La Tunisie peut-elle se prévaloir d'un environnement propice pour l'édification de la société du savoir ? «Côté infrastructure, nous avons beaucoup investi en réseaux de télécommunication et Internet. Durant les cinq dernières années, la densité téléphonique, les débits, la qualité de services et la diversité des technologies proposées ont évolué de manière remarquable. Les tarifs ont eux aussi baissé et à maintes reprises. Il est bien évident que l'effort devra continuer pour démultiplier les e-services, promouvoir la qualité des prestations offertes par les services publics, les structures d'appui, le secteur financier et les opérateurs économiques et développer tout un secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC). Les services des télécoms et d'Internet devront véhiculer l'industrie du savoir, motivés par des objectifs de développement et une meilleure compétitivité de notre économie. Côté environnement juridique et réglementaire du secteur des TIC, la Tunisie a été pionnière notamment en matière de signature électronique, de certification électronique, de commerce électronique, de paiement électronique, de régulation et de sécurité. Les structures adéquates ont été créées à cet effet. Le code des investissements et les incitations spécifiques à l'investissement dans le secteur sont fort attrayants. Des efforts complémentaires devront être consentis du côté des procédures et des bonnes pratiques pour stimuler les investissements, rentabiliser nos projets et développer notre compétitivité. Un modèle basé sur la gestion par objectif et un meilleur partenariat public-privé, généralisé au niveau national et institutionnel, contribuera certainement à l'émergence d'une industrie du savoir au service du développement. Le Parc des Télécoms d'El-Gazala a été une grande réussite. Les projets de parc en cours de réalisation devront garantir l'infrastructure nécessaire favorisant l'hébergement des pousses, le partenariat et les pôles de compétences. Côté formation, l'enseignement des TIC a été généralisé à toutes les filières. Certains contenus sont désormais accessibles via le Net. D'autres sont en chantier. 10% des étudiants sont inscrits dans les filières des TIC. L'effort devra continuer motivé par des impératifs d'efficience et d'ouverture sur l'environnement. Les dispositifs de e-learning contribueront certainement à structurer les contenus, à toucher un public plus large, à étendre le spectre du savoir, à améliorer la qualité du tutorat et à décongestionner les locaux. Les réseaux de recherche scientifique contribueront eux aussi à rapprocher les communautés de chercheurs, à partager le savoir et à développer le partenariat avec l'industrie. Pour y parvenir, les moyens nécessaires devront être mis en uvre en quantité suffisante et à temps. Là encore, il y a matière à développer toute une industrie du contenu. Côté services publics ça grince encore. Pourtant, la volonté politique y est. Les projets de développement ont été bien instruits et les budgets nécessaires ont été alloués. Le nombre d'entreprises privées à forte valeur ajoutée, exerçant dans le secteur des TIC, reste réduit. Le chiffre d'affaires, les exportations, les effectifs du personnel et les ressources financières de ces entreprises sont trop insuffisants eu égard aux impératifs de développement. 70% du chiffre d'affaires local de ces entreprises se fait avec les secteurs d'activité relevant de l'Etat : l'administration, les plus grandes banques, l'électricité, la poste, les télécoms, le transport, l'énergie, Pourtant dans les pays du nord et émergeant, ces mêmes secteurs contribuent à plus de 70% du chiffre d'affaires des entreprises opérant dans le secteur des TIC.» Quels secteurs serviront de levier pour l'industrie des TIC ? «L'informatisation des services publics a essentiellement concerné les fonctions de gestion opérationnelle (ressources humaines, comptabilité, budget, douane, commerce extérieur, taxes, facturation, recouvrement, stocks, le parc, ). Certaines applications méritent une refonte totale eu égard aux objectifs de développement et ce par insuffisances fonctionnelles, technologiques ou d'exploitation. Durant les deux dernières années, beaucoup de sites informationnels, des dispositifs de paiement électronique et des formulaires en ligne ont été mis sur le Web. Des services de l'administration communicante (e-gov) sont en phase d'introduction. Ça reste trop insuffisant, compte tenu de nos objectifs et des indicateurs de positionnement sur le plan international, tels que le nombre de sites, le nombre de pages visités, le volume des transactions électroniques, etc. Au niveau bancaire, la compensation, le back-up et le contrôle des engagements ont été mis en ligne. Certaines banques ont même initié des projets de e-banking. D'autres sont en cours d'instruction. Hormis, les DAB, les services de back et de front office restent insuffisants. Les nouvelles technologies profiteront certainement à ces services au moindre coût. L'informatisation des entreprises du secteur privé a été très disparate. Les grandes entreprises et les groupes privés sont relativement bien informatisés. En plus de fonctions de gestion courante, certains ont mis en uvre des systèmes intégrés de gestion d'entreprise (ERP, CRM). Mais les petites et les moyennes entreprises, qui constituent le plus gros du lot, restent peu informatisées et ce par insuffisance de moyens et par manque d'encadrement. Les entreprises les mieux structurées disposent déjà des petits logiciels de comptabilité et de facturation