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L'entrepreneuriat tunisien reste très dépendant des initiatives institutionnelles (1/2)
Publié dans WMC actualités le 01 - 09 - 2009

Webmanagercenter : Quel contexte vous a inspiré pour écrire ce livre ?
Rabah NABLI: Depuis les années 1970, les Tunisiens investissent de plus en plus leurs capitaux dans des entreprises personnelles ou familiales. Le nombre de ceux qui ont préféré s'installer pour leur propre compte est passé de 525.800 en 1994 à 575.900 en 2004, soit 20,3% de la population active. Ce secteur revêt de plus en plus d'importance. Il fait travailler aujourd'hui plus de 40% de la population active.
La volonté de réaliser des profits constitue, certes, une des motivations principales de ces entrepreneurs. Cependant, cette motivation ne peut constituer un résultat cherché pour lui-même. L'entrepreneuriat apparaît dans ce contexte beaucoup moins comme une affaire d'argent ou de spécialistes en gestion ou en génie mécanique que comme une affaire de compétition sociale.
On est en droit de se demander, quel rôle pourront jouer ces entrepreneurs dans le postulat d'une réforme culturelle et politique visant à établir une symbiose entre vie politique et vie sociale tout en sauvegardant les intérêts de tous les acteurs sociaux en présence ?
L'entrepreneuriat tunisien qui évolue aujourd'hui, dans un contexte, radicalement nouveau, marqué surtout par l'aiguisement de la concurrence économique et de la compétition sociale, tant sur le plan national que sur le plan international, serait-il en mesure de relever le défi, de faire face à la mondialisation, en prenant des risques sur le terrain de la construction économique, en dépit de ses faiblesses structurelles ? Est-il question d'un acteur social autonome ; ou tout simplement un ensemble hétéroclite d'hommes d'affaires qui acceptent passivement les initiatives économiques décidées pour eux par la bourgeoisie métropolitaine avec la connivence de l'Etat local ?
Quel regard porte la société sur les entrepreneurs tunisiens?
L'entrepreneur est considéré comme une figure phare de la croissance économique. Les observateurs sont unanimes à considérer que c'est grâce au rôle indéniablement positif joué par le secteur privé dans la création d'emplois et dans l'investissement des capitaux, que l'image de l'entrepreneuriat s'est transformée. Dans d'autres sociétés du Tiers-monde, l'entrepreneuriat est encore dénigré par le discours officiel.
En Tunisie, l'entrepreneur est de plus en plus considéré comme le nouvel acteur du développement économique. Aujourd'hui, les hommes d'affaires bénéficient du soutien de la presse nationale et des organisations officielles comme l'Agence de promotion de l'industrie (l'API) qui ne cessent d'organiser des séminaires et des forums à leur attention, sur la politique économique à prôner. La reconnaissance du rôle positif joué par le secteur privé les a encouragés à défendre, parfois, leurs intérêts à haute voix.
Nous croyons qu'il est aisé d'affirmer, d'ores et déjà, non seulement le caractère non parasitaire des entrepreneurs tunisiens, quelle que soit leur région d'origine, mais aussi leur capacité à accroître leur autonomie relative, à l'endroit de l'Etat, surtout en matière d'économie.
Néanmoins, nous ne croyons pas qu'il soit si aisé pour ces entrepreneurs de se constituer aujourd'hui, en véritable acteur social disposant de suffisamment de poids pour s'ériger en une force de propositions.
Les résultats de cette étude nous ont conduit à reconnaître aux entrepreneurs tunisiens leur dynamisme, mais force est de constater qu'ils sont, pour la plupart, traditionalistes voire régionalistes. Effectivement, aucune preuve jusqu'ici de solidarité collective ; ils continuent d'agir en fonction de leur appartenance régionale. Cette solidarité régionale pourrait être interprétée comme étant un vestige d'un type d'interactions et de rapports sociaux traditionnels.
(Pavé) «L'entrepreneuriat tunisien est très dépendant des initiatives institutionnelles et politico-économiques»
Certains pensent que l'entrepreneur tunisien est redevable à l'Etat qui n'a eu de cesse de soutenir la "tunisification" de l'économie du pays au lendemain de l'indépendance. Bien des années après, nombreuses entreprises sont «famexées» ou «fodoprodexées». L'entrepreneuriat tunisien est-il plus gâté qu'ailleurs?
Oui, vous avez en partie raison: les entrepreneurs tunisiens sont, pour la plupart, trop dépendants de l'Etat. Celui-ci semble avoir aidé largement à l'émergence de ces entrepreneurs, surtout de ceux qui sont issus de la fonction publique. Mais, il se comporte, parfois, comme une source de nuisances.
Les entrepreneurs issus de la fonction publique ont fait leur première apparition au cours des années 70 et 80. Ils continuent d'avoir de bons rapports avec l'administration et beaucoup d'entre eux avouent n'avoir pu engager leurs premières productions que grâce à la complaisance d'un ami, ancien camarade de classe ou ancien collègue, occupant actuellement un poste de commandement au sein de l'entreprise publique où l'entrepreneur concerné avait fait ses premiers pas.
