En consacrant un conseil ministériel à la préparation de la loi de Finances pour l'année 2026, la cheffe du gouvernement, Sarra Zaâfrani Zanzri, n'a-t-elle pas brûlé bien des étapes, mettant la charrue avant les bœufs ? A moins que ce conseil n'ait à examiner la Note d'orientation budgétaire que la Présidence du gouvernement envoie habituellement à tous les ministères à la fin du mois de mars ou le début d'avril, document qui fixe les gros objectifs de ressources et de dépenses budgétaires. Et là, la démarche apparait trop tardive. Ce faisant, il est pour le moins curieux que le gouvernement s'engage aussi vite, zappant de la sorte l'obligation préalable de réviser ses prévisions budgétaires établis en début d'année. A l'époque, les scénarios servant de support à l'élaboration du budget tablaient sur une croissance réelle de 3,2%, un cours moyen du baril à 77,4 dollars, une hausse des importations de 4,2% et une stabilité du cours moyen du blé tendre à 281 dollars la tonne. Il semble que l'on sera loin du compte. Celui-ci pouvant être positif par certains aspects et négatifs sur d'autres.
Revoir le cadre macroéconomique Une chose est sûre, les prévisions de croissance ne seront pas atteintes. La conjoncture internationale a contraint la majorité des économies à revoir leur croissance à la baisse. N'est-ce pas là une opportunité pour le gouvernement de s'exonérer à bon compte de ce scénario en adoptant une hypothèse de croissance plus réaliste. La croissance n'est pas le seul scénario à réécrire. Il en est de même du baril de pétrole qui, durant le 1er trimestre 2025 affiche un cours moyen de 75,8 dollars. Cela représente une économie budgétaire de près de 400 MD, si tout est égal par ailleurs. Cette révision concerne aussi le tarif à la tonne du blé tendre. Celle-ci, livrable au mois de septembre 2025 ne couterait, au plus haut, que 240 dollars la tonne. Là aussi des économies sont prévisibles. Quant aux importations, le dérapage est évident compte tenu des résultats des échanges extérieurs durant le 1er trimestre 2025. Sur la base de tels constats, n'est-il pas temps de reconsidérer le cadre macroéconomique et budgétaire de 2025, éléments incontournables dans l'élaboration de perspectives et l'établissement d'objectifs économiques et de finances publiques pour le prochain exercice. Le recul prévisible de la croissance n'aura pas pour seule raison la baisse de la demande adressée à la Tunisie comme le suggère d'ailleurs le tassement des exportations durant les cinq premiers mois de l'année en cours. L'introduction de la nouvelle réglementation sur les chèques aura un impact certain sur la consommation intérieure qui constitue pour l'heure le seul déterminant de la croissance économique du pays. La récente réforme du Code du travail est susceptible d'impacter fortement l'évolution de l'emploi. Il est en effet fort probable que l'on assistera à une forte poussée du chômage d'ici la fin de l'année et plus loin encore, le temps que les entreprises s'adaptent à cette nouvelle législation qui, par ailleurs, risque de détériorer le climat des affaires et de l'investissement dans le pays.
Une configuration budgétaire à reconsidérer S'agissant finances publiques, le creusement du déficit de la balance commerciale a fait sentir ses effets sur la balance des paiements courants dont le solde s'est sensiblement détérioré durant les deux premiers mois de 2025, préfigurant des risques tout au long de l'année. Les pressions sur le taux de change ou les réserves en devises sont aussi à prévoir. Et ce n'est pas tout puisque le budget ne serait pas en reste. L'état d'exécution du budget au premier trimestre 2025 constitue un motif de préoccupation. L'écart des taux de réalisation entre les ressources et les dépenses l'illustre convenablement. Le taux de réalisation des recettes budgétaires dépasse 25% alors que celui des dépenses dépasse à peine 17%, compte tenu de deux exceptions que sont les dépenses de rémunération et le remboursement des intérêts de la dette dont les taux de réalisation sont respectivement de 22,5% et 25,3%. Par ailleurs, le taux de réalisation des opérations d'emprunt affiche 29,5% alors que les celui des charges d'emprunt n'enregistre que 19,5%. Certes, les données économiques et budgétaires du 1er trimestre ne constituent pas une panacée. Elles mettent néanmoins en alerte sur les risques et leurs conséquences qu'il convient d'en tenir compte dans l'immédiat et l'avenir proche.