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Tout ce qu'il faut savoir sur la persécution de Sonia Dahmani
Publié dans Business News le 11 - 10 - 2024

L'avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani reste en prison, sa demande de libération est rejetée. Ainsi en a décidé un juge hier. De quoi plaire au régime de Kaïs Saïed qui use de toute son imagination pour persécuter une brillante avocate et chroniqueuse. Sous d'autres cieux, l'Etat lui aurait érigé une statue en reconnaissance de son militantisme pour les libertés.

Le régime de Kaïs Saïed ne laisse aucune place au doute. L'affaire (ou plutôt les affaires) de Sonia Dahmani sont d'abord et avant tout politiques et non judiciaires. L'acharnement et la persécution de l'avocate et chroniqueuse démontrent clairement que le régime lui en veut personnellement.
S'il y a des dizaines d'affaires judiciaires en cours frappant des journalistes et hommes et femmes de médias, cinq seulement sont en prison, à savoir Mohamed Boughalleb, Borhen Bssaïs, Mourad Zeghidi, Chadha Hadj Mbarek et Sonia Dahmani. De ces cinq, seule Sonia Dahmani subit une véritable persécution judiciaire avec violation flagrante des procédures, du Droit et de ses droits.
Dernier épisode à ce triste feuilleton, le refus jeudi de sa libération et la confirmation de son mandat de dépôt dans une nouvelle affaire.
Au départ, Me Dahmani a été arrêtée suite à son intervention dans une émission télévisée où elle a ironisé sur la situation de la Tunisie. « Heyla lebled » (il est magnifique le pays) est la phrase justifiant son arrestation en un temps record et sa traduction devant la justice. Condamnée à un an de prison ferme en première instance et à huit mois de prison ferme en appel, elle aurait dû purger sa peine tranquillement comme tout prisonnier lambda.
Sauf que cette condamnation n'était que le début du cauchemar. Le régime prend un malin plaisir à lui coller de nouvelles affaires comme si les huit mois de prison étaient insuffisants pour la punir d'avoir prononcé une phrase que tout un chacun répète partout dans le pays depuis toujours.

Dans la première affaire, Sonia Dahmani avait réagi aux théories de grand remplacement et de changement de la composition démographique de la population tunisienne par des migrants subsahariens qui seraient là pour s'établir selon un plan ourdi par des forces étrangères. Face à ces propos, l'avocate avait affirmé qu'il n'y avait pas de complot, que les migrants voulaient juste traverser vers l'Europe et qu'il ne faisait pas bon vivre en Tunisie actuellement. L'analyse de Me Dahmani est un démenti clair aux propos du président de la République qui privilégie le complot à tout constat froid de la situation. Son arrestation le 11 mai dernier à la Maison de l'avocat, d'une manière musclée, en direct devant les caméras de France 24, a déclenché une grosse polémique et un grand soutien, aussi bien en Tunisie qu'à l'étranger. De quoi provoquer l'ire du régime.
Quatre nouvelles affaires sont venues s'additionner, comme pour la punir pour son insolence. On l'accuse désormais de complot contre l'Etat et ce après une déclaration sur la situation des détenus impliqués dans l'affaire de complot contre la sûreté de l'Etat. La troisième affaire est relative à ses déclarations critiquant les conditions de détention dans les prisons tunisiennes.
La quatrième affaire, pour laquelle il y a eu un mandat de dépôt hier est similaire à la première et touche la question de la présence des Subsahariens et au racisme en Tunisie.
L'un de ses avocats, Sami Ben Ghazi, précise ainsi qu'il s'agit de deux déclarations similaires, diffusées sur Carthage + et IFM, où la chroniqueuse estime que le racisme existe encore en Tunisie.
« Le parquet a engagé les poursuites spontanément et nous avons présenté tous les documents et preuves attestant de la véracité des dires de Sonia Dahmani. La même déclaration diffusée sur deux canaux a conduit à deux affaires. Dans l'une d'entre elles, Sonia Dahmani a été laissée en liberté et un mandat de dépôt a été émis à son encontre dans la seconde. Comment et pourquoi ? Nous n'en savons rien », s'étonne l'avocat.
La cinquième affaire est liée à ses propos critiquant le gouvernement.
À l'exception de la troisième affaire, toutes ont été déclenchées par le parquet qui est hiérarchiquement, dépendant de la ministre.

