Le rappeur aux multiples tatouages Karim Gharbi, alias K2Rhym ou K2, a retiré le formulaire de candidature à la présidentielle et se lance dans la course de récolte de dix mille parrainages. Son poids dans les sondages est inconnu, mais sa victoire n'est pas à exclure. Plusieurs pays dans le monde, ont vu élire ces dernières années un président atypique populaire et populiste à leur tête. Sans surprise, comme pressenti depuis plusieurs mois déjà, Karim Gharbi se présente à la présidentielle du 6 octobre prochain. Totalement inconnu dans le monde politique tunisien, Karim Gharbi s'est fait un nom dans le monde du rap, sous le nom de K2Rhym K2Rym ou K2. Surtout international puisqu'il réside à l'étranger depuis plus de 25 ans. Né le 14 octobre 1980, K2Rhym est parti en France à l'âge de quinze ans où il a résidé à Saint-Denis banlieue populaire de Paris, la troisième la plus peuplée d'Île-de-France. C'est là où il a appris le rap et qu'il est devenu, sur le tard, producteur. Rapidement devenu populaire, il s'est produit aux côtés de grands rappeurs tels Snoop Dogg, The Game, DJ Khaled et T-Pain. Il a obtenu plusieurs prix régionaux et internationaux et aurait une belle fortune dont on ne connait pas l'estimation. Sur Facebook, sa page K2 compte 2,4 millions de followers ; sa page Instagram compte 1,5 million et son compte YouTube compte plus de deux cents mille abonnés. Ses vidéos sur YouTube sont souvent vues par des millions de personnes, voire des dizaines de millions pour certains tubes. C'est clair, sur le plan artistique, K2Rhym est incontestablement une star. Ses multiples tatouages, ses grosses fourrures, ses grosses bagues et ses grands colliers en or blingbling plaisent au monde des rappeurs et les fans du genre.
Cette image de « mauvais garçon », longuement soignée, est délaissée depuis quelques années, K2Rhym s'intéresse depuis 2019 au monde politique. Profitant de son mariage à la fin des années 2010 pendant une courte période, à Nesrine fille de l'ancien président Zine El Abidine Ben Ali, K2Rhym tente d'effacer son ancienne image et la remplacer par un quadra sensé, posant avec costume cravate ou encore pieux tout en blanc sur les lieux saints de la Mecque. Il véhicule aussi l'image d'un riche philanthrope qui aide les nécessiteux et les projets sociaux. Dans la foulée, il se laisse voir avec des dignitaires du Moyen-Orient, des politiciens d'un peu partout, y compris Tunisiens. Exit l'image du rappeur, bienvenue à l'image du politicien. Exit K2Rhym l'international, bienvenue de nouveau à Karim Gharbi le Tunisien. Dans le viseur de l'artiste, pas moins que la présidence de la République. Bien moqué au début des années 2020, quand il est apparu dans des émissions tunisiennes de télévision à forte audience dans lesquelles il a fait part de ses intentions, il est revenu à la charge en ce juillet 2024 en retirant le formulaire de candidature à la présidentielle du 6 octobre prochain. Le bonhomme ne semble pas rigoler et envisage de mettre à profit une partie de sa fortune pour son ambition. D'ores et déjà, ses équipes approchent les Tunisiens pour collecter les dix mille parrainages de citoyen, nécessaires pour déposer sa candidature. Réussira-t-il sa mission ? Réponse le 11 août prochain quand l'instance électorale communiquera la liste préliminaire des candidats.
En dépit de son apparence, la candidature du rappeur à la présidence n'a rien de farfelu. En cette époque, il y a eu plusieurs candidats issus d'un monde hors de la politique qui ont brigué avec succès la présidence de leur pays. K2Rhym a beau être tatoué de partout, il a beau être atypique, il a ses chances de réussir s'il se compare à Nayib Bukele, président du Salvador, Javier Milei, président de l'Argentine, ou le désormais très célèbre Volodymyr Zelensky, président de l'Ukraine.
Pendant la campagne électorale de la présidentielle salvadorienne de 2017, M. Bukele se présentait avec une casquette à l'envers, barbe fournie et grosses lunettes. Avant de faire son entrée en politique, Nayib Bukele, né en 1981, était à la tête d'une entreprise publicitaire fondée par son père. Avec brio, il s'est chargé des campagnes électorales de partis politiques et c'est par là que lui est venue l'idée d'entrer dans le monde politique. Il a été élu maire de la capitale San Salvador en 2015 après avoir été maire d'une ville plus petite en 2012. Il a été exclu de son parti en 2017 après avoir lancé une pomme au visage d'une conseillère municipale.
