La société tunisienne de l'électricité et du gaz (Steg), comme la majorité des entreprises publiques, est en train de vivre des difficultés financières importantes. La société a fini 2021 avec un déficit de 42,66 millions de dinars. Certes, le déficit a baissé de 41,03%, malgré le doublement des cours de gaz. Mais, la situation ne peut plus perdurer, surtout que les prix des énergies fossiles poursuivent leur envolée, notamment suite à la guerre en Ukraine. La Société tunisienne de l'électricité et du gaz (Steg) vient de publier son rapport d'activités pour 2021. Il en ressort que l'entreprise publique a réalisé un déficit de 42,66 millions de dinars (MD) en 2021 contre un déficit de 60,17 MD en 2020 et un déficit record en 2019 de 2.093,50 MD. Le résultat net de 2021 prend en considération l'obtention d'une compensation de près de 1,37 milliard de dinars. Cela dit, la société souffre d'impayés de 2,4 milliards de dinars, selon les chiffres communiqués par la société à la fin de l'année. Le plus gros de ce montant, soit 1,1 milliard de dinars, est auprès dû des consommateurs domestiques, 500 MD auprès des entreprises privées, 350 MD auprès des ministères et 200 MD auprès des municipalités. Ce qui impacte, bien sûr, les résultats financiers de l'entreprise. Selon les états financiers au 31 décembre 2021, la Steg a ainsi réalisé un revenu en hausse de 2,71% pour atteindre 5,42 milliards de dinars. Elle a payé un impôt sur les bénéfices de 6,29 MD mais surtout des charges financières de 342,36 MD qui ont doublé en comparaison à un an auparavant. Les frais du personnel se sont élevés à 537,9 MD en 2021 en progression de 6,4% et qui est expliquée principalement par l'impact des négociations réglementaires et le recrutement de 563 nouveaux agents.
Côté performances, la Steg a injecté sur le réseau de transport 21.175 GWh en 2021 (+7%), 16.784 GWh ont été produits dans ses centrales (+3,8%) et 3.138 GWh de la production privée de la centrale Carthage Power Company de Radès (-8,1%). Les ventes d'électricité (énergie aux compteurs, redevances d'abonnement et primes de puissance comprises) ont enregistré une légère augmentation de 1,4% suite à l'augmentation des quantités vendues d'électricité moyenne et basse tension respectivement de 5,5% et 6,5%, et une baisse de 33,3% du chiffre d'affaires provenant des ventes haute tension. Pour l'année 2021, les ventes d'électricité haute et moyenne tension par secteur d'activité économique se sont caractérisées par une hausse des ventes dans tous les secteurs, principalement les industries du papier et de l'édition (+19%), des matériaux de construction (+16%) et du tourisme (+15%), à l'exception des ventes du secteur des industries alimentaires et du tabac qui ont connu une baisse de 4%. Pour cette même année, les investissements pour l'électrification des milieux urbains se sont élevés à 46,95 milliards de dinars et des milieux agricoles et ruraux à 34,42 milliards de dinars. Des investissements qui ont permis de réaliser 107.340 nouveaux branchements en 2021.
Pour leurs parts, les prélèvements de gaz naturel ont atteint 5.667 ktep en 2021 (+5%), expliqués par la hausse de la demande. La production du gaz national a enregistré une augmentation de 18%, suite à l'entrée en régime de croisière du gisement Nawara et l'augmentation de production des gaz Maâmoura, Franig, Baguel et du Gaz Commercial Sud, malgré la diminution de la disponibilité des gaz Miskar et Hasdrubal suite à leurs déclins naturels. Quant aux prélèvements de quantités de gaz algérien, ils ont baissé de 2%, suite à la limitation des achats aux quantités contractuelles. La consommation des clients tous niveaux de pression confondus a enregistré une hausse de 12,6% en 2021, à cause de la reprise de l'activité économique après la pandémie Covid-19. Pour l'année 2021, les ventes de gaz par secteur économique ont connu une hausse de 15,6%. Le rapport souligne la hausse remarquable au niveau du secteur des industries de matériaux de construction (+27,3%), des industries du papier et de l'édition (+18,2%) et des services (+12,1%). Il précise une baisse au niveau du secteur du transport (-17,9%) et des industries chimiques (-0,9%). Les ventes de gaz naturel et de produits GPL ont augmenté de 6,7% durant l'année 2021.