A vrai dire, la technostructure désireuse de conserver tout le pouvoir aurait encouragé de nombreux fonctionnaires à se reconvertir en industriels en leur accordant des dotations remboursables sur 12 ans, avec un délai de grâce de cinq ans, ainsi qu'une aide sous forme de crédit remboursable sur 10 ans et avec un délai de grâce de 3 ans.[1]
En outre, pour donner à ces entrepreneurs plus de chance, l'Etat les a encouragés à prôner une politique de bas salaires. Et aidant à la réalisation d'un tel objectif, il décida en toute logique d'organiser une politique de bas prix agricoles permettant de réduire, pour les besoins de la cause, le coût social de la production industrielle et d'élargir par voie de conséquence la marge bénéficiaire des industriels.
L'Etat a fait aussi de son mieux pour empêcher toute tentative de révolte émanant de la classe ouvrière ou même des fonctionnaires pouvant mettre en danger une telle orientation.[2]
Nous tenons tout de même à faire remarquer que, dans le contexte actuel, et selon notre enquête, ainsi que le témoignage de nombreux observateurs et chercheurs vigilants, nous rencontrons le plus souvent deux cas de figure de ce type d'entrepreneur: soit l'entreprise ferme et investit ailleurs, dans les services, le commerce ou même l'immobilier, soit elle tente de se maintenir en investissant un capital accumulé dans des créneaux lui permettant de pérenniser ses rentes
Le rôle de l'Etat n'a-t-il pas été déterminant dans la construction de l'économie en soutenant les hommes, les villes, ... ?
Absolument, il faudrait à ce titre rappeler que les villes tunisiennes, en particulier celles du littoral, disposent aujourd'hui, grâce aux efforts déployés par l'Etat, de toutes les conditions générales facilitant la production capitaliste : aménagement de zones industrielles et vente de lots aux industriels à des prix dérisoires ; infrastructure routière et ferroviaire viable ; moyens de transport public pour faciliter les déplacements des ouvriers ; moyens de communication et d'information ultramodernes et Centres de formation professionnelle bien équipés.
Au cours des deux premières décennies (les années 60 et 70), l'Etat n'avait alors épargné aucun effort pour protéger cette industrie naissante : interdiction formelle d'importer de l'étranger tout article produit localement, déduction totale ou partielle des bénéfices et revenus réinvestis au sein même de l'entreprise ou dans les entreprises tierces avec incorporation des réserves, participation de l'Etat aux dépenses d'infrastructures, réduction des taxes sur les biens d'équipement importés, etc.
Un peu plus tard, ces entrepreneurs auraient profité également du programme de privatisation entamé depuis le milieu des années 80. A la faveur de ce programme, l'Etat leur avait cédé des entreprises publiques considérées en difficulté... Et puis les nouveaux propriétaires des entreprises ainsi cédées pouvaient bénéficier de l'exonération de l'impôt sur ces sociétés pendant cinq ans. Les entreprises privatisées qui avaient des activités industrielles tournées vers l'exportation bénéficiaient d'une exonération d'une durée de dix ans. De surcroît, des crédits octroyés à tous ceux qui étaient désignés pour prendre ces entreprises.
Il en résulte, malheureusement, un entrepreneuriat très dépendant des initiatives institutionnelles et politico-économiques. Un entrepreneuriat dont l'avenir semble dépendre un peu trop de l'étendu et de la solidité de ses relations politiques.
Force est de constater cependant que la réalité courante de l'entrepreneuriat tunisien ne semble pas être toujours ainsi. Le contact avec certains entrepreneurs nous a révélé que les fortunes de certains entrepreneurs comme: les Ben Yedder, les Ben Ayed, les Sallami, les Chérif, les Bouricha, les M'zabi, les Ben Ammar, les Ben Sédrine, les Mlouka, les Hamrouni, les Bayahi et bien d'autres étaient liées à des secteurs n'ayant aucune relation privilégiée avec l'Etat.
Dans votre livre, vous insistez sur la forte disparité des parcours d'entrepreneurs, dans notre pays. Quelles en sont les raisons? Qu'est-ce qui a été le plus déterminant?
En Tunisie, les parcours sociaux et économiques des entrepreneurs privés, qu'ils soient de sexe féminin ou masculin, se caractérisent par la grande diversité. Cela s'explique non seulement par les contingences qui ont présidé à la formation des différents éléments de cet acteur social, mais aussi par les stratégies que les membres de ce groupe ont adoptées pour réussir et conquérir des positions d'influence. Ces stratégies qui semblent reposer sur la mobilisation d'un capital et d'un ensemble d'atouts.
Dans le contexte tunisien, ce capital se manifeste généralement sous la forme d'un savoir-faire, de revenu provenant d'une activité commerciale, d'une rente foncière, d'une fonction bureaucratique et politique, et d'une formation intellectuelle. Quant aux atouts que les acteurs économiques peuvent faire valoir, et mobiliser, ils sont de divers ordres. Disons, succinctement, qu'ils peuvent aller de la qualité des expériences sociales vécues par ceux-ci, jusqu'à l'entretien de relations et de contacts avec des personnes d'influence ou plus généralement avec des personnes qui peuvent servir.
Ceci dit, il est vrai que le processus d'entrepreneuriat est ici envisagé comme étant un processus spécifique à une société et à une culture. Mais, c'est aussi un fait socialement construit et investi par des affects et des cognitions, des interactions et des règles, une mémoire et un futur, des routines antérieures et surtout des apprentissages en cours. Par conséquent, il n'y a pas de place dans cette conception des choses au déterminisme absolu.
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