La multiplication des affaires judiciaires n'est cependant pas l'unique persécution de l'avocate. Il y a également des abus de toutes sortes.
Dans l'une des affaires, lors de sa comparution le 10 septembre dernier, le comité de défense avait fait une demande de récusation de la juge. Théoriquement, la séance devait être ajournée avec, le plus souvent, le changement de la juge en question. Les choses se sont passées autrement cependant. La séance a bien été levée pour examiner la demande, mais la cour n'est pas revenue pour écouter les plaidoiries. Elle a émis un jugement, le tout alors que le bâtonnier et des présidents des sections régionales de l'Ordre des avocats étaient présents dans la salle. « Ce qui s'est passé restera dans les annales, le comité de défense ayant été carrément empêché de faire sa plaidoirie, s'étrangle Sami Ben Ghazi l'un de ses avocats. Tout est prêt à l'avance. Le pouvoir politique, via le pouvoir judiciaire, est en train de juger avec abus Sonia Dahmani, dans un grave précédent ».
Autres abus constatés, la détérioration de ses conditions de détention. Ici aussi, elle fait figure à part et subit un traitement particulier, contrairement à tous les autres prisonniers, qu'ils soient politiques, médiatiques ou de droit commun.
Par deux fois, le 19 et le 24 août dernier, la direction de la prison lui a refusé de nouveaux vêtements, rapporte sa sœur Ramla. « Aujourd'hui, nous avons apporté à Sonia des chemises et une paire de chaussures pour qu'elle puisse les porter demain pendant son procès. Des chemises blanches, simples, sans fioritures, sans décoration. Une paire de chaussures sans métal, sans fil, avec un talon espadrille en alfa. Une tenue toute simple, juste pour qu'elle soit décente. Tout cela lui a été refusé », affirme-t-elle.
Fin juillet, début août, sa famille a constaté que les exactions à son encontre se sont multipliées de manière alarmante. Elle subit des fouilles corporelles intimes extrêmement humiliantes et dégradantes tous les deux jours. Ils lui ont retiré son journal et lui refusent l'accès à ses médicaments essentiels. Contrairement aux autres prisonnières, Sonia n'a pas le droit de sortir son linge sale ni de recevoir des vêtements jugés trop « confortables ».
Contrairement aux autres prisonnières, elle n'a pas le droit de voir la détenue travaillant en tant que coiffeuse et on l'a fait changer de cellule sans raison dès que l'on constate qu'elle commence à s'habituer à son environnement.

La journée du 20 août reste cependant une date noire pour l'avocate incarcérée.
Alors qu'elle s'apprêtait à aller au tribunal, le 20 août, elle a été empêchée de porter ses propres vêtements, témoigne son avocate Hana Hatay. La direction de la prison voulait lui imposer le « sefsari », un voile ample traditionnel. Dans les coutumes judiciaires, le « sefsari » est porté par les femmes détenues dans des affaires de mœurs afin de couvrir leur visage et préserver leur anonymat.
Outre le « sefsari », la direction de la prison voulait lui imposer des tongs, au lieu de chaussures comme elle le voulait. Elle a ensuite été soumise à une fouille humiliante, dégradante, au cours de laquelle elle a été complètement dénudée et soumise à des attouchements de ses parties intimes.
« On l'a entièrement dénudée, forcée à se mettre à genoux, et on a envahi son intimité par le regard et le toucher, avec pénétration anale et vaginale sans la moindre considération pour sa dignité et en violation flagrante de la réglementation pénitentiaire (et notamment du guide du détenu). Elle n'a pas été autorisée à s'abriter derrière un paravent encore une fois comme l'exige la réglementation pénitentiaire », relève Mme Dahmani Accent.
En dépit de ses protestations inaudibles et malgré elle, Sonia Dahmani a fini par accepter toutes ces humiliations dans l'unique objectif de comparaitre devant la cour. Surprise, la directrice de la prison lui affirme qu'il y a eu beaucoup de retard et qu'elle ne sera finalement pas transportée au tribunal. On était pourtant encore au petit matin, alors que l'audience était prévue à mi-journée. Comme si cela ne suffisait pas, le parquet a demandé à ce que le procès se tienne sans elle. La séance a finalement été ajournée.
Depuis ce jour noir, l'état de santé de l'avocate s'est considérablement dégradé. Elle souffre de trouble de la tension artérielle et de la glycémie et ne dort presque plus.
« Depuis ce jour, Sonia ne dort plus. Elle, qui est entrée en prison en pleine santé, souffre aujourd'hui de multiples maladies. Son corps réagit à toutes les agressions, à tout le harcèlement qu'elle subit : tension artérielle, diabète, douleurs dorsales insupportables. Il y a des jours où elle ne parvient même plus à se tenir debout sans assistance », affirme la sœur de la détenue.

