Selon un communiqué de l'Association des magistrats tunisiens paru hier, une grève générale dans tous les tribunaux de la République a été décrétée pour les 28 et 29 avril, et concernant les magistrats judiciaires, administratifs et financiers. Evidemment, la grève ne concerne pas les affaires ayant un caractère d'urgence. A cette occasion, Raoudha Karafi a déclaré au Temps que cette grève est décrétée en signe protestation contre l'atteinte par la commission de législation au sein de l'ARP aux principes d'indépendance de la magistrature, à l'occasion des retouches qu'elle a introduites dernièrement dans le projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature. Cela concerne notamment les articles sur le pouvoir de tutelle sous l'autorité de laquelle seront placées certains organes du Conseil, tels que l'inspection, le centre des études judiciaires et l'Institut supérieur de la magistrature. Ces trois organes seront selon la nouvelle mouture de la commission législative, placés sous la tutelle de l'exécutif. Raoudha Karafi y voit une atteinte grave aux principes de l'indépendance de la magistrature garantie par la Constitution. « L'inspection a été placée durant 58 ans sous la tutelle de l'exécutif. Ce qui a causé un système judiciaire défaillant qui a mené à l'ascendant du ministère de la Justice et à la dictature », a précisé Raoudha Karafi ajoutant que cela est également contraire à l'article 114 de la Constitution, dans lequel il est stipulé que « le Conseil supérieur de la magistrature veille au bon fonctionnement de la Justice et au respect de son indépendance ». « Comment cela sera-t-il possible dans l'état actuel où ses organes sont supervisés par l'exécutif » ? s'est encore demandée Raoudha Karafi. « Placer ces organes sous la tutelle de l'exécutif, revient à placer les magistrats, et notamment le procureur de la République sous la seule autorité du ministère de la Justice. Leur impartialité et leur intime conviction se trouveront entachées, à cause de l'épée de Damocles du ministère, qu'ils auront constamment sur la tête », a encore fait remarquer Raoudha Karafi. « Par ailleurs la modification a concerné la composition des membres du Conseil, en donnant la possibilité aux magistrats du tribunal militaire de faire partie des membres désignés. Or les militaires sont placés directement sous l'autorité du ministère de la Défense nationale. D'ailleurs le nombre de ces derniers a été augmenté alors que celui des magistrats élus a été diminué », a-t-elle encore spécifié. Les deux jours de grève ne sont, selon la présidente de l'AMT qu'un avant-goût de l'action qui sera menée par les juges, pour protester contre toute atteinte à l'égard de l'indépendance de la magistrature dans l'intérêt de la Justice et des justiciables. Elle a enfin fait remarquer que le fait de dénoncer les atteintes à la Constitution est l'affaire de tous. Alors où est la société civile avec toutes ses composantes ? s'est-elle demandée. Quant à Raoudha Laâbidi, présidente du syndicat des magistrats, elle a précisé au Temps, qu'elle n'est pas a priori contre la grève, mais il faut qu'elle se concerte avec tous ses collègues. Cela dit elle redoute par ces tergiversations que le vote de la loi en question soit remis aux calendes grecques. Ce qui est en soi, une atteinte à la Constitution, qui a prévu des délais précis. Ces délais ne sont nullement à titre incitatif, contrairement à la déclaration du président de l'ARP, mais à titre limitatif, a fait remarquer la présidente du Syndicat, ajoutant que cela est grave car il incite au laxisme dans l'interprétation de tous les articles de la Constitution.