En 2019, il a été élu à l'âge de 37 ans président de la République avec 53% des voix devenant ainsi le plus jeune chef d'Etat sur le continent américain depuis 1985. Alors que la constitution le lui interdisait clairement, il est passé outre et s'est fait réélire dès le premier tour en février 2024 avec 84,65% des voix. Un vrai plébiscite, pas encore amoindri, puisque sa popularité est aujourd'hui estimée à 92% d'opinions favorables. Javier Milei, le président argentin né en 1970, est connu pour ses excentricités. Ses cheveux ne sont jamais coiffés ce qui lui a valu le surnom d'El Peluca (la perruque) et ses vestes en cuir cloutées ne laissent pas indifférents. Il est adepte du cosplay (costumade), une activité de loisir consistant à se costumer en personnage de fiction. Il est notamment devenu célèbre grâce à la télévision et à la radio où il était fréquemment invité en tant qu'économiste, mais aussi par ses grossièretés et ses injures répétées à l'encontre de personnalités politiques. Il insulte ainsi le chef du gouvernement de la ville de Buenos Aires, le libéral Horacio Rodríguez Larreta, le traitant de « putain de gauchiste », de « merde chauve » et affirmant qu'il pourrait l'« écraser ». Il verse aussi dans la polémique comme lorsqu'il célèbre, à plusieurs reprises, le mafieux américain Al Capone qu'il qualifie de « héros » et de « bienfaiteur social ».
En 2019, on le classe parmi les personnalités les plus influentes d'Argentine et c'est fortement encourageant, pour lui pour qu'il se présente à la présidence. Candidat à l'élection présidentielle de 2023, Javier Milei présente pendant la campagne un « plan tronçonneuse » visant à massivement diminuer les dépenses publiques. Il frappe les esprits et remporte le scrutin avec 55,65% des voix.
Volodymyr Zelensky est tout aussi atypique que les présidents argentin et salvadorien. Le président de l'Ukraine n'a jamais fait de politique, il a toujours été dans le monde artistique. Né en 1978, il a été humoriste, acteur, scénariste, réalisateur et producteur de télévision.
Le tournant de sa carrière arrive en 2015 quand on le choisit pour devenir l'acteur principal de la série télévisée humoristique « Serviteur du peuple » dans laquelle il incarne un professeur de lycée intègre accédant de façon inattendue à la présidence de l'Ukraine. La série frappe les esprits et permet à M. Zelensky de devenir populaire.
Sans aucune expérience politique, il lance un parti homonyme à sa série, puis se présente à l'élection présidentielle de 2019. Après une campagne atypique et minimaliste lors de laquelle il prend pour cible la corruption des élites et entretient la confusion avec son rôle dans « Serviteur du peuple », il l'emporte face au chef de l'Etat sortant, Petro Porochenko, avec 73,2 % des voix au second tour. Malgré la guerre qui frappe son pays, il continue à être populaire avec 62% d'opinions favorables.
Les exemples de Nayib Bukele, Javier Milei et Volodymyr Zelensky ne sont pas exceptionnels dans l'Histoire et on a vu souvent, dans plusieurs pays, des atypiques accéder à la fonction suprême. Fort de sa popularité dans le monde du rap, encouragé par les succès des atypiques qui sont entrés, sur le tard, dans le monde politique, Karim Gharbi estime qu'il a donc toutes ses chances d'emporter la présidentielle du 6 octobre. Il tire avantage de sa virginité politique, mais également du fait que le pouvoir de Kaïs Saïed le laisse tranquille. Il est un des rares candidats potentiels à ne pas avoir une affaire judiciaire montée de toutes pièces. Certains diront qu'il va tirer profit de la crédulité des gens. C'est possible, mais ça marche partout dans le monde, aussi bien dans le passé que dans le présent. Ça marche également en Tunisie, comme on a pu le constater, à maintes reprises depuis 2011. Sans la crédulité des gens, sans argent et sans complicité de certains médias, plusieurs qui n'auraient jamais pu être élus.