L'acharnement judiciaire et la persécution morale et physique subis par Sonia Dahmani s'expliquent, en partie du moins, par sa grande popularité, aussi bien en Tunisie qu'à l'étranger, mais aussi par son moral gonflé à bloc les jours suivant son arrestation. On se rappelle encore de cette fameuse photo prise le 20 mai dans le bureau du juge d'instruction, avec un large sourire et une fleur sous le nez. « Sonia Dahmani, au champ de bataille, la fleur au fusil », titrait alors Business News.
« Il fallait la casser psychologiquement et, en ce sens, le régime a bien réussi son exercice », commente l'un des avocats suivant son dossier.
À chaque fois qu'elle subit un affront ou une violation de ses droits, l'écrasante majorité des médias privés tunisiens relaient l'incident. Cette exposition médiatique dérange, assurément, le régime tout comme le soutien international dont elle bénéficie. Ses confrères des différents barreaux français, les plus grandes ONG notamment Amnesty et Human Rights Watch dénoncent régulièrement la persécution subie par Me Dahmani. Des soutiens relayés, systématiquement, par les plus grands médias européens donnant ainsi une piètre image du régime autoritaire de Kaïs Saïed.
« Le régime a peut-être réussi à casser psychologiquement (CQFD) Sonia Dahmani, mais il n'a pas pu bâillonner ses soutiens qui continuent encore à relayer sa cause et l'injustice qu'elle subit en faisant un très grand bruit », commente l'avocat.

Si Sonia Dahmani bénéficie de tant de soutien, de médiatisation et d'égards, c'est parce qu'elle est considérée comme l'une des plus grandes héroïnes du barreau tunisien, de la même trempe que Bochra Bel Hadj Hmida, Dalila Msaddek, Islem Hamza, Saïda Garrach ou Radhia Nasraoui. Ces dames ne sont pas que des avocates, elles sont aussi des militantes pour les libertés et des résistantes face à l'hégémonie du régime. Elles sont également, au besoin, des avocates qui travaillent pro bono, c'est-à-dire qu'elles conseillent et plaident gratuitement pour des populations défavorisées ou quand il s'agit d'affaires liées aux libertés.
Ces grands traits qui caractérisent ce bout de femme qu'est Sonia Dahmani fait d'elle l'une des avocates les plus respectables du pays. D'où la médiatisation à grande échelle des injustices qu'elle subit.
Sous d'autres cieux, une pareille dame aurait obtenu tous les honneurs et les distinctions de son pays. On aurait même pu lui ériger une statue tant elle a donné pour son pays, sa corporation et les libertés. C'est ainsi que les pays qui se respectent honorent leurs valeureux leaders d'opinion.
Sous le régime de Kaïs Saïed, on n'aime cependant pas les « grandes gueules » et les insolents et encore moins les vedettes. Il fait tout pour casser l'élite qui se distingue et réussit.
En arrêtant Sonia Dahmani, il pensait pouvoir la bâillonner. Or c'est tout le contraire qui s'est passé. Depuis son arrestation le 11 mai, elle ne cesse de parler depuis sa cellule, via tous ses soutiens en Tunisie et à l'étranger. Au début, il n'y avait que ses auditeurs et téléspectateurs qui la suivaient, aujourd'hui c'est toute la planète qui l'écoute.


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