À l'approche des élections au sein de notre Ordre, les postures se crispent, les clivages s'exacerbent… et le bouc émissaire est tout trouvé : les architectes d'intérieur, les designers, les "aménageurs de l'ombre", soupçonnés de tous les maux, d'usurper le titre, de saper la légitimité de notre profession, de trahir l'architecture "authentique". Ce discours, nous le connaissons trop bien. Il emprunte au populisme ses armes les plus faciles : la peur, l'exclusion, le repli identitaire. Comme une extrême droite de la profession, certains s'indignent qu'on touche à la "pureté" du titre d'architecte. Ils jettent l'anathème sur ceux qui ne sont pas "des nôtres", comme si cela allait résoudre quoi que ce soit.
Une querelle qui ne nous honore pas Or, cette querelle ne nous honore pas. Pire : elle révèle un malaise plus profond que nous ne voulons pas regarder en face. Nous sommes devenus une profession pauvre, désorientée, divisée. Pauvre, non par manque de talent, mais par incapacité à affirmer collectivement notre utilité dans la société. Désorientée, car enfermée dans des débats de façade, alors que les véritables enjeux — écologiques, sociaux, territoriaux — nous passent sous le nez. Divisée, car au lieu de bâtir des ponts avec les autres disciplines de l'espace, nous dressons des murs.
Il est certes légitime de défendre le cadre légal du titre d'architecte, de dénoncer les abus, les détournements. Mais quand cette vigilance se transforme en croisade, quand elle devient un prétexte pour écraser toute pensée différente, toute approche complémentaire, alors elle devient stérile et dangereuse.
Ce combat n'est pas celui de la rigueur. C'est celui du ressentiment. Alors oui, le mépris que nous subissons aujourd'hui, nous l'avons en partie mérité. Car pendant que nous perdons notre temps à trier qui est "vraiment architecte", la société nous oublie. Elle construit sans nous, aménage sans nous, imagine sans nous. Il est urgent de sortir de cette spirale. De cesser de traiter nos collègues designers comme des ennemis. De repenser notre rôle, non comme une forteresse assiégée, mais comme un espace de dialogue, d'innovation, d'alliances. Nous n'avons pas besoin d'un Ordre de la peur, mais d'un Conseil de la transformation.