DUBLIN/LONDRES (Reuters) — L'Irlande n'entend pas modifier en profondeur son plan d'austérité de quatre ans en contrepartie du plan de sauvetage que l'UE et le Fonds monétaire international (FMI) ont commencé à élaborer et auquel les marchés réagissaient prudemment hier. L'Union européenne (UE) et le FMI ont accepté dimanche soir de fournir un soutien financier à l'Irlande sous la forme de prêts afin de soutenir son secteur bancaire et préserver la stabilité financière du pays. Jean-Claude Juncker, qui préside les réunions mensuelles des ministres des Finances de la zone euro, a déclaré que l'aide, dont le montant reste sujet à discussions, pourrait faire l'objet d'un premier versement en janvier. Après avoir ouvert en hausse à la suite du soulagement des investisseurs de voir un plan de sauvetage, la plupart des Bourses européennes reculaient de plus de 0,5% en début d'après-midi, les craintes de contagion des difficultés irlandaises restant vives. L'euro a suivi la même courbe que les places boursières : après avoir atteint un plus haut d'une semaine, à 1,3786 dollar, face au billet vert, plus tôt dans la journée, il est reparti à la baisse, notamment plombé par les déclarations d'un élu indépendant disant qu'il ne voterait pas le budget 2011, première étape du plan d'austérité. Le gouvernement irlandais, dont la majorité a été réduite à la portion congrue, a besoin du soutien des partis indépendants pour faire passer son budget. Les économistes doutent que le deuxième plan de sauvetage en six mois d'un pays de la zone euro - après celui accordé à la Grèce - suffise à préserver le Portugal de la pression des marchés ou à empêcher les Etats plus endettés de se retrouver en défaut de paiement à terme. L'agence de notation Moody's a en outre jugé hier que le sauvetage de l'Irlande réglerait les problèmes des banques à court terme mais qu'elle se répercuterait sur la note de Dublin. Plan d'austérité de 15 milliards Les responsables de la zone euro se voulaient pourtant optimistes hier. «Selon nous, le premier versement pourrait se faire dans le courant janvier», a dit Jean-Claude Juncker. Des responsables européens et du FMI ont commencé à élaborer ce plan étalé sur trois ans, qui devrait, selon des sources européennes, atteindre 80 à 90 milliards d'euros. Dans le même temps, le gouvernement irlandais finalisait son plan d'austérité de 15 milliards d'euros sur quatre ans, dont les détails doivent être dévoilés mercredi. Le Premier ministre, Brian Cowen, a précisé qu'il devrait consister en dix milliards d'économies budgétaires et cinq milliards de hausse d'impôts. Les mesures d'austérité, dont l'annonce dès octobre n'a pas empêché l'envolée des coûts d'emprunt, comprendront une nouvelle taxe foncière, une baisse des prestations sociales et du salaire minimum et des suppressions de poste dans la fonction publique. Lors d'une conférence de presse, le ministre irlandais des Finances Brian Lenihan a affirmé que l'UE et le FMI avaient pris connaissance des grandes lignes du projet, et ne devraient pas demander de modifications notables. Le gouvernement entend en outre maintenir l'impôt sur les sociétés à 12,5%, un taux particulièrement bas qui a favorisé l'investissement étranger mais irrite beaucoup de pays européens, qui dénoncent un «dumping fiscal». Risque de contagion Si le plan d'aide à Dublin devrait être inférieur à celui de 110 milliards octroyé en mai à la Grèce, il sera plus conséquent en regard du PIB irlandais et du revenu par habitant. Outre le sauvetage d'un pays en proie au plus gros déficit budgétaire de la zone euro et de son système bancaire, il a pour objectif d'éviter une contagion de la crise à d'autres pays de la zone euro, notamment le Portugal ou l'Espagne. Jean-Claude Juncker a cependant dit ne pas percevoir de risque de contagion des difficultés irlandaises. «Le fait que nous réglions le cas irlandais montre que nous prenons la stabilité financière et la cohésion de la zone euro très au sérieux», a-t-il dit. Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schauble, a lui aussi minimisé ce risque, sur l'antenne de la ZDF: «Si nous trouvons maintenant la bonne réponse au problème irlandais, nous aurons de grandes chances d'éviter des effets de contagion». L'Allemagne considère que le filet de sécurité européen ne peut être pérennisé que s'il s'accompagne d'un mécanisme de restructuration des dettes des Etats, qui impliquerait un partage de la charge entre les secteurs publics et privés. Mais des ministres européens expliquent que ce dispositif ne concernerait pas la dette existante, ce qu'un investisseur sur les marchés d'obligation déplore: «Nous ne voyons pas comment les plans de sauvetage peuvent marcher sans réduction de la dette». Un programme de restructuration des banques irlandaises, pièce maîtresse du plan, est en cours d'élaboration. Brian Lenihan a déclaré à la presse que la taille des banques irlandaises, fragilisées par l'éclatement de la bulle immobilière, serait sensiblement réduite et qu'elles pourraient devoir envisager la cession d'actifs non-essentiels. La Grande-Bretagne, qui n'est pas membre de la zone euro, a annoncé qu'elle proposerait à l'Irlande une aide d'environ sept milliards de livres (8,15 milliards d'euros).