En dépit des lourdes charges supportées par le budget de l'Etat, le ministre du Commerce et de l'artisanat, Ridha Touiti, a annoncé qu'il n'est pas question de supprimer la Caisse Générale de Compensation (CGC). Elle constitue un des fondamentaux de la politique sociale du pays, d'où l'engagement d'une grande réforme de ce mécanisme important. Une réforme qui tend d'une part à préserver la CGC et de l'autre à contenir le coût économique de la subvention en harmonie avec les capacités financières du pays, soit autour de 1% du PIB, à moyen terme. Or la flambée des prix des produits alimentaires et énergétiques, sur le plan mondial, ne facilite pas du tout la tâche et il serait difficile d'atteindre cet objectif. Le budget de l'Etat pour l'année 2008 a déjà prévu des subventions de l'ordre de 700MD, soit 1,43% du PIB et il s'avère que c'est insuffisant. Cette enveloppe sera dépassée de quelques 300 MD, pour se situer autour de 1026 MD, soit 2,1% du PIB ! La table ronde organisée, mercredi 14 mai, par la Chambre des Conseillers sur le thème : « La Caisse Générale de Compensation : Réalités et perspectives », a mis en évidence l'impact de la flambée des prix sur l'économie tunisienne. Un impact que le pays tente de surmonter et de limiter grâce à un certain nombre de mesures dont notamment l'intervention de la Caisse Générale de Compensation. Une intervention qui ne sera pas sans impact sur le budget de l'Etat, renforçant le déficit. La plupart des produits alimentaires affectés par la hausse, sans précédent, sont essentiellement ceux subventionnés par la Caisse Générale de Compensation. Pis encore, ce sont des produits à forte consommation que la Tunisie importe. Aussi, 85% de la consommation (10,5 millions de quintaux) du blé tendre est importée, contre uniquement 20% de la consommation (8,5 millions de quintaux) de blé dur La situation n'est pas prête à s'arranger de sitôt. En effet, les prix continuent leur flambée tranquillement, aux risques d'impacts désastreux sur au moins 30 pays dans le monde avec la pauvreté et famine, la guerre ou encore les tensions sociales et politiques. En ce qui concerne la Tunisie, les prévisions initiales ont été chamboulées, bouleversées et dépassées. En témoigne celles de 2007, programmées autour de 348 MD, mais qui ont presque doublé pour se situer autour de 600 MD. Pour l'année 2008, on ne dérogera pas à la règle. Les estimations tablaient sur des subventions de 700 MD, mais au jour d'aujourd'hui, on estime le dépassement à quelque 1000 MD, si le prix du baril de pétrole atteint le seuil de 120 dollars et si la flambée des prix se poursuit pour les produits alimentaires et les matières premières. D'un plan quinquennal de développement à un autre, les subventions ne cessent du coup d'augmenter. Elles sont passées d'une moyenne de 0,7% du PIB, au cours du Xème plan (251 MD), à une moyenne de 1,3% du PIB, en 2007 (600 MD), et des prévisions de 2,1% du PIB, en 2008 (1026 MD). Le ministre du Commerce, Ridha Touiti, a fait remarquer que 862,24 MD de subventions sont réservées aux céréales (84% de l'ensemble des subventions) et 156,71 MD (15,3%) aux huiles végétales. Un produit appelé, à moyen terme, à quitter le cercle des produits subventionnés, selon M. Touiti. Au regard des données disponibles auprès de son département, l'indice des prix a enregistré au cours du mois d'avril, une hausse de l'ordre de 0,8%, contre 0,7%, à la même période de l'année précédente, soit une hausse moyenne de 0,1%. Or, si l'on regarde de plus près, on remarquera que la hausse des prix a concerné tous les groupes de produits, sans exception aucune, avec des taux variables. Aussi, pour les produits alimentaires, la moyenne est certes de 0,1%, mais on notera que les viandes blanches ont augmenté de 3,1%, les céréales de 3,6%, les fromages de 1,6%, les boissons de 1,3% et les légumes de 0,1%. L'électricité et le gaz n'ont pas été en reste, enregistrant une hausse de l'ordre de 5%, avec une moyenne pour le groupe