Le risque existe, d'autant plus que l'Etat hellénique n'est pas un cas isolé, la contagion peut toucher l'Italie, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande et même la Grande Bretagne qui ne fait pas partie de la zone euro et faire tache de huile sur toute l'Europe : «Si le risque de "double dip" et qui se traduit par une rechute de l'économie européenne après qu'elle a commencé à se remettre d'une première crise qui l'a vulnérabilisée se réalise, le scénario d'une grande dépression serait probable, ce qui, bien entendu, se répercuterait négativement sur un pays comme la Tunisie dont près de 80% des échanges commerciaux se font avec l'Europe», assure M. Saïdane. Nos pays devraient d'ores et déjà envisager une stratégie de riposte pour faire face à cette éventualité. Pour Moncef Cheikhrouhou, le développement des échanges commerciaux entre les pays maghrébins pourrait représenter une alternative à une régression des échanges avec l'Europe. Toutefois, certains experts ne l'entendent pas de cette oreille car le Maghreb ne serait pas une réponse rapide à une deuxième crise économique cette fois-ci européenne. La solution maghrébine n'est pas envisageable pour tout de suite car le processus d'intégration économique des 5 pays du Nord de l'Afrique en a encore pour des années : «Je pense que pour un pays comme la Tunisie, la reprise des négociations pour le développement des échanges commerciaux avec les Etats-Unis, le renforcement des relations commerciales avec les pays asiatiques ainsi qu'avec l'Afrique subsaharienne et la redynamisation du marché intérieur pourraient représenter des réponses plus appropriées pour une possible sortie de crise au cas où elle aurait lieu». Dominique Strauss-Kahn, DG du FMI est loin du scénario catastrophe, il estime, pour sa part, qu'il est peu probable que la crise de la dette grecque se propage à d'autres pays de la zone euro connaissant également des déficits publics élevés. Dérapages et chiffres erronés La Grèce, rappelons-le, a dérapé au niveau de son déficit budgétaire de 12,75% et a induit l'Union européenne en erreur en déclarant des chiffres inexacts. Avec une dette extérieure qui excède les 40O milliards d'euros et représente 130 % de son PNB, elle a franchi les limites autorisées par les normes européennes mentionnées par le Traité de Maastricht et sur lesquelles les Etats signataires se sont entendus. Rappelons que dans le traité en question, le seuil du déficit budgétaire ne doit pas outrepasser les 3% et ne doit pas atteindre les 60% du PNB. Le dérapage grec pourrait coûter cher à une Europe fragilisée par la crise financière et économique et qui a exigé de grands efforts pour la contenir et stabiliser les économies respectives. Les fonds spéculatifs (hedge funds) sont, à leur habitude, à l'affût pour récupérer les dettes publiques, ce qui a poussé le Premier ministre grecque George Papandreou avec ses pairs européens à réclamer des mesures pour mettre fin aux abus de marché. Le Soros Fund Management LLC, du célèbre milliardaire américain George Soros qui s'est enrichi grâce aux hedge funds, voit en la baisse de la valeur de l'euro des opportunités pour empocher d'énormes gains. M. Soros a récemment déclaré sur le Financial Times que «la crise budgétaire grecque mettait en évidence les failles de la zone euro et devait la pousser à se réformer pour être en mesure de surmonter la prochaine crise». George Soros n'en est pas à sa première opération spéculative, en 1992, il en avait réalisé une opération très lucrative en spéculant contre la livre sterling, ce qui avait forcé son retrait du système monétaire européen. La crise grecque met à nu les faiblesses structurelles de l'euro, explique Ezzeddine Saïdane, car face à la monnaie qui représente un attribut de la souveraineté d'un pays, il n'y a pas d'Etat européen unique et par conséquent, il n y a pas de trésor européen unique, les dérapages sont donc possibles et la correction des excès devient impérative. Il est approuvé par d'autres experts, dont ceux qui estiment que l'absence d'une solidarité financière en Europe amène les marchés à spéculer sur les pays au lieu des monnaies. Azzam Mahjoub, macro-économiste tunisien, estime que l'Europe ne laissera pas la Grèce sombrer, elle exigera des réajustements, poussera le gouvernement à prendre des mesures plus rigoureuses pour réduire la dette publique et comprimer les dépenses mais elle sera solidaire car la faillite du pays, entraînerait l'ensemble de l'union monétaire dans sa chute. En attendant, l'interventionnisme des institutions européennes en Grèce est de plus en plus perceptible avec des exigences de gel des salaires publics, la suppression des primes, la réduction de 20% des salaires dans le secteur public et autres mesures plus sévères les unes que les autres. Pour certains observateurs, la Grèce est un pays souverain mis sous tutelle par des institutions européennes qui n'ont ni la légitimité du vote populaire ni celle des traités signés. Une première dans l'histoire de l'Union européenne qui se sent aujourd'hui obligée de créer l'équivalent d'un Fonds monétaire à l'échelle européenne pour tenter d'apporter des solutions à ce genre de difficultés.