles soient de plus en plus nombreux, bien que les procès verbaux pleuvent, bien que les citoyens ne se laissent plus faire comme avant, c'est comme s'il n'y avait rien à faire, ces commerçants continuent à imposer leur propre loi. Le mois de la piété deviendrait-il pour ces commerçants le mois de tous les péchés ! Selon le quotidien ESSABAH, dans un reportage réalisé avec les services de contrôle relevant du ministère du Commerce, les dépassements observés laissent bouche bée : trois infractions en moins d'une demi-heure ont été relevées au cours de la première semaine du mois du ramadan suite à une seule tournée des inspecteurs ! Pourtant, là où ces infractions (majoration des prix et non affichage ) ont été relevées, il existe un bureau de contrôle permanent ! Ce jour là, constate la journaliste reporter, il y a eu 145 plaintes au cours de la matinée (jusqu'à midi). A vrai dire, et comme nous avons pu nous-même le constater lors d'un reportage , ces services de contrôle ne ménagent aucun effort pour contrecarrer les nombreuses dérives. Ils font preuve d'un zèle extraordinaire, travaillent sans horaire (de jour comme de nuit) pour une meilleure efficacité et essaient toujours de responsabiliser les commerçants avant de passer à un procès-verbal. Mais comme ces agents ne sont pas très nombreux, sont plus ou moins connus par les commerçants, et comme ils axent leurs inspections autour de certains secteurs déterminés en fonction de la saison (les produits alimentaires lors du Ramadan par exemple et les produits du textile et de l' habillement avant l'Aïd) , l'efficacité ne peut être hélas au maximum. Ainsi, et comme nous avons pu le constater de visu , nombreuses sont les dérives observées dans les autres secteurs. La palme d'or revient à certains cafés (Qui en sont les plus grands spécialistes) des quartiers chics de Tunis et du centre-ville ouverts le jour durant le mois de ramadan. Là, on applique une grille tarifaire ramadanesque (propos du concerné lui-même) où le café de 270 millimes passe à 600 millimes. Aucun affichage des prix n'est visible par ailleurs pour les clients qui se voient imposer ce diktat, vu que la majorité des cafés sont fermés le jour. La nuit, c'est une autre stratégie qui est appliquée : on ne vend que le café turc (vendu à 1,2 dinar) et le thé aux pignons ou aux amendes. Demandez un express ou un thé simple (dont les prix sont fixés par le ministère du Commerce), et on vous regardera avec dédain ! Evoquez la loi, on vous rira au nez et on menacera de faire appel aux inspecteurs du commerce, en vous montrant la porte et les biceps de l'un de leurs serveurs ! Autre forme de violation de la loi : la vente conditionnée. Au cours de l'année, nombreux sont les cafés qui exigent de leurs clients de commander un gâteau avec une boisson. Au mois de ramadan, on change le menu et on vous propose une «bouza» avec une boisson déjà surfacturée. Cela se passe à Tunis en 2004 en plein mois de piété, de tolérance et de pardon ! Mais il n'y a pas que les cafés; là où on constate le plus d'abus c'est incontestablement du côté des produits alimentaires frais. Fromages, lait caillé, légumes, viandes, volailles, fruits, tout ce que le consommateur peut acheter pour la préparation de la rupture du jeûne est bon pour que certains commerçants traficotent dessus. On voit même ceux qui pour échapper à la loi, affichent un prix et pratiquent un autre lors du calcul de l'addition. Si dans les rares cas où le client (généralement la ménagère), s'en rend compte, on répond en toute franchise que la plaque d'affichage du prix est placée pour les contrôles et que le commerçant ne peut vendre à ce prix, pour des questions de rentabilité. Si le client proteste, on reprend la marchandise et on l'invite à aller faire ses courses ailleurs. Comme les clients préfèrent, généralement, éviter les problèmes, ne peuvent protester et avoir raison, ils n'ont qu'une seule et unique alternative : accepter le diktat ou aller voir ailleurs une marchandise pas nécessairement de meilleure qualité avec tous les frais additionnels de transport.
Les brigades d'inspections sont conscientes de l'état des lieux, font des efforts pour arrêter l'exploitation de la situation par ces commerçants peu scrupuleux, mais en vain. Chaque année, c'est la même rengaine.