La présente pandémie nous a aidé à prendre conscience et à constater que la partie académique médicale n'était pas préparée et que les agences gouvernementales et les structures hospitalières étaient affaiblies, en général. Ces institutions ont perdu leur maîtrise sur les données médicales, et leur traitement traduisant de la sorte une baisse de la compréhension des maladies et de l'interprétation de ces données de manière indépendante. Ceci s'est aggravé par l'absence de transparence totale des données cliniques avant prescription, avec deux risques majeurs. Le premier risque est représenté par une exagération des bénéfices thérapeutiques du traitement consolidé par diffusion de publications « scientifiques » sans confirmation par les données des essais cliniques (cas de l'oseltamivir lors de la grippe H1N1 en 2009). Le second risque est représenté par une sous-estimation des effets indésirables (cas du vaccin anti-H1N1 (Pandermix® en 2009 qui s'avère avoir généré des problèmes de santé de narcolepsie)[1]. La conjugaison de ces faiblesses était à l'origine du manque de réactivité des institutions sanitaires, au niveau mondial. Les réponses pharmaceutiques à la pandémie de la Covid-19 sont de deux types. Les premières font recours aux médicaments pour tuer le virus SRAS-CoV-2 ou le contrôler à des niveaux bas, ou à traiter les symptômes polymorphes, de manière à ne pas déclencher ses formes pathologiques graves. Les secondes, créent une immunisation artificielle à travers la vaccination. Les personnes malades sont psychologiquement préparées, pour accepter le risque de se vacciner, alors que les personnes saines souhaitent préserver leur état de santé. Quel que soit le degré de sécurité réalisé lors de la vaccination, la survenue d'accidents et d'erreurs médicales est inévitable. Le savoir nécessaire à une décision pertinente concernant la vaccination, qu'elle soit générale (tous les vaccins) ou spécifique (anti-Covid-19), peut être inadéquat ou insuffisant en particulier, si l'on prend en considération le poids des droits de propriété intellectuelle représentés principalement par les brevets et les secrets d'affaires qui sont des droits octroyés au titulaire de ces droits lui permettant d'exclure les tierces parties d'exploiter et d'avoir accès aux données cliniques et aux résultats des essais cliniques. Ceci crée une situation de monopole, une asymétrie informationnelle et une position d'abus de droits[2]. Depuis le début de la pandémie, les connaissances de la Covid-19 se sont multipliées, mais demeurent incertaines. Cette incertitude scientifique est le produit de plusieurs facteurs. Le premier facteur est la protection des données cliniques et statistiques relatives à la Covid-19, ce qui limite l'accès et exclue les chercheurs indépendants qui pourraient vérifier la fiabilité de ces données. Le deuxième facteur potentialise le premier, il est relatif à l'abus d'usage des droits de propriété intellectuelle en temps de crise pandémique. Ce qui est éthiquement non-acceptable. Le troisième facteur, matérialise les limites du processus de publication admis et validé par les paires en temps normal, et son inadaptation à la publication en situation d'urgence pandémique.