logement de 1,1%. Des hausses passées sous silence, signalons-le au passage. Du côté du groupe transport et communication, la moyenne a été de 0,4%. Mais au détail, les taxis ont augmenté de 5,3%, les louages de 8%. Quant aux vêtements, la hausse s'est située autour de 4,8%. Une hausse inévitable vu l'augmentation vertigineuse à l'échelle mondiale du pétrole, des produits alimentaires et des prix de matières premières industrielles. Le ministère du Commerce poursuit néanmoins l'organisation de rencontres de sensibilisation avec les différents professionnels afin de maîtriser les prix et de contenir la hausse. Le souci premier étant de garantir la régularité de l'approvisionnement du marché, l'abondance de l'offre notamment pour les produits de base et des produits agricoles en se basant essentiellement sur la production locale. C'est dans ce contexte qu'il a été décidé de constituer des réserves de régulation, pour se préparer aux saisons de grande consommation, d'inciter les professionnels à constituer eux-mêmes les réserves, dans les produits dont l'Etat ne se charge pas, la régularisation du manque de l'offre intérieure en ne recourant aux importations qu'en cas de nécessité Parallèlement, les opérations de contrôle et d'inspection économiques seront accentuées. Autre mécanisme imaginé pour contenir les prix : l'encouragement et l'incitation des professionnels à négocier en vue de conclure des « Accords Modération des Prix », notamment pour les produits de l'industrie agroalimentaire et d'hygiène et ce pour les grandes surfaces et les commerçants en gros . Avec toutes ces dispositions, le ministère du Commerce s'est engagé dans une réforme du système de subvention dont la finalité est de développer la production nationale, de rationaliser la consommation et de réguler la subvention, tout en préservant les équilibres généraux. Une réforme qui confirme le maintien de la Caisse Générale de Compensation et qui tend à contenir le coût économique de la subvention à la hauteur des capacités financières de l'Etat, soit autour de 1%, du PIB, à moyen terme. Pour ce faire, une série de mécanismes ont été mis en place, dont l'encouragement à la production agricole avec l'objectif d'atteindre l'autosuffisance, notamment pour les céréales, et ce à travers l'augmentation de la prime d'investissement à 40%, au titre de l'acquisition des équipements agricoles pour les mutuelles. On envisage également de fixer le taux d'intérêt des crédits agricoles saisonniers à un point avantageux de telle sorte que les agriculteurs qui remboursent leur dette dans les délais peuvent suspendre ou supprimer, pour certains produits (aliments pour bétail par exemple), les droits douaniers et la TVA, avec l'objectif de limiter les impacts de la flambée des prix sur les éleveurs. En parallèle, la politique progressive et périodique de régulation des prix serait poursuivie, tout comme les campagnes de sensibilisation à la rationalisation de la consommation . Pour ce qui est de la subvention accordée à la farine de pain, le ministère a serré les coudes pour un contrôle plus rigoureux afin de lutter contre le trafic. A cet effet, il a effectué un recensement des boulangeries opérationnelles, dont le nombre s'élève à 2239. Celles-ci disposent désormais d'une carte d'approvisionnement, depuis le début du mois de mai. Une carte sans laquelle elles ne pourront plus s'approvisionner en profitant des produits subventionnés. Autre mécanisme de contrôle : la création d'une banque de données reliant les différents intervenants, afin de garantir une plus grande transparence aux circuits de distribution. La flambée des prix place le pays face à de nouveaux défis qui exigent une réaction réfléchie dans le cadre d'une vision de solidarité nationale, tout en prenant en considération les intérêts des consommateurs et des producteurs, les priorités du développement, les capacités financières du pays et le pouvoir d'achat du citoyen. Crédit photos : Agence Chaïrat Insaf B.