Il faut aussi comprendre que pour produire de l'électricité, la société utilise majoritairement le gaz naturel. Au cours de l'année 2021, la production a été obtenue à concurrence de 97,2% à partir du gaz naturel et 2,8% à partir des énergies renouvelables. 61,97% du gaz naturel provient de l'Algérie (16,9% en tant que redevance et 45,01% contractuel) le reste étant produit localement. D'ailleurs et toujours selon ce rapport d'activités, on apprend que suite au manque de disponibilités en gaz naturel, la Steg a eu recours aux achats d'électricité auprès de la Société algérienne de l'électricité et du gaz-Sonelgaz (plus de 5% de l'électricité injectée sur le réseau). Ainsi, on remarque la part très modeste des énergies renouvelables, ce qui est problématique en soit avec les diverses annonces gouvernementales. Fin 2017, l'ancien chef du gouvernement Youssef Chahed avait annoncé une accélération de la réalisation de projets garantissant la transition énergétique du pays. L'objectif était de produire 1 gigawatt (GW) à l'horizon 2020, soit le 1/5ème de la capacité de l'époque. En est en 2022 et il n'en est rien. Or et en ces temps de crise, les cours des énergies fossiles se sont envolés. La situation s'est envenimée davantage avec la guerre en Ukraine. Les cours de gaz naturel ont presque quadruplé entre janvier 2021 et août 2022.
Donc, il faudra s'attendre à ce que le déficit de la société s'aggrave en 2022. Rappelons que la Loi de finances 2022 a été bâtie sur l'hypothèse que la moyenne de prix du baril ne dépassera pas les 75 dollars le baril de Brent. Or, cette moyenne de prix a été largement dépassée. Sachant qu'un dollar supplémentaire dans le prix du baril représente 140 millions de dinars (MD) de dépenses en plus pour l'Etat tunisien alors que pour le glissement du dinar, chaque 10 millimes de moins par rapport au dollar se répercutent par 40 millions de dinars (MD). En prenant en compte ce nouveau prix, il faudra débourser 8 milliards de dinars de compensation en 2022, alors que les prévisions étaient de 2,9 milliards de dinars (des besoins qui ont presque triplé). Selon Mme Gongi, les besoins de financement en produits pétroliers (carburant, gaz, électricité) étaient de 5,2 milliards de dinars, aujourd'hui avec la flambée des prix ils ont grimpé à 10,2 milliards de dinars. Et d'expliquer que la non-rationalisation de la compensation a un coût énorme sur la communauté et sur les projets d'investissement sur le pays. « La rationalisation de la compensation nous permettrait la réalisation de huit lignes du réseau ferroviaire rapide (RFR) dans les grandes villes tunisiennes ou l'achat de plus de 4.000 bus électriques ou la construction et l'équipement de plus de cinquante hôpitaux. Ce qui montre le lourd poids sur la communauté d'une compensation qui ne va pas à ses destinataires », avait-t-elle affirmé.
Tout cela nous ramène au point crucial : la nécessité d'accélérer le développement des énergies renouvelables, notamment avec les problèmes financiers que traverse le pays et le manque de ressources. Mais, cela reste entravé en grande partie par la Steg elle-même, selon les témoignages des divers intervenants.
La Steg vient de publier ses résultats pour 2021. D'aucuns diront que le déficit a diminué malgré la crise. Mais, la vérité est que cette situation ne peut se poursuivre surtout avec le manque de ressources. L'accélération de la mise en place des énergies renouvelables pour mieux équilibrer le mix énergétique du pays est, plus que jamais, une nécessité.