Les médicaments candidats : Les médicaments sont destinés à des personnes ayant contracté la Covid-19. Le NIH (National Institute Of Health, USA) a établi un guideline[3] (dernière mise à jour 1/9/2020) du traitement de la Covid-19. Il en a recensé 21 médicaments :
Tableau n°1 : Les médicaments anti-Covid-19 Nombre de médicaments 2 2 12 2 3 Utilisation Large Evidence prometteuse Tentative d'évidence ou évidence mitigée Non prometteuse Pseudo-science ou fraude
La polémique scientifique qui caractérise les traitements bloquant le virus comme l'hydroxychloroquine, le remdésivir, le faviravir, l'ivermectine, le lopinavir et ritonavir nous empêche d'exprimer une quelconque position en raison de l'incertitude scientifique. La Tunisie, a opté pour l'utilisation de l'hydroxychloroquine puisque la PCT a constitué un stock de sécurité et la DPM a autorisé deux laboratoires locaux à la fabriquer. Les médicaments mimant le système immunitaire comme le plasma de convalescents, ou les anticorps monoclonaux et les interférons, présentent une évidence scientifique mitigée et nécessitent une consolidation et plus d'investigation. Quant aux médicaments qui permettent de contrôler l'orage inflammatoire comme les inhibiteurs de la cytokine, la dialyse et les cellules souches, présentent des résultats mitigés. Seule la dexaméthasone présente une évidence scientifique prometteuse. D'autres médicaments et dispositifs médicaux (respirateurs artificiels, oxymètres) sont autorisés et largement utilisés en urgence. En revanche, des comportements erronés à ne pas faire, comme l'ingestion et l'injection de produits désinfectants ont été enregistrés. Les vaccins candidats : Les vaccins sont destinés aux personnes n'ayant pas encore contracté la Covid-19. La concurrence internationale pour l'élaboration de vaccins concerne plus de 100 candidats vaccins contre la Covid-19 dont l'objectif est de produire artificiellement chez l'Homme des anticorps sans causer la maladie. Une majorité de ces vaccins candidats, cible la Protéine S (Spike Protein) qui couvre la surface du virus SRAS-CoV-2 et l'aide à envahir les cellules humaines. Ces vaccins doivent développer une réponse immunitaire dirigée contre cette protéine S. Ce qui empêcherait l'infection par le virus. Un aspect relatif à l'instabilité inhérente aux virus à ARN comme celui de la grippe, nous oblige à plus de réflexion quant aux droits des patients, à la responsabilité médicale des professionnels de santé et à l'utilité des sommes d'argent à engager pour l'achat de tels vaccins, en l'absence du recul scientifique nécessaire.
Tableau n°2 : Résumé de l'évolution des vaccins anti-Covid-19 candidats Différentes phases Phase 1 Phase 2 Phase 3 Phase limitée Approuvé Nombre de vaccins candidats 23 14 9 3 0 Etape Test de sécurité et de dosage des vaccins Vaccins en cours d'extension des essais cliniques Test d'efficacité à large échelle Vaccins approuvés pour utilisation urgente ou limitée Vaccins autorisés pour utilisation complète Source[4] : Jonathan Corum, Denise Grady, Sui-Lee Wee and Carl Zimmer Updated August 31, 2020. VACCIN Partie utilisée Virus Entier Vaccin génétique Vecteur Viral Base Protéique Vaccin Recombinant Inactivé Vivant atténué ADN ARN Adénovirus qui ne se répliquent pas Protéine de coronavirus Fragment de protéine
Protéine
Réponse immunitaire ARNm/Protéine « S »
Vaccins particules contenant des parties de protéines virales
Vaccins vétérinaires MERS Vaccin antirabique HIV, Ebola Produit l'immunité mais ne produit pas la maladie, HPV
Phase de recherche Phase 3 Phase 1 Phase 1 & 2 Phase 2 et Phase 3 Phase 3 (Vaccin russe autorisé pour usage urgent) Phase 2
Laboratoires Sinovac Biotech, Wuhan Institute of Biological Products Institut Pasteur, Merck Anges, Zudus Cadila, Osaka University, Takara Bio MODERNA, PFIZER& BioNTech, NIH, CureVac J&j, CanSinoBio, University of Oxford Gamaleya Research Institute (Russie), Reithera ZFSW, Institute Zhifei Longcom & Chinese Academy of Medical Sciences, Novavax (Phase1)
[1] Raymond M. Johnson, Peter Doshi, et David Healy, « Covid-19: Should Doctors Recommend Treatments and Vaccines When Full Data Are Not Publicly Available? », BMJ 370 (24 août 2020), https://doi.org/10.1136/bmj.m3260. [2] 34 Procureurs généraux ont appelé à ne pas reconnaitre le monopole de Gilead sur le Remdesivir en lançant une fabrication hors brevet plus connue sous le nom de licence obligatoire. [3] https://www.covid19treatmentguidelines.nih.gov/whats-new/ [4] https://www.nytimes.com/interactive/2020/science/coronavirus-vaccine-tracker.html?fbclid=IwAR0LrXXCfJuXG71ZeRE5ksD1LC_aqPWIVGPFt18wYh5fH563tTemBHxrpZI