Les règles de la libre concurrence régissent le commerce de la quasi-totalité des produits en Tunisie. Seuls quelques articles, stratégiques ou de première nécessité, échappent à la loi de l'offre et de la demande. Théoriquement, les prix se stabilisent d'eux-mêmes par les lois internes du marché. L'administration n'agit que pour réguler le débit de l'offre et de la demande pour éviter une éventuelle pénurie et contrer les risques de spéculations. Un tel choix impose de respecter les normes de la libre concurrence et d'éviter la monopolisation du marché de tout produit d'une manière directe ou indirecte. L'administration veille à ce qu'aucune entreprise n'entrave ces règles et à sanctionner tout dérapage. Certes, plusieurs sont ceux qui ont cru que ces réglementations sont plutôt dissuasives et que l'administration ne fait miroiter que pour avertir et non pour sanctionner. Mais voilà qu'une plainte déposée auprès du Conseil de la concurrence par le ministre du Commerce et de l'Artisanat contre des entreprises de production de couches pour bébés et de serviettes hygiéniques pour entente illicite sur les prix et violation des règles de la libre concurrence, aboutit à des amendes dont le total s'élève à un million de dinars. Finie la phase d'observation, place aux sanctions. Lorsque l'administration a constaté l'existence de pratiques ayant nui à la bonne marche du commerce, elle a porté plainte et l'enquête a confirmé la véracité des faits. Qu'en est-il exactement ? Les services du ministère du Commerce et de l'Artisanat ont constaté une complaisance entre la société Florys (distribuant, notamment, les couches pour bébés, Peaudouce, et autres articles hygiéniques produits par Sancella appartenant au même groupe) et la Société d'Articles Hygiéniques SAH (distribuant entre autres les couches bébés, mouchoirs et serviettes hygiéniques de marque Lilas) et ce dans la délimitation des zones de distribution de leurs marques respectives ainsi que dans la fixation des prix et des marges bénéficiaires. Les mêmes services ont, également, remarqué qu'un circuit de distribution, formé de commerçants grossistes, a été mis en place pour appliquer cette politique de mainmise sur le marché des articles hygiéniques. Lesquels grossistes obtiennent des facilités de paiement et des remises supérieures aux autres commerçants et ce, en contrepartie de leur adhésion à cette stratégie commerciale complaisante. De telles pratiques ont amené les services compétents à conclure à plusieurs contraventions : - Une entente sur les politiques commerciales entre la société Florys et SAH. - Une entente sur les zones de distribution et les prix de gros des couches bébés « Peaudouce » et « Lilas » et ce, en dehors du cadre normal de l'offre et de la demande. - Une entente entre plusieurs grossistes du Nord-Ouest sur les prix des couches bébés. - Les sociétés Florys et SAH ont adopté des pratiques restrictives de vente pour exploiter au maximum leur mainmise sur le marché. Le Conseil de la concurrence a diligenté une enquête auprès de onze intervenants cités dans la requête du ministère du Commerce et de l'Artisanat. Les principaux protagonistes ont nié avoir agi de concert, justifiant leurs politiques similaires des prix par des éléments extérieurs à leur volonté telles que les hausses des cours des matières premières ou la croissance des charges salariales. En guise de preuve de leur bonne intention, ils ont souligné qu'un troisième producteur a suivi la même grille des prix. Pour ce qui est des commerçants grossistes, ils ont reconnu les faits lors de l'enquête et précisé qu'ils ont agi de la sorte pour protéger leurs bénéfices et leur quotepart sur le marché, dominé par ces deux producteurs. Les commerçants grossistes ont expliqué aux enquêteurs qu'ils n'étaient pas en mesure d'agir autrement. Après avoir entendu les explications de chacun des intervenants et, notamment, celles de la société Florys et de SAH, le Conseil de la concurrence a conclu à la véracité des contraventions constatées par les services du ministère du Commerce et de l'Artisanat et citées dans sa requête. Lesquelles pratiques constituent une entrave à la concurrence en vertu de l'article 5 (nouveau) de la loi sur la concurrence et les prix. Les sanctions décidées par le Conseil de la concurrence répondent à l'esprit de sa jurisprudence qui préconise que ces sanctions sont prononcées en fonction de la gravité des faits, du préjudice engendré à l'économie, de la place sur le marché des entreprises contrevenantes et du volume des bénéfices frauduleux engendrés. Et comme les 11 entreprises contrevenantes n'ont pas la même responsabilité dans cette entente illicite, quelques unes n'ont pas été sanctionnées. On a réussi à prouver que leur volonté n'étant pas libre lors de l'établissement de ces accords. Le Conseil de concurrence a décidé de condamner la société Florys (Peaudouce) à une amende de quatre cents mille dinars (400 000), la Société des articles hygiéniques (Lilas) à une amende de cinq cents mille dinars (500 000) et la Société d'hygiène de distribution à une amende de cent mille dinars (100 000). Soit un total d'un milliard de millimes. Les sociétés ont décidé de faire appel, apprend-on. N'empêche. Ce jugement prouve, si besoin est, que les dispositifs réglementaires en Tunisie sont, de plus en plus, conformes avec les normes internationales en matière de concurrence. La saine concurrence, la seule garante de protéger les droits du consommateur et des entreprises. Cliquer ici pour voir la caricature liée à ce sujet Mounir Ben Mahmoud