Le Premier ministre du gouvernement provisoire, Béji Caïd Essebsi, a répondu aux accusations de Farhat Rajhi et a lancé des accusations contre certains partis politiques de vouloir, à tout prix, reporter l'échéance du 24 juillet 2011, quitte à payer, en monnaie sonnante et trébuchante, des personnes chargées de perpétrer des actes de sabotage et faire propager un climat de tension généralisé. Lors d'une interview télévisée commune aux trois chaînes, la Nationale 1, Nessma TV et Hannibal TV, dimanche soir, 8 mai 2011, M. Essebsi a été, d'abord, franc et direct pour fustiger sans ambages, les propos de Farhat Rajhi qu'il a qualifié d'irresponsable et passible d'être traduit devant la justice. Il a même expliqué les raisons de son remplacement à la tête du ministère de l'Intérieur où son rendement a été jugé inadéquat avec les exigences de ce département hautement sensible. Se présentant dans une forme splendide (touchons du bois) et faisant preuve d'un sens de l'humour et d'une présence d'esprit qui lui sont, désormais, coutumiers, le Premier ministre a répondu à toutes les questions sans le moindre détour, allant jusqu'à promettre la publication quotidienne, s'il le faut, de communiqués sur l'action gouvernementale. Même si cela est contraire à sa conception du principe de l'Etat. « Mais puisque le peuple veut ainsi, on va le faire », a-t-il enchaîné. Pour revenir aux propos de M. Rajhi, il les a qualifiés d'irresponsables et infondées. Il a réfuté les allégations quant à l'existence de ce qu'il appelle « un gouvernement de l'ombre ». Il a réfuté les tentatives de raviver les orientations régionalistes et défendu l'honneur de l'institution militaire. Concernant les lenteurs de la justice face aux affaires de corruption et de malversations, Béji Caïd Essebsi a reconnu le manque de rythme dans le traitement de ces dossiers. Et tout en estimant que le gouvernement ne peut s'immiscer dans l'action de la magistrature, il a promis de faire ce qui est en son pouvoir pour essayer d'accélérer le processus en la matière. Passant au volet sécuritaire qui a accaparé une bonne partie de cette rencontre télévisée, le Premier ministre a reconnu les abus enregistrés, lors de ces derniers jours et mis en exergue les excuses officielles présentées par le ministère de l'Intérieur et les enquêtes entamées pour déterminer les responsabilités, mais il a brossé un tableau pas trop reluisant de la situation que le pays traîne encore depuis l'avènement de la Révolution. Et à ce propos, il précisé qu'à chaque fois que le calme revenait dans le pays, des forces occultes, qui seront dévoilées en temps opportun, font remuer la rue dans le but de semer la confusion et le chaos. Béji Caïd Essebsi, s'est voulu rassurant et optimiste quant à la création des emplois dans les régions déshéritées, mais il a minimisé la portée de son optimisme en rappelant l'ampleur des revendications, parfois infondées ou déplacées au vu de la situation exceptionnelle vécue par la Tunisie. Il a rappelé que le pays a des engagements à respecter vis-à-vis des pays frères et amis, d'où l'impératif de reprendre le travail et de refaire fonctionner les entreprises économiques afin de rassurer les hommes d'affaires et les investisseurs aussi bien nationaux qu'étrangers. Sans oublier la situation touristique qui semble être condamnée pour l'année 2011 en cours. Si on y ajoute qu'au lieu de créer de nouveaux emplois, la Tunisie est en train de perdre, mensuellement, sept mille postes d'emplois, on mesure la complexité de la situation économique pas du tout au beau fixe et qui exige le redoublement des efforts de tous pour aspirer à sortir de l'auberge. Et la crise à la frontière libyenne n'est pas pour arranger les choses, déjà, fort compliquées. Il a profité de ce point précis pour opposer un démenti catégorique aux allégations prétendant un accord avec l'OTAN pour s'installer dans le Sud tunisien en vue d'attaquer les forces de Kadhafi. M. Caïd Essebsi a, bien entendu, abordé la question de l'échéance du 24 juillet 2011 en réaffirmant l'attachement du gouvernement provisoire à respecter cette date et que, sauf cas de force majeure, le scrutin aura bien lieu à l'échéance fixée. Un autre fait saillant relevé par M. Caïd Essebsi touche à l'implication de certains partis politiques, actuellement actifs sur la scène, dans les mouvements de gabegie (un cas avéré a été enregistré récemment à Siliana) et que des jeunes ont avoué avoir reçu des sommes d'argent de la part d'un secrétaire général d'un parti politique pour faire répandre l'instabilité. En conclusion, le Premier ministre a lancé un appel pressant et pathétique à toutes les Tunisiennes et tous les Tunisiens de se remettre au travail. « Nous ne voulons pas qu'on en arrive au point de ne plus pouvoir payer les salaires des employés », a-t-il dit en substance dans l'esprit évident de tirer, une fois de plus, la sonnette d'alarme. Toutes ces marches et ces sit-in et autres grèves sont contreproductifs et empêchent la révolution d'atteindre ses objectifs dans le sens où ils entravent la dynamique économique et sociale dans le pays et donnent une piètre image de la Tunisie aux yeux des pays étrangers. Après ce débat télévisé, on ressort avec un préjugé plus favorable que jamais pour Béji Caïd Essebsi, un homme d'un courage inouï qui accepte de mener un combat héroïque pour sauver la Tunisie et la mener à bon port surtout qu'on est sûr et certain qu'il n'a aucune ambition politique. Autrement dit, il ne peut être accusé d'opportunisme ou d'avoir un agenda politique personnel. Un homme qui met toute son énergie, malgré l'âge, à réussir cette opération de sauvetage en faisant preuve de détermination rare tout en étant conscient de la délicatesse et de la gravité de sa mission et tout en assurant, en usant d'un proverbe bien de chez nous, que la patience a des limites et qu'il est à affronter la situation. Les premières réactions provenant, immédiatement après le débat, de la part des leaders du FDTL, Dr Mustapha Ben Jaâfar, du PDP, Ahmed Néjib Chebbi et d'Ettajdid, Ahmed Ibrahim ont, à quelques nuances près, salué les propos du Premier ministre et lancé un appel au travail et à ne recourir aux marches que lorsqu'elles sont pacifiques et organisées dans le cadre de la discipline et de la loi. Par contre, lors d'une apparition sur la chaîne d'El Jazeera, Sihem Ben Sedrine, accompagnée d'un avocat tunisien, a paru ne pas apprécier les paroles de Béji Caïd Essebsi et préférer croire Farhat Rajhi à qui elle a rendu visite au siège même du ministère de l'Intérieur lorsqu'il en détenait le portefeuille, à plus d'une reprise. Des faits qu'elle n'a pas reniés lors de son interview accordée à Soufiane Ben Farhat et Ala' Chebbi sur les antennes de la chaîne télévisée Attounissiya de Sami Fehri. Les propos de Mme Ben Sedrine et de l'avocat avaient une connotation de menaces à peine voilées contre le gouvernement si on venait à intenter la moindre action à l'encontre de M. Rajhi. C'est dire que les premières impressions sont favorables au « discours de M Caïd Essebsi, mais il faudra attendre l'impact sur le terrain pour pouvoir se prononcer sur le degré d'optimisme à faire prévaloir dans les jours et les semaines à venir. Noureddine HLAOUI