Le textile représente la moitié des exportations tunisiennes. Avec la fin des AMF en janvier, de nouveaux concurrents surgissent. A grandes enjambées, la concurrence progresse. Déjà la Tunisie ne représenterait plus que 5,1 des importations européennes de textile (contre 6% en 1998). Et, demain, c'est à dire le 1er janvier prochain, les accords multifibres (AMF), qui protégeaient la confection tunisienne de l'agressivité commerciale de la Chine, expireront. Sans compter l'appétit énorme d'un autre compétiteur : la Roumanie, plus dangereuse à court et moyen terme, car plus proche géographique du marché européen, plus efficace aussi à tisser des liens en Europe. Son offre est semblable à celle de la Tunisie, fondée sur le réassortiment et des petites séries produites. Mais avec des coûts inférieurs de 25 % à ceux de la Chine.
Pour la Tunisie, l'enjeu est de taille, car le textile représente environ la moitié des exportations et des emplois industriel. Jusqu'à présent, note la Mission économique à Tunis, « la production est concentrée sur le métier de la confection dans le cadre d'un trafic de perfectionnement passif, au profit des donneurs d'ordres européens (entreprises industrielles ou groupes de distribution). Les entreprises di secteur s'apparentent essentiellement des prestataires de services qui produisent des vêtements avec les tissus et les modèles qui leur sont livrés par leurs clients. »
Aujourd'hui, l'investissement stagne voire reflue et certaines entreprises étrangères pourraient être tentées de délocaliser tout ou partie de leurs activités locale Selon Jean-François Limantour, qui préside le cabinet Texas Consulting et le Cercle euroméditerranéen des dirigeants du textile-habillement (Cedith), « les deux tiers des entreprises exportatrices possèdent des capitaux étrangers ou mixtes et réalisent au moins 80 % des livraisons hors du pays ». C'est une force. Il faut conserver ces sociétés partenaires ou non d'intérêts locaux. Sur les 2 000 entreprises du secteur, 800 sont d'origine étrangère, ce qui est considérable. Le poids de la France, en particulier, est significatif : sont recensées plus de 470 sociétés à participation française, employant quelque 41 000 personnes, soit 17 % de l'effectif global. Le stock d'investissements français est de l'ordre de 147 millions d'euros.
Pour sauver ce qui peut encore être sauvé, l'habillement tunisien doit s'orienter dans trois directions. D'abord, améliorer sa productivité, qui est aujourd'hui inférieure de 25 % à 30 % à celle de l'Europe : la marge de manoeuvre est donc conséquente. Ensuite, trouver des sources d'approvisionnement meilleur marché. À cet égard, le fil de la contrainte - usage exclusif de produits européens ou tunisiens - a été entamé pour la première fois à Palerme en juillet 2003, lors d'une réunion des pays riverains de la Méditerranée dans le cadre de l'initiative de coopération Euromed. Dans la cité italienne, « le cumul diagonal de L'origine », c'est-à-dire l'emploi d'un tissu d'un pays du processus Euromed, a été autorisé, laissant ainsi la voie libre à des associations entre Etats de la rive sud. Le premier à tirer sur la pelote a été le Maroc, qui a signé un accord avec la Turquie en 2003, imité un an après par la Tunisie avec cette même nation (28 septembre 2004).
« Une mission turque vient ce mois-ci en Tunisie pour vendre du tissu et trouver des partenaires locaux. Pour les Turcs, l'intérêt de ce pays est double, souligne Jean-François Limantour. D'une part, opérer des confectionneurs, offrant des coûts production de 15 % inférieurs aux leurs. D'autre part, capter des marchés européens autres que l'Allemagne, comme la France et l'Italie qui absorbent traditionnellement les deux tiers des expéditions tunisiennes. »
Enfin, troisième axe de développement, l'habillement tunisien doit évoluer vers la cotraitance et l'offre de produits finis à plus forte valeur ajoutée. C'est un enjeu majeur du plan pluriannuel en faveur de la création et de l'innovation dans le textile, décidé par les ministres du Commerce du processus Euromed, le 28 septembre dernier à Tunis. Avec, notamment, dans la capitale tunisienne, la création d'un centre de technologies avancées de la mode. Pour ne pas rester prisonnier de la toile d'araignée de la mondialisation, il faut tisser soi-même son avenir. Pour la Tunisie, il n'est que trop temps.
(Source : LE MOCI N°1677 - 18-24 Novembre 2004) Site web : http://www.lemoci.com