« Il faut dépasser les événements et passer à l'action… », « C'est une action choc, concrète, réaliste et réalisable… ». Ce sont là les termes utilisés par Hédi Djilani, président de l'Union tunisienne pour l'industrie, le commerce et l'artisanat (UTICA), vendredi 7 janvier 2011 devant un parterre de journalistes venus en grand nombre assister au point de presse qu'il a tenu au siège de l'Organisation patronale en vue d'expliciter le communiqué, rendu public, la veille par le Conseil administratif de l'Union. Sur un ton pathétique, empreint d'arguments logiques et économiques, mais dominé par une forte charge émotionnelle en évoquant le volet social de la situation. « Il faut mettre la main dans la main pour créer le maximum d'emplois quitte à ce que le chef d'entreprise renonce à une partie de ses bénéfices… Il est indécent de parler d'un manque de bénéfices alors que des jeunes ayant fait près de vingt ans d'études se trouvent au chômage… », a indiqué en substance le président de l'UTICA. C'est donc un discours de choc qu'a tenu M. Djilani pour présenter le programme d'urgence destiné au recrutement de 50 mille diplômés du supérieur dans les régions et notamment les chômeurs de longue durée et les enfants des familles défavorisées. C'est un programme vaste et ambitieux qui exige la mobilisation sincère et effective de tous les patrons en vue de concrétiser ce quota de 4% de recrutements supplémentaires par les entreprises, a-t-il ajouté avant de préciser qu'il s'agit, en fait, d'assurer un meilleur taux d'encadrement dans les entreprises qui souffrent d'une carence criarde en la matière. Au moment où les pays européens disposent d'un taux d'encadrement de 30% et plus, et alors que des pays comme la Chine et l'Inde se retrouvent, déjà, avec un taux de 20 à 25%, les entreprises tunisiennes n'assurent qu'un taux de 10%, voire moins, d'où la bonne marge de progression sur ce volet bien précis. Autrement dit, une bonne perspective de procéder à des recrutements de cadres qui vont apporter le plus et être bénéfiques pour l'entreprise. C'est dire qu'il ne s'agit pas d'un acte d'aumône ni de charité. Au contraire, ce sera une action bénéfique pour le rendement et l'efficacité ainsi que pour la compétitivité des entreprises qui pourront, ainsi, produire mieux et exporter plus. Et comme l'a annoncé M. Djilani, dès samedi 8 janvier 2011, les responsables des Unions régionales de l'Organisation patronale ont eu des réunions avec les hommes d'affaires de leurs régions respectives dans pas moins de 20 gouvernorats pour mieux faire passer le message. Des annonces de recrutements ont été faites en attendant les résultats de la suite de cette mobilisation. Et à Hédi Djilani de préciser avec fierté que le site web de l'UTICA se chargera de publier quotidiennement la liste de tous les recrutés dans chaque gouvernorat avec le nom, prénom, numéro de la carte d'identité et nom de la société employeuse. Tout va être transparent avant d'affirmer que chaque diplômé recruté percevra un salaire compatible avec ses compétences et ses diplômes. Il s'agit là du volet urgent et de court terme, mais sur le long terme aussi, le chef de l'Organisation patronale a présenté sa vision et sa conception pour remédier à cette problématique du chômage et de l'emploi. Il a tenu d'abord à dire que personne ne peut prétendre disposer d'une baguette magique pour résoudre le problème en un tournemain. La Tunisie ayant choisi la voie difficile avec la généralisation de l'enseignement pour tous, le marché de l'emploi se retrouve envahi, chaque année de 60 mille à 70 mille nouveaux venus parmi les diplômés universitaires, dont seule la moitié peut être satisfaite. Il est temps de mettre au point une stratégie nationale adéquate avec ces nouvelles donnes. Et M. Djilani de ré-évoquer une proposition qui avait « choqué » lorsqu'il en avait parlé à la Chambre des députés. Il s'agit de « l'exportation de nos jeunes diplômés » vers des pays demandeurs en Europe et en Afrique notamment. A titre d'exemple, il indique que les Européens préconisent « l'importation » de pas moins de 2.500.000 cadres étrangers. « Or, si on parvient à en décrocher 5% seulement, cela nous ferait 125.000 cadres d'embauchés », explique le président de l'UTICA qui ajoute que le marché africain est encore assez vierge en la matière. A cela, il faudra ajouter la nécessité de changer les mentalités dans le sens où il faut convaincre les nouveaux bacheliers, qui se voient déjà «cols blancs », d'opter pour des filières techniques à vocation professionnelle, sans oublier de modifier et amender certaines lois et législations régissant la vie des entreprises économiques, lorsqu'il le faut. Hédi Djilani a profité de cette rencontre avec les représentants des médias pour évoquer la stratégie de communications de l'Organisation patronale. « Nous n'avons pas de département de communication digne de ce nom ni de spécialistes dans ce domaine névralgique » a-t-il reconnu en toute franchise avant d'ajouter : « Nous communiquons très mal… On est nuls sur ce point… Nous ne disposons pas encore des fonds nécessaires pour répondre à ces exigences et je profite de cette occasion pour lancer un appel aux hommes d'affaires pour mieux financer leur organisation et pallier à cette lacune de taille…». Et M. Djilani de conclure ce point de presse en mettant l'accent sur l'importance de l'existence d'une élite. La locomotive de tout pays ne peut être tirée que par une élite et des leaders. C'est une évidence et une condition sine qua non pour aller de l'avant et progresser. Le lancement de ce programme d'urgence pour le recrutement des jeunes est une action positive dans l'état actuel des choses. En effet, l'heure étant grave, il est de bon aloi que les hommes d'affaires consentent certains efforts, voire certains sacrifices, afin de contribuer à l'amélioration des conditions sociales des citoyens et à la paix sociale. C'est, en quelque sorte, un appel, comme l'a mentionné d'ailleurs le président de l'UTICA, à l'émergence d'une entreprise citoyenne. Noureddine HLAOUI