Ce texte a été traduit de l'arabe par Business News Six mois où les enfants sont privés de leurs pères et les épouses de leurs maris... injustement. Rien que parce qu'ils ont exprimé leur opposition à Kaïs Saïed et ont réfléchi à une manière de sortir de cette crise que le pays traverse. Peu importe votre position à leur égard, c'est leur droit et leur liberté, et personne n'a le droit de les en empêcher. Six mois de détention en prison pour des accusations de complot contre la sûreté de l'Etat, et nous n'avons vu ni complot ni preuves de complot. Nous n'avons entendu le système judiciaire que pour interdir les médias, et nous n'avons vu aucune clôture de l'instruction, sauf la libération de deux suspects parmi les détenus, ce qui constitue en soi, une reconnaissance de la fragilité du dossier et son manque de solidité. Ce dossier est avant tout un dossier d'injustice, et les jours à venir le prouveront. Nous n'avons vu de complot que celui ourdi par un système présidentiel doté d'une légitimité constitutionnell ébranlée, ayant réussi à mobiliser un appareil sécuritaire, judiciaire et administratif loyal à un régime autoritaire individuel. Un régime qui met fin à la notion de contrat social, aux bases du vivre ensemble et compromet l'avenir du pays ainsi que sa souveraineté... Oui, sa souveraineté.
Le régime autocratique de Kaïs Saïed a frappé à mort les institutions de l'Etat et la République. Il a imposé une constitution individualiste qui consolide un régime autocratique, dépourvu des éléments les plus fondamentaux de l'équilibre des pouvoirs. Il a frappé le système judiciaire en le faisant reculer. Il a frappé l'administration en la ramenant à l'ère d'avant l'indépendance. Il a ébranlé l'institution de la présidence du gouvernement en effectuant des nominations qui ne relèvent ni de la culture de l'Etat ni de la culture de la gestion, de la compétence et du mérite.
Cependant, pour être honnête, il est nécessaire de dire que le coup mené par Kaïs Saïed contre la démocratie et les institutions de l'Etat, y compris le système judiciaire, les forces de sécurité et l'administration, ainsi que son accaparement du pouvoir absolu, n'auraient pas été possibles si ces institutions n'y étaient pas vulnérables. De même, la marginalisation des partis politiques et des organisations nationales n'aurait pas été possible si ces entités n'avaient pas été institutionnellement fragiles au point de le permettre.
De plus, si notre conscience collective était meilleure que celle qui existe actuellement, nous ne serions pas dans cette situation, et nous n'aurions pas permis à une telle injustice de prévaloir. Nous aurions eu une alternative politique pour résister au despotisme imminent."
L'ironie dans tout cela ? Kaïs Saïed pense qu'il mène une bataille de libération nationale, un slogan n'ayant toujours pas révélé sa nature et son contenu, laissant les hordes de laudateurs combler les vides à sa place (ce qui est l'un des fondements du populisme). Quant au véritable danger qui pèse sur le pays et menace réellement la paix sociale, l'unité nationale et la société, il réside dans la culture de la haine qui s'est infiltrée dans le programme communiste anarchiste de Kaïs Saïed, contre l'Etat, le tissu économique, les élites du pays et certaines de ses régions, mais qui est aussi animée par le désir de remplacer tout cela par de nouvelles élites, un nouveau tissu économique et un nouveau clientélisme.
Ne vous laissez pas tromper par les apparences de loyauté, car la loyauté dans notre pays est envers le système de gouvernance avant toute chose, peu importe sa nature, et elle va vers le plus puissant, peu importe qui il est. Les manifestations de cette loyauté sont les mêmes, peu importe le dirigeant en place. Ne vous laissez pas tromper par ces voix opportunistes qui chantent les louanges du souverain et le remercient, car elles font partie de la nature de l'existence, ce sont les micro-organismes opportunistes. Nous n'oublierons pas et nous ne nous tairons pas. Le fil de l'injustice est très court.
* ancien ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle.