Paix aux âmes de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi et de tous les martyrs qui ont donné leurs vies pour une Tunisie meilleure. Dans une atmosphère grisâtre et étouffante, la lueur est venue de la décision du conseil de l'ordre judiciaire de suspendre Béchir Akremi et de déférer son affaire devant le ministère public. La justice suivra son cours, tôt ou tard, et il est temps que le cas Béchir Akremi soit examiné avec soin. Cette victoire est le résultat des efforts et de l'abnégation du comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Ennahdha et ses caciques ont tout tenté pour faire taire ce comité. Il a été accusé d'être politisé, de perturber le travail de la justice, d'appartenir à une extrême gauche qui souhaite éradiquer les islamistes et bien d'autres choses. Mais au final, leur travail de fourmi, pour rassembler les données et en faire une lecture claire pour l'opinion publique tunisienne a fini par payer. A lire également Comité de défense des martyrs Belaïd et Brahmi : Ghannouchi intervient pour sauver Akremi L'ancien juge d'instruction du bureau n°13 qui avait en charge l'affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd finira par payer le prix de ses méfaits. Celui que le comité qualifie de « terroriste infiltré dans la justice tunisienne » devra répondre de ses actes de dissimulation de PV d'affaires terroristes, de la non-saisie de la voiture qui a servi au meurtre de Chokri Belaïd, de son insistance pour consulter les écoutes effectuées par la brigade anti-terroriste de la Garde nationale de l'Aouina ou du fait de leur avoir demandé de réduire le nombre d'arrestations. Tout cela provient du rapport de l'inspection du ministère de la Justice, qui a longtemps regardé les agissements de ce juge sans bouger. La protection politique fournie par Ennahdha n'a pas résisté face à des faits flagrants de mauvaise foi et de manipulation. Béchir Akremi a tenté de noyer l'affaire du martyr Chokri Belaïd entre autres, il a déployé des trésors d'ingéniosité pour disperser les preuves et les indices, et il en a été récompensé par des promotions. A chaque fois qu'un ministre de la Justice s'intéressait au cas de Béchir Akremi, Ennahdha trouvait le moyen d'opérer un remaniement et de virer le ministre, comme ce fût le cas avec Mohamed Boussetta. Grâce aux efforts de Imen Gzara, Ridha Raddaoui, Abdennasser Laâouini et d'autres, cette mascarade a pris fin et Béchir Akremi devra aller défendre son cas devant le parquet.
Comme la justice finira toujours par vaincre, le parti Ennahdha devra également rendre des comptes sur la protection fournie à Béchir Akremi. Les réunions du Conseil supérieur de la magistrature ou celles du conseil de l'ordre judiciaire ont été le théâtre d'interventions et de pressions qui visaient, toutes, à protéger le poulain d'Ennahdha. La relation entre Akremi et Ennahdha est une illustration flagrante de l'ingérence de la politique dans la justice. Mais ce n'est qu'une illustration parmi beaucoup d'autres. A lire également Affaire Béchir Akremi, 6268 dossiers de crimes terroristes enterrés ! Le nom de Taïeb Rached, président de la cour de cassation, revient souvent lorsqu'on évoque celui de Béchir Akremi. Une guerre entre les deux magistrats a fait rage et a participé à faire éclater le scandale. Le conflit entre les deux juges daterait de quelques années. Des divergences auraient éclaté entre Taïeb Rached et Béchir Akremi au sujet des dossiers de l'assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi et l'affaire de l'homme d'affaires Chafik Jarraya. Taïeb Rached était alors procureur général près la Cour d'appel de Tunis et Béchir Akremi, procureur de la République près du Tribunal de première instance de Tunis. Les accusations dont fait l'objet le plus haut magistrat du pays ne sont pas anodines, non plus. Lui aussi bénéficie d'un certain soutien politique, même si, avec le temps, ce soutien est devenu de plus en plus faible. On n'est pas toujours au pouvoir, et la gifle des élections de 2019 a été difficile à encaisser. Donc la protection politique d'hier ne tient plus aujourd'hui. Il finira, lui aussi, par répondre de ses actes et il finira par comparaitre devant une juridiction compétente. Taïeb Rached est accusé d'enrichissement illicite et de malversation. Plusieurs voix de puristes se sont désolées du fait que ces d'affaires soient débattues et analysées sur la place publique. Beaucoup, parfois de bonne foi, se sont inquiétés de voir des révélations judiciaires capitales se faire dans le cadre de conférences de presse ou des documents confidentiels publiés et partagés sur les réseaux sociaux. Mais, aux grands maux les grands moyens, surtout du point de vue du comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Que faire quand le juge est complice, quand il utilise tous les moyens possibles, y compris illégaux, pour ne pas prendre en compte les éléments apportés par la défense? Quand il détruit méthodiquement l'affaire en la scindant en plusieurs dossiers par exemple ? La seule solution est de prendre à témoin l'opinion publique. Il faut absolument lire les extraits publiés par le comité de défense pour se rendre compte de la profondeur du mal et de la perfidie de ses auteurs.
C'est une utopie de croire qu'il peut y avoir une transition démocratique ou un développement économique sain sans une justice impartiale et indépendante. Au-delà des cas flagrants de Béchir Akremi ou de Taïeb Rached, il existe des scandales de moindre envergure mais tout aussi graves dans la magistrature tunisienne. Toutefois, il existe aussi des hommes et des femmes de bonne foi, dotés d'un courage impressionnant et d'une détermination sans failles, qui finiront par avoir la main sur la justice.