et d'un point d'accès web. C'est trop insuffisant pour relever les défis de la compétitivité et garantir la pérennité. Dans le cadre du programme de mise à niveau des entreprises industrielles, seulement 13% des investissements immatériels agréés par le COPIL ont été réellement engagés et c'est dommage. A partir d'une certaine taille d'entreprise, associer une SSII au processus de mise à niveau dans les phases de diagnostic et de réalisation, et veiller à ce que les projets se soient réalisés à temps et dans leur globalité, contribuera certainement à développer la compétitivité de nos opérateurs. Engager des projets de portails sectoriels et agir pour que toute entreprise structurée ait une adresse électronique et un site web, même limité à quelques page de présentation générale, profitera d'abord à l'entreprise elle même, à son marché et aux industries du contenu et du logiciel.» Qu'en est-il des SSII tunisiennes ? «Nous comptons 286 SSII, dont 150 réalisant plus de 50% de leur chiffre d'affaires en services. Le nombre d'entreprises et l'emploi sont en mal de croissance, alors que les effectifs inscrits dans les filières des TIC à l'université évolue à deux chiffres ainsi que le nombre des diplômés émis sur le marché. Le nombre de SSII et l'emploi devraient évoluer dans les mêmes proportions. Pour le volet TIC, le Xème Plan a prévu la création de 30.000 postes d'emploi, 1700 MDT d'investissement dont une bonne proportion revenant au secteur privé, porter la contribution du secteur à 7,6% du PIB à l'horizon de 2006, soit autant que le tourisme, et exporter 187 MDT. Les SSII devront investir, développer leurs ressources humaines, exporter et pourvoir des emplois pour contribuer à l'effort national de développement. Dans le secteur public et chez les gros ordonnateurs, les investissements immatériels restent insignifiants. Les SSII devront financer jusqu'à hauteur de 50% des projets contractés avant tout paiement. A l'occasion d'un marché public, la SSII devra mobiliser de l'argent pour justifier des cautions (de soumission, d'avance et de garantie) et supporter les charges de travaux engagés. Comme nos banquiers ne cautionnement pas l'immatériel, même quand il s'agit d'export, les SSII doivent justifier de fonds propres pour garantir l'exploitation. Est-ce viable ? Pourtant, sur les plus grandes places financières et du côté des sicaristes, les titres des entreprises technologiques ont été les plus profitables durant les quinze dernières années. Le secteur des TIC est désormais porteur, la Tunisie gagnera à lifter son environnement pour développer la compétitivité de nos entreprises compte tenu de l'ouverture de notre marché et des impératifs de développement.» À la lumière de ce constat, quelles sont les perspectives des SSII tunisiennes notamment avec l'ouverture des marchés ? «Par les projets, les SSII vont pouvoir gagner en compétence, créer des emplois et investir en marketing et en certification pour pouvoir mieux exporter. Le marché local étant trop exigu, les ressources humaines étant abondantes, nos SSII doivent cibler l'export. Certaines ont bien réussi. D'autres sont en quête de partenaires. Mais le plus gros des troupes manque de moyens ou de compétitivité. Pour gagner en compétitivité, seule une politique volontariste d'émission de projets permettra la relance de tout un secteur. Les projets de développement des systèmes financiers, de l'administration et des opérateurs relevant de l'Etat accusent beaucoup de retard. Du côté des dix plus gros ordonnateurs, il y a de quoi doubler le potentiel des SSII. Les SSII gagneront certainement en compétences, profiteront pour consolider leurs structures, asseoir les normes de qualité, se mettre en réseau et consolider leurs ressources pour garantir une meilleure compétitivité sur les marchés local et international. D'autre part, par la dynamique de réduction des coûts de télécommunications et l'augmentation des débits, le nombre d'internautes évoluera, la demande de e-services décollera, l'industrie du contenu et des logiciels suivra. Il incombe à tous, services publics, structures d'appui, opérateurs privés et SSII de doubler d'effort et d'uvrer en synergie pour réaliser les objectifs du Xème Plan, notamment en matière de qualité de service rendu aux entreprises d'investissement, de création d'entreprise et d'exportation. Le Programme en 21 points pour la Tunisie de demain du Président Ben Ali est largement consacré à la société et à l'économie du savoir. Les professionnels du secteur des TIC y trouvent le cadre idoine pour la relance de leur secteur qui fait partie des richesses nationales. L'emploi étant l'ultime priorité du Président Ben Ali, avec un potentiel de 34 .000 étudiants inscrits dans les filières des TIC, lui-même appelé à croître, le nombre et la taille des entreprises du secteur des TIC devront évoluer à un rythme accéléré, pour créer des emplois, développer les exportations et contribuer à l'effort national de développement. Il incombe à tous de se concerter pour arrêter une stratégie de développement du secteur des TIC, fixer des objectifs et un échéancier pour la réalisation des projets publics déjà identifiés, arrêter des mesures exceptionnelles d'accompagnement et mettre en place une structure de suivi, de veille et de promotion du secteur des TIC. Assigner des objectifs de développement du système d'information aux ordonnateurs contribuera certainement à réduire les risques des procédures, à promouvoir la rentabilité et la qualité des services rendus et à relancer tout un secteur.»