L'avocat Ahmed Souab a présenté, vendredi 5 janvier 2024, sa lecture des amendements introduits par le président de la République, Kaïs Saïed, sur le décret relatif à la conciliation pénale. Selon Me Souab, les prérogatives de la commission de conciliation pénale ont été ébréchées par les modifications apportées par le président de la République. « Le rapport, la signature de l'accord et le suivi de l'exécution ont été retirés à la commission », a-t-il expliqué au micro d'Elyes Gharbi, dans une intervention dans l'émission Midi Show sur Mosaïque FM. « Le rapport est désormais du ressort du président de la République, la signature et le suivi de l'exécution, du chargé du contentieux de l'Etat », a-t-il ajouté.
Autre amendement majeur, est l'ajout d'une nouvelle partie à ce processus : le Conseil de sécurité. Celui-ci aura, en charge d'approuver, de rejeter l'accord ou d'exiger une révision à la hausse du montant des dus, « ce qui pose plusieurs problématiques », selon l'avocat, car il n'y a aucun lien, à son sens, entre la récupération de l'argent spolié et les prérogatives « nobles » de ce conseil. En d'autres termes, la commission n'aura pour rôle que de préparer le terrain pour le reste des parties prenantes, le Conseil de sécurité et le président de la République, entre autres, selon l'avocat.
Ahmed Souab a relevé, également, une autre modification en lien avec la redistribution de l'argent collecté de la conciliation pénale. Il a indiqué qu'une partie des 80% des montants qui seront collectés pourrait être utilisée pour financer des projets nationaux alors que cet argent était destiné aux régions les plus démunies. Les 20% restants seront destinés uniquement aux entreprises communautaires alors que cette partie devait être destinée à financer les entreprises communautaires, les entreprises commerciales et les entreprises d'investissement. L'avocat a avancé, par ailleurs, que selon les dispositions de ce projet, les organes mobilisés dans le cadre de la conciliation pénale, feraient office d'une juridiction d'exception, notant que l'article 30 a été modifié pour en supprimer la prérogative de contrôle de la gestion de l'argent collecté attribué dans l'ancienne version à la Cour des comptes. « L'absence de contrôle est l'une des caractéristiques des juridictions d'exception », a-t-il noté.
Précisant que la mise en place de cette juridiction d'exception implique un affaiblissement du rôle de la justice, il a expliqué qu'il s'agit là d'annulation du pôle judiciaire économique et financier, de négation d'au moins deux prérogatives du Conseil supérieur de la magistrature qui doit avoir un œil sur les nominations des magistrats au sein de la commission de conciliation pénale et enfin, le remplacement des magistrats par le ministre de la Justice. Ahmed Souab a soutenu, aussi, que le projet était contraire à la constitution notamment en ce qui concerne l'atteinte à la liberté de déplacement en plaçant les concernés par la conciliation pénale en résidence surveillée ou en leur interdisant de voyager.
Après l'échec cuisant qu'a essuyé la Commission de conciliation pénale, le président de la République a amendé le décret de conciliation pénale. Créée par décret présidentiel le 11 novembre 2022, l'ancienne commission était supposée récupérer quelque 13,5 milliards de dinars qu'auraient spolié quelque 460 hommes d'affaires corrompus. Son second mandat a pris fin le 10 novembre 2023, avec une main vide et rien dans l'autre.