Le Parlement européen a adopté jeudi 16 mars 2023 avec une très large majorité une résolution épinglant la répression et les attaques contre les libertés en Tunisie. Ce qu'il faut noter tout d'abord, c'est que cette résolution n'a rien de contraignant, ni pour la Tunisie, ni pour les Etats membres de l'Union européenne. N'empêche, cette résolution n'aurait jamais dû être adoptée si la diplomatie tunisienne a su faire preuve du lobbying nécessaire, comme sous le temps du régime Ben Ali avec une politique de répression supérieure ou égale à l'actuelle politique du régime de Kaïs Saïed.
Si la diplomatie tunisienne n'a pas fait le lobbying nécessaire auprès des parlementaires européens, c'est qu'elle n'a même pas d'ambassadeur à Bruxelles. Le dernier titulaire du poste s'appelle Nabil Ammar, promu en février dernier ministre des Affaires étrangères. Théoriquement, le carnet d'adresses de M. Ammar renferme les noms des 751 députés du parlement. Au moins une bonne partie d'entre eux. Théoriquement aussi, M. Ammar entretient de bonnes relations avec quelques dizaines de ces députés. Au moins ceux des pays amis et proches de la Tunisie, comme la France, l'Italie, l'Espagne, la Belgique… Le vote de ce jeudi 16 mars 2023 prouve que Nabil Ammar n'avait aucun poids à Bruxelles. Comment expliquer, sinon, que 496 députés ont voté la résolution et seulement 28 députés ont voté contre et 31 se sont abstenus ? Qu'a-t-il fait durant son séjour bruxellois ?
Certes, il est très difficile de défendre un régime putschiste, liberticide et répressif comme celui de son patron, mais n'empêche, il y a un minimum. Nabil Ammar se devait obligatoirement d'avoir dans son carnet d'adresses plusieurs dizaines, voire des centaines, de députés avec qui il entretient des rapports amicaux. Ce n'est pas pour sa personne qu'il devait faire cela, c'est pour le pays ! Le dernier scandale de corruption ayant frappé le Parlement européen, le Qatar et le Maroc a montré combien les pays investissent pour entretenir leur image et asseoir leur politique à Bruxelles. Même après le scandale, et à la veille du vote d'une résolution épinglant le Maroc, il y avait des lobbyistes marocains qui se baladaient dans les couloirs du parlement pour inviter les députés-amis à s'abstenir de toute décision épinglant leur royaume. Le vote du jeudi 16 mars 2023 n'a rien de surprenant, il était prévu depuis plusieurs jours. Nabil Ammar avait donc suffisamment de temps pour désamorcer la bombe et tenter de ramener à sa cause quelques dizaines de députés. Le vote d'une telle résolution avec une majorité si humiliante est un désaveu, non pas pour la Tunisie et les Tunisiens, mais pour Kaïs Saïed, son régime et son ministre des Affaires étrangères.