Chaque année, le mois de Ramadan est rythmé en Tunisie par le flot de feuilletons ramadanesques attendus avec impatience par des spectateurs assoiffés de productions locales. Si les sujets et les œuvres deviennent l'espace de quelques jours au centre des préoccupations d'une bonne frange de la population, et alimentent largement les discussions et débats sur les réseaux sociaux, c'est qu'ils dépeignent assez fidèlement une réalité qu'il est, selon certains, normal de montrer et que d'autres préfèrent éluder tout en continuant à regarder les feuilletons pour s'en offusquer davantage.
Depuis deux jours, le débat tourne autour d'une scène de viol dans l'une des œuvres à succès de cette dernière cuvée. Dans cette scène, la femme qui se fait violer par son amant ne fait aucune réaction et se rhabille avant de partir sans faire de vagues.
Beaucoup d'internautes ont crié au scandale, estimant qu'une telle scène pourrait normaliser le viol et qu'il est inadmissible de montrer de tels comportements à la télévision. Bien évidemment critiquer une œuvre de fiction pour son contenu reste toujours sujet à débat et surtout très subjectif mais le clou du spectacle a été la réaction de l'actrice qui a joué la scène et sa réponse surprenante au micro de la radio IFM.
Fatma Bartakis de son nom a choqué la toile et les militantes féministes par des propos pour le moins révoltants. Interrogée sur les critiques engendrées par la scène de viol qu'elle joue dans « El Foundou », la jeune actrice a estimé que la réaction de son personnage était axée sur son regard, qu'elle était choquée et que le viol n'a rien de réellement anormal dans cette scène vu que les personnages ont déjà eu des « relations hors mariage » et « ont déjà fait ça avant ».
Ces propos scandaleux n'ont pas tardé à susciter la colère de nombreuses militantes qui réagissent sur la toile depuis deux jours pour s'indigner d'abord devant une telle « bêtise » et pour rappeler ce qu'est un viol afin d'éclairer les lanternes de notre jeune génération.
Pour participer à cet effort pédagogique nécessaire, nous avons choisi de citer la définition du viol par l'OMS :
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit la violence sexuelle comme suit : « Tout acte sexuel, tentative pour obtenir un acte sexuel, commentaire ou avances de nature sexuelle, ou actes visant à un trafic ou autrement dirigés contre la sexualité d'une personne en utilisant la coercition, commis par une personne indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte, y compris, mais sans s'y limiter, le foyer et le travail ». La coercition peut inclure : le recours à la force à divers degrés, l'intimidation psychologique, le chantage, les menaces (de blessures corporelles ou de ne pas obtenir un emploi/une bonne note à un examen, etc.).
La violence sexuelle peut également survenir lorsque la personne agressée est dans l'incapacité de donner son consentement – parce qu'elle est ivre, droguée, endormie ou atteinte d'incapacité mentale, par exemple. La définition de l'OMS est assez large, mais il existe des définitions plus restrictives. Par exemple, aux fins de recherche, certaines définitions de la violence sexuelle sont limitées aux actes qui font intervenir la force ou la menace de violence physique. L'Etude multipays de l'OMS a défini la violence sexuelle comme étant des actes par lesquels une femme : a été physiquement forcée à avoir des rapports sexuels contre sa volonté ; a eu des rapports sexuels contre sa volonté parce qu'elle avait peur de ce que pourrait faire son partenaire ; a été contrainte à une pratique sexuelle qu'elle trouvait dégradante ou humiliante.
La violence sexuelle comprend notamment, mais pas seulement : le viol conjugal ou commis par un petit ami ; le viol commis par des étrangers ou des connaissances ; les avances sexuelles importunes ou le harcèlement sexuel (à l'école, au travail, etc.) ; le viol systématique, l'esclavage sexuel et d'autres formes de violence particulièrement répandues lors des conflits armés (par ex., la grossesse forcée) ; la violence sexuelle à l'encontre des personnes handicapées physiques ou mentales ; le viol et les sévices sexuels infligés aux enfants ; les formes dites « coutumières » de violence sexuelle, telles que le mariage ou la cohabitation forcés ou la coutume de l'héritage de l'épouse.
Il est à noter que les chiffres annoncés dans les études menées sur le sujet sont bien en deçà de la réalité dans la mesure où les femmes s'abstiennent de signaler la violence sexuelle dont elles sont victimes à cause de systèmes de soutien inadaptés ; de la honte ; la crainte ou le risque de représailles ; la crainte ou le risque d'être blâmées ou accusées ; la crainte ou le risque de ne pas être crues et la crainte ou le risque d'être maltraitées et/ou d'être rejetées par la société.
Ceci pour dire, pour rappeler plutôt qu'un viol est un viol, que c'est un crime même s'il est commis par un amant, un mari ou peu importe. Sans consentement tout acte sexuel ou à connotation sexuelle est un viol que rien n'explique, ni ne justifie.
Il est inutile de donner des chiffres sur les violences sexuelles en Tunisie, on sait que la justice traite une vingtaine d'affaires d'agressions sexuelles par mois, selon les dernières statistiques citées par des associations, mais que ce chiffre est très loin de correspondre à la réalité.