Les enjeux de la mondialisation, fondée sur l'organisation de la compétition, l'automatisation massive des activités économiques et la commercialisation des objets nomades, la politique européenne de partenariat puis de voisinage et, tout récemment, le lancement du projet d'Union Pour la Méditerranée(UPM), sont en train de remettre en cause, un peu partout dans le monde et plus précisément au niveau du Bassin méditerranéen bien des principes de gouvernement et de gouvernance. La Tunisie, depuis longtemps ouverte au grand large, inscrite, en raison d'un positionnement géopolitique incontournable, aux flux des idées et des biens de tout ordre marchand planétaire en gestation, est actuellement confrontée, à nouveau, aux défis de l'élargissement spatial de son économie, à de nouvelles règles de jeu dans les échanges commerciaux et à des donnes institutionnelles avant-gardistes, ce qui nécessite, pour les pouvoirs publics, la société civile et l'ensemble de l'élite du pays, un surcroît d'efforts pour renforcer la compétitivité du site Tunisie auprès des investisseurs internationaux, atténuer les tensions sociales, suite au retrait progressif de l'Etat-providence, modérer les besoins d'une population entrée de plain-pied dans le consumérisme et assurer la cohésion, la prospérité des classes moyennes, socle sociétal d'envergure pour la stabilité du pays. Après les différents accords -de partenariat, d'association, de libre-échange- signés avec l'Union européenne, l'adhésion aux principes de l'Organisation mondiale du commerce et la Mise à niveau progressive du tissu industriel national, des ressources humaines, des infrastructures du pays et du secteur financier, comment se positionne la Tunisie, d'après les principaux organismes de veille économique et d'aide à la décision en Occident, en termes de «risques pays» ? Un assez bon risque dans un environnement fragile Bon élève du FMI, la Tunisie demeure assez bien placée par rapport à ses voisins, ses partenaires et ses concurrents. C'est le seul pays arabe objet d'une notation de la part des trois principales agences internationales (la japonaise JBRI, l'américaine Moody's et l'européenne IBCA) qui lui ont attribué le statut de pays émergent avec toutefois des notes moyennes (Baaa3 selon Moody, BBB selon IBCA). Cependant, la Coface française a longtemps positionné la Tunisie en A4 à court terme (c'est-à-dire en probabilité de défaut de paiement assez modéré) et vient de la rehausser, récemment, en l'assortissant d'une surveillance positive (A4+), ce qui laisserait entrevoir, sauf involution, un passage prochain en niveau A3. Ce relatif bon score ne doit pas masquer un positionnement nettement moins avantageux par rapport à des concurrents situés en Europe centrale et une dépréciation relative dans les dix dernières années. En effet, d'après ces organismes de veille, la Tunisie était, au tournant du millénaire, quant à l'appréciation du risque, dans la même classe que la Slovaquie et l'Estonie, nettement surclassée par la Hongrie et la Slovénie, et légèrement distancée par la Pologne et la Tchéquie. Au total, dans le grand arc à la périphérie de l'Union européenne, cinq pays (Slovénie, Hongrie, Tchéquie, Pologne, les Emirats Arabes Unis) dont un seul est méditerranéen, la Slovénie, étaient exposés à des risques faibles. En deuxième ligne, dix pays présentaient un assez bon risque : deux en Europe centrale et orientale (Estonie, Slovaquie), deux micro-Etats insulaires en Méditerranée (Malte, Chypre), cinq pays arabes (Tunisie, Arabie Saoudite, Qatar, Bahrein, Koweit).Israël, artificiellement tiré vers le haut en raison du soutien politique et financier sans limites des Etats-Unis et de la diaspora, clôture la liste de cette catégorie, une entité plutôt inclassable. Quoique demeurant en tête des pays arabo-islamiques des rives sud et est de la Méditerranée, les performances de la Tunisie ne l'ont pas empêchée d'être rattrapée et dépassée par des pays d'Europe centrale et orientale partis de plus bas (Roumanie, Bulgarie, Croatie, Slovaquie, Lettonie, Lituanie) et l'écart avec le Maroc et l'Algérie se réduit de plus en plus puisque le royaume chérifien accentue ses réformes structurelles alors que le voisin de l'est a entamé une libéralisation progressive de son économie. Finalement, à l'ombre d'une crise financière internationale aiguë et du redéploiement ininterrompu du capital nomade, les avantages comparatifs de la Tunisie sont l'objet d'une concurrence impitoyable dans la sphère méditerranéenne. Cela dit, les organismes de veille en Occident insistent sur l'assise du pays et la temporalité des réformes engagées face à des challengers qui viennent à peine d'apparaître sur la scène. Pour certains analystes, les avantages acquis de la Tunisie et la qualité de son identité nationale, trempée depuis des millénaires dans l'art du négoce et du compromis, vont la maintenir encore aujourd'hui en «pôle position» des Méditerranéens non UE. Mais il lui faudra, concluent-ils, un sursaut pour se maintenir à cette place enviée mais délicate.